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Culturespaces est-il vraiment une menace pour les musées ?

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Premier acteur culturel privé européen spécialisé dans la gestion complète de monuments historiques et de musées, Culturespaces connaît un succès florissant depuis sa création en 1991. Aujourd’hui, l’entreprise français gère 12 sites qui rassemblent plus de 400 collaborateurs répartis entre la maison mère, à Paris, les différents centres d’art et les filiales aux Etats-Unis et aux Pays-Bas. A l’origine de cette expansion récente et hors norme : leurs expositions immersives qui se développent aux quatre coins de la planète. Retour sur une success story qui ne met pas tout le monde d'accord.

En une trentaine d’années, Culturespaces est devenu le cinquième opérateur culturel français après le Musée du Louvre, le Centre des monuments nationaux, le Domaine de Versailles et la Tour Eiffel, et cela grâce aux expositions immersives, un domaine dans lequel le groupe excelle.  Pour son président-fondateur, Bruno Monnier « la découverte des œuvres d’art relève plus de l’émotion que de la pédagogie. C’est ce que nous arrivons à créer avec nos expositions immersives et musicales qui touchent toutes les classes d’âge ».

Cuturespaces Digital : avant tout une technologie

En 2012, Culturespaces présentait pour la première fois aux Carrières des Lumières, aux Baux-de-Provence, un programme d’expositions immersives monumentales utilisant la technologie AMIEX® (Art & Music Immersive Experience). Nettement plus abouti que le vidéo mapping utilisé sur beaucoup de monuments, ce nouveau procédé a conquis 240 000 visiteurs la première année d’exploitation. Dans le souci de créer une nouvelle technologie encore plus performante, adaptable à plusieurs sites et d’avoir la main dessus, Bruno Monier donne naissance à Culturespaces Digital en 2018, aujourd’hui leader mondial dans la réalisation d’expositions numériques immersives.

Cette année-là, l’Atelier des lumières ouvre ses portes à Paris. L’ancienne Fonderie du Chemin-Vert a depuis accueilli 5 millions de visiteurs, presque autant que l’Arc de Triomphe ou le Château de Chambord, dont les renommées ne sont plus à faire. Fort de ce succès, cette formule d’exposition immersive se déploie dans le monde entier. En 2022, trois ouvertures ont eu lieu : la Fabrique des Lumières à Amsterdam, le Théâtre des Lumières à Séoul, le Hall des Lumières à New York. Et ça continue, Phoenix des Lumières à Dortmund vient d’être inauguré en janvier 2023. L’aventure se poursuivra en 2024 : « Nous prospectons activement pour ouvrir de nouveaux centres d’art numérique en Europe et en Asie. »

Culturespaces a ouvert des lieux aux Etats-Unis et aux Pays-Bas.
Culturespaces a ouvert des lieux aux Etats-Unis et aux Pays-Bas.

Toute une œuvre dans un même lieu

Au-delà d’un discours intellectuel, Culturespaces convainc le public en jouant la carte de l’émotion et du divertissement. Dans ces expositions, pas de cartel, pas de texte, l’information passe par l’image animée, celle des toiles de maîtres : Klimt, Van Gogh, Dalí, Cézanne ou encore Chagall.

« Pour nos expositions immersives, nous arrivons à rassembler tous les tableaux d’un artiste, même s’ils sont dispersés à travers le monde. L’exposition immersive permet de jouer sur les changements d’échelle, zoomer dans un tableau ou au contraire présenter une multitude de tableaux, c’est magique. Rassembler des chefs-d’œuvre disséminés à travers le monde est un atout majeur des expositions numériques, que ne permettent pas les expositions conventionnelles car certaines œuvres sont parfois trop fragiles pour être déplacées et le coût des transports et assurances pour de tels projets sont de plus en plus élevés. Les expositions numériques permettent ainsi une diffusion plus large des œuvres d’art et une appropriation plus évidente par le grand public. L’alliance de l’art et du numérique est l’avenir de la diffusion culturelle auprès des générations futures ».

