The Good Business
Elle n'a rien d'officiel sur les cartes du Péloponnèse mais c'est souvent elle que viennent chercher les voyageurs qui font une halte par Kalamata. Costa Navarino est une destination pas comme les autres, fruit de l'ambition d'un riche armateur écolo qui rêvait de faire de sa région une destination phare du tourisme mondial tout en donnant de l'emploi à ses jeunes. Défi relevé ?
Le néophyte ne remarquera peut-être pas le stand siglé « Costa Navarino » placé en face des loueurs d’autos. Pourtant, l’aéroport de Kalamata lui doit sa nouvelle vie.
Naguère appartement à un micro aérodrome militaire, cette piste d’atterrissage en bord du golfe de Messénie est privatisée dès 2009 — soit une année avant l’inauguration des premiers hôtels reprenant le nom de Costa Navarino. Depuis, le volume de vols augmente d’environ 15 % par an permettant aux Parisiens mais aussi aux Anglais venus, par exemple, de Manchester ou de Londres, aux Genevois ou aux Milanais de découvrir le sud-ouest du Péloponnèse. Le Covid a bien sûr mis un coup de frein à cette croissance mais l’inauguration de nouvelles lignes s’accélère, notamment grâce à la compagnie grecque Aegean qui a poussé la destination en France et à Lufthansa qui fait de même en Allemagne.
L’Odyssée du Capitaine Vassilis
Costa Navarino n’est ni une région administrative ni un département officiellement établi. Bien que tirant son nom de la baie du même nom, là où se tint en 1827 une bataille décisive dans l’indépendance de la Grèce, cette « destination » est l’œuvre d’une vie, celle d’un entrepreneur milliardaire, ambitieux et visionnaire désireux de redynamiser sa région natale afin que ses jeunes n’aient plus à la fuir. Pièce par pièce, ou plutôt terre par terre, celui-ci achète dès le mitant des années 1980 des mètres carrés puis des hectares de champs en prévision du projet de sa vie.
Vassilis C. Constantakopoulos (1935-2011) est surnommé le « capitaine » car, avant Costa Navarino, il s’était déjà attelé à l’entreprenariat en fondant Costamare Shipping Co S.A en 1974. En 1985, il se tourne vers le transport en porte-conteneur et fait de sa société la plus importante compagnie privée et indépendante de transport de marchandises en mer au monde. En 2014, elle générait 484 millions de dollars de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, elle est cotée au NYSE (le New York Stock Exchange, la plus grande bourse au monde, basée à New York, ndlr) et emploie plus de 2500 personnes.
L’épopée du Capitaine prend racine en Messénie. Pendant 30 ans, le natif de Diavolitsi, bourgade planquée dans les terres péloponnésiennes, assemble patiemment les pièces d’un puzzle qui se concrétise une année avant son décès, en 2010, par l’ouverture d’un premier golf et de deux hôtels (The Westin et The Romanos) sous l’égide de Costa Navarino.
Au départ, la Messénie
Bien loin des célébrissimes et surfrenquentées îles des Cyclades, le Péloponnèse est un territoire splendide et méconnu. Peuplé d’à peine 700 000 âmes, soit même pas la population de Marseille, cette « périphérie » (c’est ainsi que se nomment les régions administratives en Grèce, ndlr) se découpe en districts régionaux. La Messénie, dont la capitale, Kalamata, est bien connue des amateurs d’olives, se dessine à l’extrême sud-ouest de la péninsule.
La région jouit d’un panorama idyllique. Les pieds dans les eaux de la mer Ionienne, les sublimes plages s’enchaînent, dont Voidokilia, en forme de lettre oméga bordée de dunes. La Messénie est également une réserve incroyable pour la biodiversité, à commencer par les 400 espèces d’oiseaux migrateurs qui font halte par l’étang de Katafigio ou les tortues de mer Careta Careta qui pondent tout le long de la cote et notamment sur la plage de l’hôtel The Romanos.
Comme souvent en Grèce, la région s’accompagne de nombreux mythes. A Pylos, par exemple, port pittoresque situé à dix minutes de route du plus récent des hôtels Costa Navarino, L’Odyssée narre l’épisode du roi Nestor accueillant Télémaque à la recherche de son père Ulysse et la déesse Athéna déguisée en mortelle. Des palais et des tombes voûtées de l’époque mycénienne, des temples classiques, des églises byzantines et des châteaux médiévaux parsèment également le paysage, chacun convoquant son lot de mythologies.
