The Good Business
Ils dirigent les plus grandes marques dans l’univers de la chaussure. Ils ont des têtes bien faites, des idées originales ou visionnaires qui font bouger les lignes et des convictions qui changent souvent la donne…
Marc Durie, trajectoire de luxe pour J.M. Weston. Depuis son premier poste chez Louis Vuitton en 2000, Marc Durie n’a plus quitté le business de la chaussure et du luxe : Christian Louboutin, Yves Saint Laurent en France et en Asie- Pacifique, Adidas, J. Mendel à New York et maintenant comme président de J.M. Weston. Depuis un an, il y fait évoluer le produit vers un usage plus contemporain. « Télétravail aidant, des modèles moins formels, hybrides, sur semelle en gomme et sans lacet me semblent adaptés à notre temps. C’est aussi renouer avec l’histoire d’une marque qui a créé le mocassin- pantoufle 180, en 1946. » Songeant à relocaliser à Limoges les 15 % de production portugaise et italienne (l’usine limousine, 140 employés, fabrique 85 % des collections), Marc Durie remet aussi sur les rails l’école de cordonnerie, pour toucher les trentenaires sensibles au savoir-faire, au durable, au réparable, sans oublier de les attirer avec des nouveautés : espadrilles printanières, maroquinerie et le renouveau de la collection féminine J.M. Weston. « Notre site de vente a élargi sa géographie. Nous allons nous redéployer au Japon, réinvestir les États-Unis. Avec déjà un pied en Corée, nous ciblons aussi la Chine. » É. M. eu.jmweston.com
Josh Luber, fondateur du sneaker’s market. Josh Luber – 44 ans sur le papier, toujours 20 dans sa tête – est ce « start guy », ainsi qu’il se désigne, qui a réussi à financiariser l’un des objets de consommation les plus mondialement banals : la basket. Lancée en 2015, la plate-forme StockX est passée de geeks de la sneaker à cette place boursière de la basket, où l’on vend et achète sans prix fixe, à des niveaux parfois déments – une Nike Dunk SB Low Paris a été adjugée à 51 950 $ ! –, selon que l’offre est jugée rare et désirable. Le business-modèle marche si fort qu’une levée de fonds record de 275 millions de dollars est venue placer StockX à la hauteur du rêve de son cofondateur (avec l’investisseur Dan Gilbert et Scott Cutler, passé par Wall Street et eBay) : diriger la première place boursière consacrée au streetwear. La folie sneaker a toujours été le terrain de jeux de ce primo- fan de Michael Jordan. En 2014, il lance Cambless, une cote de référence ; quelques années plus tard, il passe par IBM pour ensuite tenter ce « coup » de transformer sa passion en machine à cash, en traitant la basket tel un produit de luxe, estampillé authentique, neuf et jamais porté. L. C. stockx.com
Benoît Pagotto, « meta designer » de Nike. Benoît Pagotto a-t-il dévoré Snow Crash, le roman de Neal Stephenson, l’auteur de science-fiction qui, le premier, en 1992, inventa le métavers, cette vague visionnaire qui enflamme aujourd’hui la tech et ses mentors, ce numérique du futur où s’entremêlent réalité virtuelle, réalité augmentée et… réalité tout court ? Cofondateur, avec Chris Le et Steven Vasilev, de la start-up RTFKT, (prononcer « Artéfact »), un jeune « labo » fondé en 2020, dont la mission est de créer des baskets virtuelles pour mieux tester leur désirabilité en amont de leur destinée commerciale (rendue ainsi plus écoresponsable par son profil antigâchis des invendus), Benoît Pagotto appartient à ces talents de la tech dont le patronyme trouve à se loger dans les colonnes du Wall Street Journal. Forgé dans l’industrie du jeu et du luxe, le trentenaire français, qui vient de lever 8 M $, n’a pas tardé à s’attirer les convoitises de l’audacieux CEO de Nike, John Donahoe, lequel s’est empressé d’acquérir ce RTFKT qui surfe sur les technologies émergentes et qui scelle la marque dans ce « digital » que Nike traite avec un D. L. C. www.nike.com