Un avis qui fait bondir les critiques d’art mais pas les institutions parisiennes qui s’y mettent, à l’instar du Grand Palais Immersif, inauguré en 2022. D’autant que le succès de ces expositions numériques ne semblent pas altérer la fréquentation des musées traditionnels : pour preuve, le musée d’Orsay vient même de battre son record d’affluence. Avec une moyenne de 6.709 visiteurs quotidiens, l’exposition consacrée à Edvard Munch, exposition on ne peut plus qui a fermé ses portes en janvier 2023, a fait mieux que Picasso bleu et rose, qui détenait ce record depuis 2018.

Exposition numérique et traditionnelle : même combat

Force est de constater que les expositions numériques n’entrent pas en concurrence avec les expositions dites traditionnelles. Elles offrent simplement un nouveau moyen d’évasion et de divertissement, adapté à un public plus large, et notamment aux familles avec enfants. « Les centres d’art numérique ne se substituent pas aux musées mais sont complémentaires. Notre objectif est d’attirer les personnes qui ne se rendent pas habituellement dans les musées. C’est-à-dire plus de 75% de la population. Ce type de rencontre avec l’art qui est d’une certaine façon plus attractive peut être un déclic et inciter le public à aller dans les musées par la suite. Elles peuvent être une première approche de l’art pictural ou être un formidable moyen pour mieux appréhender les œuvres des expositions « traditionnelles » ».

Culturespaces crée des exposition immersives qui plongent le visiteur dans l’oeuvre.
Culturespaces crée des exposition immersives qui plongent le visiteur dans l’oeuvre.

Culturespaces n’a pas vocation à vider les musées car le groupe gère des centres d’art multidisciplinaires, tels que le Musée Jacquemart-André, à Paris, ou l’Hôtel de Caumont, à Aix-en-Provence, qui, avec sa programmation d’expositions temporaires, a accueilli plus de 1,7 million de visiteurs depuis son ouverture en 2015. En outre, le service Expositions de Culturespaces produit chaque année 5 expositions temporaires classiques et prépare 12 projets d’expositions futures. Culturespaces avance sur les deux terrains avec un intérêt commun, promouvoir l’art et la culture, n’en déplaise aux puristes !

Un business plan bien vu

Au-delà de l’aspect culturel, ces expositions sont une aubaine pour Culturespaces, elles restent moins coûteuses. Une exposition temporaire dans une grande institution parisienne coûte en moyenne 2,5 millions d’euros. « Le budget alloué pour créer une exposition immersive se situe entre 500 000 € et 1 000 000 € selon les cas – dont les droits reversés aux ayants droit ». Car contrairement aux rumeurs, Culturespaces Digitale n’utilise pas uniquement des œuvres appartenant aux collections publiques françaises.

« La négociation avec les ayants droit est une étape essentielle pour obtenir les autorisations nécessaires afin de pouvoir présenter les œuvres d’art dans nos expositions immersives. Nous entamons un dialogue avec les propriétaires des œuvres, les musées, les galeries ou les fondations, en expliquant le concept de notre exposition et en soulignant notre savoir-faire, ainsi que notre engagement au respect des œuvres et de la vision de l’artiste. C’est pour cela que les ayants droit sont impliqués et consultés régulièrement tout au long du processus de création. Nous les invitons à chacun de nos tests, jusqu’à la version finale qui leur est présentée en amont du vernissage, pour une ultime validation.

Nous discutons des conditions de licence, y compris la durée, le territoire, les droits d’exploitation et les éventuelles restrictions. Les négociations peuvent être complexes, en particulier lorsqu’il s’agit d’œuvres protégées par le droit d’auteur ou appartenant à des collections privées. Toutefois, notre objectif principal est toujours de trouver un accord qui profite à toutes les parties impliquées et qui permette de partager l’art de manière accessible et innovante ». Ces négociations, entre autres, permettent à Culturespaces d’accroître son catalogue d’expositions numériques, sous la direction artistique de Gianfranco Iannuzzi, et de réaliser un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros.

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