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Lancé au début du mois de février 2021 à l’initiative de l’Agence pour les Affaires Culturelles Japonaises, le Gouvernement du Japon, l’ambitieux projet CULTURE GATE to JAPAN nous fait voyager au cœur de l’archipel nippon entre tradition et modernité. Cette exploration menée sous un angle inhabituel, celui de l’art contemporain, nous permet de découvrir la culture japonaise en cette période inédite.
Ce vaste projet regroupe des artistes et des créateurs japonais, invités à créer des œuvres pour l’occasion. Ces dernières sont ensuite exposées dans des aéroports japonais. Le tout nouveau Tokyo International Cruise Terminal (dans le port de Tokyo) fait aussi partie des lieux d’exposition. L’expérience est prolongée online sur leur site. On y retrouve des vidéos et interviews des artistes/créateurs, ainsi que des articles sur le Japon et ses traditions.
À défaut de pouvoir physiquement nous rendre au Japon pour le moment, on fonce sur cet espace. Rien de tel pour se nourrir de mille idées pour notre prochain voyage. Une façon originale de découvrir les étonnants artistes et créateurs qui pensent et font le Japon d’aujourd’hui et de demain.
Aujourd’hui, direction la capitale ! Tokyo ouvre ses portes aux artistes dans ses deux aéroports internationaux : Narita et Haneda. Le projet s’étend aussi au Tokyo International Cruise Terminal, ouvert en septembre 2020 pour pouvoir accueillir même les plus gros bateaux.
Le Japon vu par Paola Antonelli
En nommant Paola Antonelli comme commissaire d’exposition de Haneda et Narita, CULTURE GATE to JAPAN affirme sa volonté de faire découvrir un Japon résolument contemporain. La curatrice a rassemblé des jeunes créateurs, parfois connus. Au programme : un travail sur le son, l’espace ou encore la réalité augmentée. Avec ces collectifs à la pointe de la réflexion interactive l’exposition promet d’être riche en surprises.
Pour ceux qui ne la connaissent pas, Paola Antonelli est la figure emblématique du Museum of Modern Art, à New York. Elle y est curatrice du département d’architecture et de design et directrice de la R&D. Ses recherches interrogent l’impact du design sur notre quotidien et étudient les possibilités d’un design responsable. Un concept qui plébiscite la construction d’un monde meilleur via le changement de nos comportements et de notre environnement.
3 questions à Paola Antonelli
Qu’est-ce que le voyage représente pour vous ?
Pour moi, chaque voyage – même un trajet en métro pour aller au Corona Park dans le Queens, à New York – est une aventure. J’ai été chanceuse de pouvoir continuer à voyager localement même pendant le confinement… Mais j’ai hâte de pouvoir à nouveau déployer mes ailes.
VISION GATE
Pour les expositions des Aéroports Internationaux de Narita et de Tokyo (Haneda), un thème commun a été choisi par Antonelli : VISION GATE. Cette idée vient du constat que pour beaucoup de visiteurs, le Japon est un des lieux les plus dépaysants qui puisse être. Le plus déroutant, c’est la perpétuelle cohabitation du passé et du futur, que l’on retrouve partout dans la culture japonaise. Si le Japon est à la pointe de la technologie, aucune innovation ne se fait sans une certaine touche de tradition. La culture japonaise se construit en revisitant des objets et des concepts à l’infini.
3 questions à Paola Antonelli
Est-ce que ce projet a changé votre manière d’appréhender le Japon ?
Je dirais que cela a renforcé mes impressions. Quand je suis au Japon, je m’attends toujours à être surprise. Je suis constamment étonnée de la curiosité pour les idées créatives, et par l’attention, le soin apporté à la qualité, la fierté qui sont mises dans la création des œuvres. C’est, pour moi, un des lieux et une des cultures les plus inspirantes au monde.
Les installations présentées à Haneda et Narita accueillent les visiteurs en leur présentant des manières de penser et de faire novatrices. Cependant, l’influence du passé persiste au sein de ces projections futuristes. “Pour moi, au Japon, la culture est une vision et la vision est une culture(…) il y a toujours un sens du futur, d’une possible perspective, qui vient d’un fort sens du passé, de la tradition” – Paola Antonelli.
3 questions à Paola Antonelli
Quel a été votre processus de curation pour le projet ?
