The Good Business
Vagues de licenciements, instabilité économique, menace du remplacement de certains emplois par le malicieux ChatGPT... Autant d’arguments qui expliquent une décélération en chasse-neige de la courbe des démissions. Est-il encore temps de claquer la porte ?
47 millions en 2021, 50 millions en 2022… C’est aux Etats-Unis qu’est née la grande vague de démissions post-Covid, avant de déferler sur l’Europe quelques mois plus tard – où les ravages furent toutefois limités. Après des mois de confinement à lutiner en rond, à compter les alvéoles de ses miches au levain maison et à savoir enfin où-l’on-range-la-caisse-à-outils-dans-cette-maudite-baraque, il est vrai que la perspective du retour au guichet ou à l’open-space avait de quoi doucher quelques âmes nouvellement contemplatives. Les premières secousses furent toutefois plus discrètes, avant que la cocotte ne monte en décibels. Comment (et pourquoi) démissionner ? La réponse ci-dessous.
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Démissionner : une tendance ?
Sur TikTok, la génération Z a balayé d’un swipe la tendance des sages « quiet » et « conscious » quitting (démissions silencieuse et consciente) pour le « loud quitting » (démission bruyante), dont le hashtag totalise plus de 10 millions de vues. Avec un concept aussi simple qu’audacieux : se filmer en hurlant son mécontentement à l’endroit de son patron et dénoncer l’absurdité d’un job qui vous (les) brise, avec pour seule compensation un salaire souvent bien en-deçà de l’ampleur du sacrifice consenti au quotidien.
S’il ne s’agit pas de claquer la porte sans réflexion préalable – au risque de vous coincer le doigt –, la tendance aura eu le mérite de déniaiser toute une génération d’employés, qui aura pris conscience d’un luxe hélas plus rare en période de crise : la marge de négociation.
Comment se dire adieu
Afin de lancer les hostilités avec professionnalisme, il conviendra parfois d’annoncer son désir de démission en amont, et ce avant même d’avoir trouvé un autre poste plus à son avantage, du moins dans le cas où vous espérez encore une potentielle amélioration ou une opportunité de mobilité interne. Si votre décision est prise, ménagez vos effets, en évitant d’annoncer la nouvelle à vos collègues ou au CEO avant même d’avoir informé votre supérieur direct.
Sachez que ce brave Code du Travail vous dispense de l’obligation de justifier votre départ et que vous pourrez rester évasif sur votre évasion. Enfin, rien ne pourra vous être reproché si vous anticipez suffisamment pour former votre éventuel remplaçant, bien que la loi ne vous impose aucun délai obligatoire avant de fermer doucement la porte, en sifflotant la célèbre mélodie d’une certaine… Françoise Hardy.
Quatre livres qui vont vous convaincre de démissionner
1. « La semaine prochaine, je démissionne », de Valentin Brunella
Sans nul doute le plus droit au but de cette sélection. Derrière un titre qui laisse penser à un énième abécédaire de développement personnel se cache un véritable petit bijou. Mi-guide, mi-manifeste, il décrit par le menu toutes les étapes d’une démission dans les règles de l’art, non sans avoir dénoncé au préalable d’un ton cinglant l’enfer des open-spaces, la novlangue entrepreneuriale et le fantasme de l’employé Linkedin motivé, philosophe et loyal, qui n’existe que dans les livres blancs des RH.
2. « Éloge du carburateur », de Matthew Crawford
Pensé pour les « éclopés à cols blancs » désireux de mettre les mains dans le cambouis, le best-seller de Matthew Crawford dissèque avec brio les méfaits de l’excès d’abstraction qu’implique le travail de bureau, cette séparation de la pensée et de la pratique qui nous donne la sensation de faire du sur-place. Et ce alors même que nous cantonnons nos activités manuelles à de coupables moments de loisirs. « J’ai vite compris qu’il y avait plus d’intellectuels dans le cadre d’un atelier de motos que dans mon précédent boulot », affirme-t-il avec un brin de provocation. Après avoir lu ce livre, vous ne regarderez plus du même œil votre cours de céramique.
3. « La comédie inhumaine », de Julia de Funès et Nicolas Bouzou
Un sacré coup de semonce que ce best-seller de Julia de Funès et Nicolas Bouzou, dénonçant l’absurdité du monde de l’entreprise, creuset d’une culture infantilisante qui non seulement empêche les salariés de travailler – séminaires fantasques, réunions à rallonge, process lourds et incohérents –, mais fait aussi fuir les meilleurs d’entre eux. Un ouvrage qui se veut à la fois être une mise en garde à l’endroit des employeurs, mais aussi un formidable moyen de réaliser à quel point il peut être libérateur de voler de ses propres ailes… et de démissionner, donc.
4. « Chez soi », de Mona Chollet
Le livre de cette sélection le moins en lien direct avec le sujet qui nous occupe, et pourtant… Dans cet essai intimiste et remarquablement documenté, Mona Chollet réenchante l’espace domestique et souligne l’importance de se (ré)approprier un « chez soi » aujourd’hui devenu un vulgaire lieu de passage, quand ce n’est pas un simple dortoir. Elle cite notamment l’exemple d’un auteur racontant « comment, parce que sa fille est malade, il a obtenu de pouvoir rentrer chez lui à midi pour lui préparer à manger ». Il dit l’incongruité enchanteresse de retrouver le cadre familier de sa maison, « cette maison qui ne devrait pas exister à cette heure » et de la découvrir à la lumière du jour, alors qu’en hiver, habituellement, en dehors des week-ends, il ne la voit « que plongée dans la nuit, le matin et le soir. ». Alors, prêt à voir enfin la vérité au grand jour ?
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