L'Odyssée du capitaine Vassilis
- 29 juin 1935 : naissance de Vassilis Constantakopoulos
- 1953 : il embarque sur un navire du port du Pirée
- 1974 : il fonde Costamare Shopping Co S.A.
- 1985 : pour palier à la crise du transport maritime, il développe deux idées : l’exploitation des porte-conteneurs et l’envie de faire de sa région natale un haut-lieu du tourisme.
- 1997 : ayant déjà acquis près de 800 hectares de terres, il fonde TEMES pour gérer leur développement.
- 2005 : le capitaine prend sa retraite et laisse la présidence de TEMES a son fils Achilles.
- Mai 2010 : inauguration de The Westin, The Romanos et du premier parcours de golf.
- Janvier 2011 : décès de Vassilis Constantakopoulos.
- Octobre 2011 : ouverture du second parcours de golf.
- Février 2022 : deux nouveaux parcours de golf invitent à leur tour leurs premiers guests.
- Août 2022 : un troisième hôtel est né, le W.
- 2023 : inauguration d’un prochain Mandarin Oriental.
L’hôtellerie XXL selon Costa Navarino
Plus de 1000 hectares forment le territoire de Costa Navarino. « Destination » : cette dénomination est entrée dans le langage courant des gens du coin, synonyme d’une quasi région du Péloponnèse. Elle se découpe en plusieurs site : Navarino Dunes, l’originel, mais aussi Navarino Bay, Waterfront ou encore Hills. Le tout est développé et opéré par TEMES, l’entreprise familiale aujourd’hui dirigée par Achilles Constantakopoulos, second fils du Capitaine.
En 2011 s’ouvrent donc The Romanos et The Westin, franchises du groupe Marriott. The Romanos compte 320 chambres, suites et villas de luxe allant de 43 m2 à 192 m2, avec des piscines à débordement privées dans presque toutes les unités du rez-de-chaussée. Puisqu’il joue dans la cour du luxe, il propose aussi deux grandioses villas avec vue sur la mer, la Royal Koroni, large de 660 m2, et la Royal Methoni, presque aussi grande. The Westin s’adresse quant à lui à une clientèle plus familiale, opérant 444 clés jusqu’à 80 m2.
Etablissements voisins, ils partagent une Agora qui fait écho à ces larges places traditionnelles où se tenaient les réunions formelles et informelles dans l’Antiquité et où s’échangent aujourd’hui cafés frappés et souvlakis. L’Agora selon Costa Navarino reprend des codes similaires : s’y retrouvent de nombreuses options de restauration (un Italien, un traiteur grec, un coffee shop…) qui permettent aux clients de déjeuner et dîner en terrasse ou de prendre leur repas à emporter, sur la plage par exemple.
Non loin de là, un spa, Anazoe, se révèle sur une surface de plus de 4000 m2. Avec ses soins largement tournés vers la nature, notamment autour de l’Oleotherapie® (des protocoles utilisant l’huile d’olive basés sur d’anciennes pratiques locales détaillées sur des tablettes d’argile découvertes dans le palais de Nestor, qui se situe tout proche du spa), il a gagné de nombreux prix internationaux qu’il ne manque d’ailleurs pas d’afficher dans son lobby.
Deux nouvelles enseignes du groupe témoignent d’une accélération voulue de séduire de nouveaux curieux, plus exigeants, moins attachés au voyage en famille et, surtout, internationaux.
Depuis 2011 et l’inauguration des premiers hôtels estampillés Costa Navarino, l’empire s’est bien étendu. Cette année, c’est un hôtel W qui ouvrait ses portes, implanté à 15 minutes de route au sud de ses deux grands frères sur le site de Navarino Waterfront. Il s’agit là de la première franchise au monde de la collection du groupe Marriott. En 2023, c’est un Mandarin Oriental qui sera baptisé, juché sur une colline en retrait du W Costa Navarino, sur le site de Navarino Bay.
Ces deux nouvelles enseignes témoignent d’une accélération voulue par le groupe de séduire de nouveaux curieux, plus exigeants, moins attachés au voyage en famille et, surtout, internationaux. Car si The Westin et The Romanos présentent des infrastructures pour occuper les (tout) petits comme les ados (kids club, bowling, école de tennis…) pendant que les parents se détendent au spa, le W est réservé aux plus de 12 ans — le Mandarin Oriental devrait probablement suivre cette tendance.
