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métier de concierge d'hôtel de luxe concierge
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The Good City // Acteurs

Concierge d’hôtel de luxe, l’homme qui murmure à l’oreille des clients

Acteurs

The Good City

Si le terme de concierge évoque au plus grand nombre une rombière colportant quelques ragots entre deux étages, on oublie souvent qu’il désigne aussi un métier de haute voltige, à mi-chemin entre personal shoper et diplomate, soumis à toute sorte de sollicitations, des plus classiques aux plus extravagantes…

7 heures du matin. Dans le lobby art-déco aux tons crèmes laqués de noir du Prince de Galles, célèbre cinq-étoiles de l’avenue George V, dans le VIIIe arrondissement de Paris, le préposé à la conciergerie matinale reprend discrètement le flambeau de son alter ego du service de nuit. Se succèderont toutes les deux heures, jusque tard dans la soirée, les membres d’une équipe réglée comme du papier à musique : costumes impeccables, sourires mesurés, discrétion féline, ici le « concierge » ne correspond en rien à la cohorte de clichés que trimballe généralement une profession associée à l’image d’une sombre loge d’immeuble haussmannien.


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Concierge

Si le métier existe depuis les toutes premières heures de l’hôtellerie de luxe, il est encore difficile d’en définir les contours, tant il doit s’adapter aux mœurs de l’époque, éternellement condamné à vivre avec son temps. Parmi les bases du métier, l’accueil, la réservation de restaurants, de spectacles, de rendez-vous en boutiques de haute-couture, de chauffeur… Jean-Christophe, plus de 30 ans de métier, fait encore partie de ceux arrivés là par hasard, et non au terme d’un parcours universitaire désormais bien ficelé.

Après de courtes études et un BTS de tourisme, il fait un passage en agence de voyages. Mais 15 ans plus tard, il réalise que son avenir est ailleurs. « J’aimais les langues, mais je ne connaissais absolument rien de l’hôtellerie, admet-il en préambule. Mon père connaissait monsieur Roche, chef-concierge de Meurice, qui m’a mis le pied à l’étrier en me proposant un premier poste de bagagiste au Sofitel ». Au détour d’un remplacement, il découvre les joies de la conciergerie et n’en décrochera plus jamais. « Dès le départ, j’ai adoré. C’est un métier qui s’apprend sur le terrain, pas à l’école, car il demande beaucoup d’empathie. Lorsque l’on voit un même client venir à chaque fois accompagné de différentes femmes, nous avons un impératif de discrétion. Au fil du temps, nous devenons parfois des confidents », poursuit-il.

Deux chèvres noires et blanches place Vendôme

Un métier qui requiert donc un savant mélange de diplomatie, de patience et de réactivité, sans compter un réseau des plus solides, pour un salaire qui démarre à environ 2 000 euros par mois (hors pourboires) en début de carrière, évoluant ensuite au fil de l’expérience et des distinctions, parmi lesquelles la fameuse clé d’or, délicatement épinglée à la boutonnière. Un gage d’excellence et d’efficacité, qui rassure et augmente l’attractivité de l’établissement auprès d’une clientèle fortunée, peu habituée à ne pas voir ses moindres désirs exaucés. « Chaque jour est différent, s’enthousiasme Jean-Christophe. Tout comme au théâtre, on met ses habits de lumière, et on se tient prêt à répondre aux demandes les plus étonnantes, même s’il y en a moins aujourd’hui qu’auparavant », regrette-t-il.

Parmi ses anecdotes les plus croustillantes, un client russe lui commandant pour le jour même un duo de chèvres naines noires et blanches à l’occasion du mariage de sa sœur, place Vendôme. « Quelques mois plus tôt, j’avais été voir une ferme qui élevait des animaux nains à côté de Chartres. L’éleveur en question m’a demandé 2 000 euros la chèvre, et me voilà parti avec une fourgonnette et des cages, des colliers, des laisses… Le client est allé à sa soirée et le lendemain matin, les deux chèvres étaient en bagagerie ! Je lui ai dit de garder l’argent et j’ai ramené les chèvres chez elles ». Aujourd’hui, ce genre d’excentricité se fait plus rare, avec des clients non moins capricieux, mais beaucoup plus informés et autonomes.

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Concierge : un métier en perdition

Le règne des réservations en ligne des réseaux sociaux aurait-il rendu la profession caduque ? « Elle a simplement évolué, tempère Estelle, jeune recrue du Prince de Galles évoluant aux côtés de Jean-Christophe. Engagée au poste d’assistante, elle a « toujours rêvé d’être concierge » et compense son manque d’expérience par une dextérité digitale beaucoup plus développée que celle de ses aînés. « Je passe beaucoup de temps à me renseigner en ligne, à suivre des comptes de recommandations de lieux, afin d’être en permanence au courant des nouvelles ouvertures », souligne-t-elle.

Une mutation du métier qui laisse Jean-Christophe songeur. « Selon moi, c’est un métier en perdition, notamment en raison d’Internet et de l’intelligence artificielle. Les jeunes ne pourront pas être nostalgiques, car ils n’ont pas connu l’ancienne époque. Heureusement, il y a une notion de transmission. Nous avons entre nos mains de petits diamants bruts que l’on polit chaque jour ».


Hôtel Prince de Galles
33 Av. George V, 75008 Paris
Site internet


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