Horlogerie
Une « capsule », une « carrure » et un bracelet : ces trois éléments interchangeables permettent de multiplier les looks de sa tocante Hegid. Un beau joujou, certes, mais surtout une montre mécanique fabriquée en France et animée par un mouvement suisse.
Acronyme d’Horlogerie Evolutive Globale Identitaire et Différente, Hegid a vu le jour en 2018 après trois ans de réflexion sur le design et le processus industriel à mettre en place. Il ne s’agit pas d’une nouvelle marque qui surfe sur le lien horlogerie-automobile ou d’un énième produit lancé sur Kickstarter mais d’une maison qui mise sur une (r)évolution de taille : la montre mécanique modulable.
Partant du principe qu’une montre mécanique, même si elle est certainement l’objet le plus durable qui soit et l’une des dernières résistantes à l’obsolescence programmée, peut, avec son design figé, lasser son propriétaire avec le temps, Henrik Gauché a l’idée de proposer une montre mécanique dont on peut changer une partie du boitier soi-même, avec deux doigts et sans outil. Ancien directeur d’un réseau de revendeurs de montres de luxe, il décide de concrétiser cette idée en 2015. Une aventure dans laquelle il embarque Emeric Delalandre, l’un de ses anciens stagiaires, et son petit frère Grégory Gauché, alors concepteur industriel dans l’automobile.
Ce dernier invente EVOL, la technologie qui permet de clipser et déclipser une « carrure » autour de la « capsule » qui abrite le cadran et le mouvement, en faisant glisser une bague en titane dans un boitier en acier. De leur côté, Henrik et Emeric développent la structure de la marque et dénichent des partenaires industriels, tous situés à 80 kilomètres autour de Morteau (Doubs). Le mouvement, lui, est fabriqué à quelques kilomètres, à La Chaux-de-Fonds (Suisse).
Fin juin 2018, deux premières montres sont lancées, sans accessoire. Avant d’être un concept, Hegid veut se poser en horloger de qualité. A Baselworld, la marque gagne le respect des professionnels du secteur et, dans la presse spécialisée, elle intrigue les amateurs de montres même les plus pointus. Pari gagné ! Au printemps 2019, les premiers accessoires sont mis en vente, et les clients Hegid peuvent s’offrir « une nouvelle montre mécanique » pour moins de 500 €, en changeant son look grâce aux différentes « carrures » proposées.
Aujourd’hui, les montres Hegid sont distribuĂ©es en direct sur le site de la marque et au Printemps Haussmann avant – quand ce sera possible – la rĂ©ouverture de la Samaritaine. Autre inauguration très attendue, celle de leur premier showroom physique, rue Volney (Paris IIe), au cĹ“ur de la galerie de l’atelier Hervet Manufacturier. C’est lĂ que The Good Life a rencontrĂ© Henrik GauchĂ© et Emeric Delalandre.
5 questions à Henrik Gauché et Emeric Delalandre, co-fondateurs de Hegid :
The Good Life : Comment expliquez-vous que Hegid soit la première marque horlogère à proposer des montres mécaniques modulables ? Personne n’y avait pensé ?
Henrik Gauché : Il y a eu des tentatives… Certaines grandes maisons ont essayé mais il fallait passer chez l’horloger pour changer l’allure de sa montre. De notre côté, nous avons créé ce système EVOL, avec une bague solidaire de la montre qui permet à tout le monde de le faire sans outil. Trouver cette solution technique a apporté quelque chose de nouveau. Notre force, ce n’est pas d’avoir fait mieux mais d’avoir fait plus simple et plus solide, donc plus durable : une bague qui glisse dans un boitier, ça évite les poussoirs et les tiges qui se cassent ou s’usent.
The Good Life : Cette technologie brevetée a-t-elle attiré l’attention de grandes marques ?
Henrik Gauché : De grands groupes se sont intéressés à nous. Au tout début, certains voulaient acheter la technologie et on aurait gagné beaucoup d’argent sans avoir à développer Hegid…  Mais on ne voulait pas tuer la marque, on voulait la développer. C’est notre bébé ! Nous nous considérons comme des artistes et Hegid est notre moyen d’expression.
TGL : Si la technologie est innovante, le design, lui, est plus classique…
Emeric Delalandre : Nos modèles sont des basiques horlogers. Notre concept est de pouvoir posséder plusieurs modèles sans acheter plusieurs montres et passer d’un basique à l’autre. Mais notre directeur artistique, Jérôme Coste, qui s’est occupé du logo et de l’identité visuelle de Hegid, participe désormais au design des montres et accessoires. C’est à lui que l’on doit notre nouvelle capsule Mirage, plus différenciante. Il aura la lourde tâche de continuer à dessiner des objets intemporels, mais aussi des accessoires qui sortent de l’ordinaire. Cela passera par des collaborations avec des artisans qui n’appartiennent pas au monde de l’horlogerie.
TGL : Comment avez-vous réussi à convaincre les artisans du bassin horloger français de travailler avec vous ?
H.G. : Dans le Doubs, se trouvent de nombreux sous-traitants « secrets » des plus grandes maisons suisses, qui participent notamment à la fabrication des séries limitées les plus exclusives. Nous avons, en France, des savoir-faire extrêmes et pointus. La première fois, nous avons fait le tour du département en costume dans notre Fiat 500 et les artisans ne nous ont même pas adressé la parole ! (rires) Ils étaient méfiants parce qu’ils venaient de se prendre une vague de nouveaux acteurs Kickstarter qui leur commandaient des devis mais coupaient court aux discussions dès qu’ils se rendaient compte que la qualité avait un prix… En bons Normands, nous y sommes retournés avec une bouteille de calva et, aujourd’hui, ce sont devenus des partenaires industriels… et des copains ! Quand on y va, on travaille le matin, on mange, on fait la sieste pour dégriser et on repart.
TGL : Quelles sont les prochaines étapes du développement de Hegid ?
H.G. : L’objectif est d’accélérer notre développement et cela va passer par du financement. Nous sommes en train de lever des fonds, en grande partie aux Etats-Unis où nous allons ouvrir une cellule locale. Ils adorent Hegid ! Il y a plus d’Américains qui consultent notre site que de Français alors qu’on ne communique pas aux Etats-Unis. Ensuite, il faudra enrichir les collections et après, amorcer notre développement territorial, qui dépendra de nos envies et des opportunités. L’important – je l’ai appris en travaillant avec des horlogers suisses pendant quinze ans –, c’est la prudence. Se développer, certes, mais sans mettre de côté la qualité car on souhaite que les gens qui achètent une montre Hegid aujourd’hui ne nous détestent pas le lendemain.
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