Une destination clé en main
Le génie du Capitaine réside dans son approche de sa problématique : faire de la Messénie une région attractive. A la façon d’un resort, il a donc créé autour de ses hôtels de nombreuses infrastructures afin de garantir à ses invités un confort clé en main (spa, kids clubs, restaurants, bars…). Afin d’attirer une clientèle d’un autre genre, il a aussi misé sur le sport pour faire venir jusqu’à Costa Navarino des voyageurs plus motivés à tester de nouveaux terrains (de golf, de tennis…) qu’à lézarder au bord de la piscine.
« Nos parcours de golf sont particulièrement importants lors des ‘shoulder periods‘, ces moments où les vacanciers reprennent le chemin du travail mais où les afficionados de la discipline organisent des tournois ou des entrainements » – Valia Vanezi, directrice de la communication
Le premier parcours de golf, The Dunes Course a été inauguré en 2011 simultanément avec The Westin et The Romanos ; désormais, ce sont quatre parcours qui s’étalent sur les terres de Costa Navarino. Pour ne rien laisser au hasard, chacun d’eux a été dessiné par un champion : The Dunes Course par Bernhard Langer, The Bay Course par Trent Jones Jr. Les deux nouveaux parcours inaugurés en février 2022 sont quant à eux les œuvres d’une légende de la Ryder Cup, José María Olazabal.
L’avantage d’un séjour de golfeur à Costa Navarino, quel que soit l’hôtel où il pose ses valises, est la proximité des quatre 18-trous. Disposés à moins de vingt minutes les uns des autres et des trois (bientôt quatre) hôtels du groupe, ils permettent aux passionnés de s’adonner à leur hobby dans des cadres aussi idylliques que différents (en front de mer, au sommet d’une colline, dans les oliviers…). Une force quand on sait que la Grèce ne décompte que neuf parcours de golf sur l’ensemble de son territoire.
Plus récemment, Costa Navarino s’est tourné vers la raquette. Le site de Navarino Dunes abrite le premier Mouratoglou Tennis Center d’Europe en dehors de la Mouratoglou Academy en France (Patrick Mouratoglou est un entraîneur de tennis français d’origine grecque qui coache notamment la Roumaine Simona Halep, ancienne n°1 mondiale, ndlr). Grâce à 16 nouveaux courts mélangeant tous les revêtements (terre battue naturelle, terre dure ainsi que le seul terrain en gazon naturel de Grèce) inaugurés en début d’année 2022, ce centre moderne offre la possibilité aux professionnels confirmés ou en devenir de venir s’entrainer. Stéfanos Tsitsipás a d’ailleurs défié son rival Nick Kyrgios à prendre sa revanche sur les cours de Costa Navarino après sa dernière défaite contre l’Australien, en septembre 2022.
La liste des activités sportives s’étoffera en 2023 avec l’ouverture d’un Water Sport Center sur la rive du W Costa Navarino.
Costa Navarino fait aussi dans l’immobilier
Depuis 2017, le groupe développe également une offre de villas privées qui tapissent son territoire. Superbes maisons bâties dans le goût péloponnésien, à l’instar des hôtels et infrastructures de la destination, elles sont livrées clé en main (meublées et même décorées). Elles sont aussi et surtout commercialisées avec tous les services que peu fournir un hôtel et même plus (ménage, entretien de la piscine, room service mais aussi nanny, chef à domicile, gardiennage…), une force majeure pour une clientèle qui cherchent le maximum de confort sans trop d’efforts.
« Notre destination offre tous les services existants dans une grande ville (fibre, commerces, routes…) mais dans une zone sécurisée avec accès réservé et patrouilles régulières. » – Nasta Flessa, Real Estate Developper
Le succès commercial est retentissant. Au lancement du projet, les 21 premières villas du quartier d’Olive Grove ont été vendues en moins de trois mois pour des budgets minimum de 3.5 millions d’euros. Celles-ci seront livrées cet automne. Le Covid n’a pas fait faiblir la demande, bien au contraire, puisqu’en 2020 un record de 52 villas a été vendu pour des sommes entre 1.5 et 7 millions d’euros.
Les clients de ces villas sont souvent de riches Grecs en recherche de résidences secondaires, les tracas en moins, à l’image du joueur de NBA Giannis Antetokounmpo qui a annoncé cet été y avoir acquis une villa. Les Suisses, les Anglais, les Russes arrivent en tête des acheteurs étrangers.