Les Aéroport Internationaux de Narita et de Tokyo (Haneda)
En tant que commissaire d’exposition, j’ai toujours en tête plusieurs artistes avec lesquels j’ai envie de travailler, mais tout projet se pense avec les spécificités du lieu. Je me vois comme un réalisateur ou un producteur de films, le client -ici l’Agence pour les Affaires Culturelles et le Gouvernement du Japon- est le studio. Les artistes sont les acteurs, et notre but commun est d’être apprécié des spectateurs et de délivrer un message.
Nous avons choisi de commissionner six groupes d’artistes très différents pour produire des vidéos. Ces productions accueilleront les visiteurs avec une panoplie de divers points de vue caractéristiques du Japon.
L’entremêlement de la tradition et de l’innovation
A Haneda on retrouve une impressionnante installation sonore de trompettes de toutes tailles, Crowd Cloud (2021). L’œuvre exposée au terminal 2D a été réalisée par SUZUKI Yuri et HOSOI Miyu. Six vidéos sont également visibles dans les deux aéroports et permettent de découvrir le Japon. Ce qui nous frappe, et qu’on trouve particulièrement appréciable, c’est l’optimisme et l’énergie avec lesquels la plupart de ces artistes contemporains abordent le futur. On en avait bien besoin !
3 questions à Paola Antonelli
Quel a été votre processus de curation pour le projet ? suite
Pour l’installation physique au bout du terminal, j’ai pensé à une installation avec du son. SUZUKI Yuri et HOSOI Miyu ont monté une équipe incroyable, et nous avons été chanceux de pouvoir travailler avec deux artisans de Takaoka (dans la préfecture de Toyama) pour la coloration de ces trompettes. Cette région a un savoir-faire dans la manufacture de cuivres qui remonte à 400 ans. L’installation finale est le fruit d’une vraie collaboration entre tradition et innovation japonaise.
Back TOKYO Forth
Le volet Back TOKYO Forth du projet CULTURE GATE to JAPAN se trouve au cœur du port de Tokyo. L’exposition, dirigée par SAITO Seiichi (Président de Panoramatiks, anciennement Rhizomatiks Architecture) avec en commissaire d’exposition HATANAKA Minoru (Curateur en chef du NTT Intercommunication Center [ICC]), présente six artistes du domaine des arts médias. Tous ont pour un point de départ commun pour leur réflexion. Ils abordent les problématiques rencontrées dans la société japonaise dues au passage de la culture passée (back) à celle du futur (forth) dans la ville de Tokyo.
Résultat : on y découvre une capitale japonaise autrement. Grâce au regard de ces artistes sur leur ville, l’image que l’on avait de Tokyo est remise en question. Les thèmes abordés sont variés, et on y découvre surtout beaucoup de concepts typiquement japonais. Même si quelques détails seront probablement lost in translation, nous apprenons quand même beaucoup de choses sur la manière de penser le monde au Japon.
La réinterprétation du concept esthétique du « MA«
Au quatrième étage du Tokyo International Cruise Terminal on retrouve l’œuvre de FUJIKURA Asako. La jeune artiste s’est inspirée de la notion de MA. En japonais ce concept fait référence à la distance ou l’intervalle. L’idée principale du MA est que le temps et l’espace sont unis. Le jardin japonais est l’endroit par excellence où cette idée s’exprime. FUJIKURA invoque le MA en réinventant le jardin japonais conceptuellement mais aussi visuellement. En tant que port international, le Terminal qui surplombe Tokyo est un lieu de passage. Il est notamment caractérisé par les marchandises qui y transitent et aussi par les Hommes. L’artiste fait naître un jardin japonais en utilisant les spécificités de cet environnement. Son œuvre Midway Stone consiste finalement en un aménagement de l’espace. L’installation fait face à l’océan et laisse le paysage industriel se déployer en arrière-plan.
Une expérience accessible partout dans le monde
Au-delà des installations développées pour l’occasion, il existe une plateforme dédiée. Elle permet de trouver des vidéos d’artistes parlant de leurs processus créatifs, de la conception à la production. On sort de toutes ces réflexions artistiques un peu dépaysés, mais surtout complètement enchantés. On se dit en tout cas que quand on pourra de nouveau voyager, c’est un peu plus éveillé que l’on partira (re) découvrir le Japon.
Il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter un bon voyage, yoi tabi o !