Simona Cattaneo, la nouvelle prima donna de Tod’s. Les observateurs du landerneau de la mode saluent sa détermination, son goût du combat, au bon sens du terme. Simona Cattaneo est la directrice générale de Tod’s, l’emblématique mocassin à picots parti conquérir, à pas de velours, cette planète mode masculine où le groupe, toujours dans les mains majoritaires de son fondateur et président Diego Della Valle, entend capter ces millennials qui manquent encore à l’appel. Le bagage de Simona Cattaneo est à la hauteur des nouvelles ambitions du maroquinier de luxe : formation à l’université Bocconi, parcours jalonné de griffes prestigieuses – L’Oréal, Christian Dior Parfums, Burberry, Coty –, qui l’ont gratifiée de responsabilités et de missions où Simona Cattaneo a brillé par son talent à booster l’ADN premium des marques – dont elle a enrichi le portefeuille – et à réactiver leur courbe de croissance. Un sens du défi qui vaut aujourd’hui à cette Italienne si communicative d’être choisie pour offrir à Tod’s la cure de jouvence qu’il réclame, et l’emmener vers d’autres rivages – cosmétiques, parfum –, domaines dont Simona Cattaneo connaît tous les secrets. L. C. www.tods.com
Jérôme Espinos, les ambitions du CEO du French Legacy Group. En 1990, il entre chez Charles Jourdan et y apprend le métier. Aujourd’hui président du French Legacy Group, Jérôme Espinos ambitionne de redonner de l’éclat aux entreprises françaises en manque d’investissements. « J’ai travaillé avec Renaud Dutreil (ancien ministre des PME), représentant LVMH aux États-Unis. Il a monté Mirabaud Patrimoine Vivant, un fonds d’investissement qui mise sur des sociétés de savoir- faire à travers le French Legacy Group. L’idée est de relancer les entreprises en accompagnant leur développement. » Ce passionné de beaux souliers au parcours riche est passé par LVMH où il a travaillé cinq ans. En 2006, Ralph Lauren lui offre la présidence de la division chaussures, accessoires et sacs. Cette expérience le conduit à ouvrir une structure accueillant des créateurs de souliers comme Avril Gau et Laurence Dacade. Jérôme Espinos lance aussi sa marque, Violet Tomas. Aujourd’hui, il espère redorer le blason de Romans, capitale du business de la chaussure, grâce à un pôle industriel et créatif pour les marques du French Legacy Group et pour des labels extérieurs compatibles. É. M.
Antoine Arnault, le très secret maestro de Berluti. On se plaît à imaginer que Berluti, dont Antoine Arnault est le P-DG depuis 2012, trace une frontière sur son parcours. Qu’il y a un avant et un après cette griffe tombée dans l’escarcelle du groupe LVMH en 1996, ce mythique chausseur d’exception devenue marque de luxe au masculin. Mais si Berluti s’en va, de son pas altier, explorer d’autres domaines que celui des souliers, jamais ils ne doivent pour autant flouter l’image historique du chausseur. « C’est important pour moi d’avoir une vision microéconomique du secteur », déclarait cet HEC Montréal à son arrivée aux commandes de la griffe parisienne, non sans avoir fait connaître, comme directeur de la communication de LVMH, sa propre pointure de stratège. Depuis qu’il en a pris les commandes, Berluti a su dompter les coups de tempête sur fond de valse de ses directeurs artistiques, et s’ouvrir les portes du net grâce à un e-shop qui cartonne. Dommage qu’Antoine Arnault laisse peu filtrer la lumière sur sa personne. On aimerait mieux connaître l’homme qui se cache derrière le masque du P-DG, l’amateur de poker ou l’admirateur de Mastroianni… L. C. www.berluti.com
François Feijoo, un chausseur sachant diriger à la tête d’André. C’est à lui, François Feijoo, que la célèbre enseigne bien plus que centenaire doit sa survie et son nouveau départ. Cet ancien patron d’André (de 2005 à 2013, l’enseigne est alors l’un des fleurons du groupe Vivarte), voyant sa chère enseigne perdre pied en pleine vague Covid, s’est porté à son secours. Une candidature de reprise accueillie dans l’allégresse en avril 2020. Le nom de François Feijoo a valeur de caution. Ultra expérimenté, droit dans ses bottes de spécialiste dont le CV s’est enrichi d’une enseigne à l’autre, de chef de produit chez Myrys à bras droit du fondateur de San Marina, de P-DG de Minelli à la direction d’Éram. Il quitte André en 2013, dernière année où la griffe fut rentable. Dans les mains de François Feijoo, André redevient ainsi ce qu’elle fut, délesté d’une image dégradée par trop de « made in Asia ». Une marque dont il loue « l’irremplaçable expérience client », tout en réactivant l’offre numérique. « Un chausseur sachant chausser », telle fut l’inoubliable devise de la marque. Elle a désormais à sa tête un chausseur sachant (enfin) bien la diriger ! L. C. www.andre.fr
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