Et l’écologie dans tout ça ?
Une telle aventure homérienne pose bien sûr des questions écologiques de premier ordre. Homme de mer amoureux de ses terres, le Capitaine Vassilis a, depuis ses premières réflexions autour du projet, posé des bases exemplaires en matière de respect de l’environnement. Utopique ? Plus d’une dizaine d’années après les débuts opérationnels de Costa Navarino, les exemples lui donnant raison sont légion.
Il était dit que les infrastructures de Costa Navarino ne dépasseraient jamais 10 % du total de la superficie de ses terres, ainsi dédiée à la préservation des écosystèmes. C’est le cas aujourd’hui. Le groupe a mis en place un partenariat avec l’Université de Stockholm et l’Académie d’Athènes pour créer l’Observatoire Environnemental de Navarino qui se consacre à la recherche et à l’éducation sur le climat et l’environnement dans la région. Celui-ci opère sur le domaine laissé sauvage et expose ses observations et conclusions dans un centre d’exposition interactif, Navarino Natura Hall, qui occupe le premier étage du kids club du Westin.
Grâce à l’intervention d’architectes grecs (K-Studio, ISV Architects, Potiropoulos+Partners…), l’ensemble du bâti reprend le style des demeures traditionnelles de la région afin de se fondre dans le paysage. Il a aussi et surtout été conçu selon les principes de l’architecture bioclimatique, réduisant drastiquement les performances énergétiques des infrastructures : les bâtiments sont orientés de façon à favoriser une lumière naturelle, plus de 5 000 m2 de toits végétaux ont été installés et des bassins artificiels ont créés pour maintenir le microclimat local.
Enfin, trois réservoirs ont été créés sur site, ingérant les rares pluies péloponnésiennes mais forts d’une capacité de 700 000 m3. Cette action, couplée à la création d’une usine de traitement et de recyclage des eaux usées, permet d’économiser l’eau et d’en laisser l’usage courant aux gens de la région. En matière d’énergie, un parc photovoltaïque assure la majorité des besoins.
Et s’il est toujours délicat de faire l’apologie de complexes hôteliers de cette envergure, force est de constater que Costa Navarino est un très bon élève à l’école de l’écologie.
Un succès économique et populaire
Actuellement, Costa Navarino emploie 1087 personnes. Son impact économique sur la région est indéniable. D’après une étude de l’Institut du Développement Régional réalisée en 2017, le groupe aurait investi plus de 900 millions d’euros dans la région. Selon la même source, pour chaque euro dépensé à Costa Navarino, 1,65 € serait dépensé par rebond dans les alentours.
L’idée de faire de son projet un catalyseur social semble avoir porté elle aussi ses fruits. Le groupe assure que 70 % de sa masse salariale est originaire de la région. Autre réaction en chaîne : un travailleur méssenien sur 9 aurait son activité professionnelle en lien avec Costa Navarino. Une rapide étude de terrain le confirme : rares sont ceux du coin n’ayant rien à voir avec le groupe…
L’impact économique du groupe Costa Navarino sur la région est indéniable. D’après une étude de l’Institut du Développement Régional réalisée en 2017, le groupe aurait investi plus de 900 millions d’euros dans la région.
Un aéroport est toujours représentatif de sa destination. Celui de Kalamata a pris le nom de Vassilis C. Constantakopoulos en 2012. Cette année, The Hellenic Corp. of Assets and Participations S.A, un organe dépendant du gouvernement qui a pour mission de gérer la vente des biens publics et donc de privatiser le patrimoine grec, a lancé un appel d’offres afin de renouveler le contrat d’exploitation de l’aéroport, fixant un objectif de 500 000 passagers annuels à l’orée 2030.
The Romanos et The Westin ont été classés numéros 1 et 2 du Conde Nast Traveller’s Readers’ Choice Awards 2021. Bientôt un trio de tête avec l’apparition du W Costa Navarino dans le classement de l’année prochaine ? En mer comme sur terre, le Capitaine avait les Dieux à ses côtés.
Costa Navarino
The Westin. Navarino Dunes Messinia, Pilos 240 01.
A partir de 234 € par nuit.
The Romanos. Navarino Dunes Messinia, Pilos 240 01.
A partir de 294 € par nuit.
W Costa Navarino. Navarino Waterfront, Pilos, 240 01.
A partir de 337 € par nuit.