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Avec ses reportages télévisés et ses bulletins d’information en continu, son site et ses applications mobiles, ce média trentenaire, aujourd’hui béni des dieux de la mondialisation, pénètre dans plus de 400 millions de foyers ! Diffusée en sept langues, CNN International touche, selon l’Ipsos, 4 téléspectateurs sur 10 de la clientèle haut de gamme et des décisionnaires en Europe, au Moyen‑Orient, en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Visite du saint des saints, au siège londonien.
Lors de la guerre du Golfe, en 1991, tandis que Peter Arnett, dernier correspondant occidental encore présent dans la capitale irakienne, commentait, sous la pluie drue des bombes et de missiles sur Bagdad, l’agonie du régime de Saddam Hussein, naissait l’expression « CNN effect ». Le monde découvrait alors le formidable impact de l’information spectacle de cette Tempête du désert qui, proposée en live d’un bout à l’autre de la planète, pesait davantage sur la politique internationale que tous les télégrammes diplomatiques des chancelleries et les vibrants discours de ceux qui nous gouvernent.
Cette édifiante influence de CNN International, le signataire de ces lignes a eu l’occasion de la mesurer lui-même en 2003. Deux de ses journalistes, envoyés spéciaux de L’Express, sont arrêtés au Pakistan avec leur chauffeur-interprète pakistanais pour avoir été les témoins, ô combien gênants, de la connivence entre le régime d’Islamabad et les talibans. Une connivence qui se confirmera de façon éclatante lors de la liquidation, en 2011, dans ce même pays, d’Oussama Ben Laden.
Si à l’époque les deux journalistes incarcérés sont bientôt libérés, hélas, leur chauffeur-interprète, lui, est maintenu dans un cul-de-basse-fosse où il est torturé. Ni l’Elysée, ni le Quai d’Orsay ne parviennent à l’arracher à ses bourreaux. Alertée, Christiane Amanpour, journaliste vedette de CNN International, part interviewer le général Pervez Moucharraf, l’inflexible président du Pakistan, et, au détour d’une question, s’inquiète du sort du malheureux chauffeur-interprète. Le lendemain même de l’interview télévisée, ce dernier est miraculeusement transféré de sa prison vers un commissariat, puis libéré sous caution, échappant enfin à ses tortionnaires. Avec l’aide de la diplomatie américaine qui, elle aussi, se mobilise, il part s’installer aux Etats-Unis. L’effet CNN…
Evidemment, un tel pouvoir médiatique est à double tranchant. Et les journalistes de CNN International sont conscients de leur écrasante responsabilité. Mais parfois piégés par le direct, ils ne sont pas à l’abri d’une erreur, d’une gaffe ou d’un lapsus, qui, répercuté à l’échelle planétaire, se paie « cash ». Ainsi, l’émotion et les rires déclenchés par ce cartographe de CNN qui, à l’occasion d’un G20, avait placé malencontreusement la ville de Cannes en… Espagne ! Ou encore le scandale, en 2014, provoqué par cette journaliste de la chaîne – aussitôt mutée après avoir dû s’excuser platement –, qui a déclaré en direct, lors d’un reportage sur les bombardements intensifs de Gaza : « Vous voyez probablement qu’il y a énormément d’Israéliens rassemblés ici, qui crient et applaudissent en regardant ces frappes israéliennes. » Un commentaire qu’elle fait suivre d’un tweet, propagé dans le monde entier, où elle insulte ces badauds israéliens qui l’auraient « harcelée » durant son reportage.
Une énorme responsabilité
Lorsque The Good Life évoque les dangers de l’extraordinaire pouvoir que confère un tel média planétaire, Tommy Evans, VP of Newsgathering et chef du centre de production de la chaîne à Londres – 250 personnes, soit le bureau le plus important de CNN, devant celui de New York même – convient, sans hésiter : « Oui, c’est une énorme responsabilité que d’exercer une telle influence et nous devons toujours en avoir conscience et nous poser des questions, même si nous faisons notre métier le plus honnêtement possible. Il existe une instance au sein de CNN qui veille aux questions déontologiques, mais il nous faut aussi en parler souvent entre nous et ne jamais sous-estimer le risque de manipulation. »
Voisin de celui de Christiane Amanpour, son bureau est garni, lui aussi, de souvenirs de reportages, tel ce tapis afghan aux motifs de kalachnikovs et de grenades. Mais la particularité du bureau de la grand reporter et intervieweuse star de CNN, c’est l’impressionnante collection de trophées de journalisme qui encombrent les étagères. Sur une cloison, en face de la galerie de portraits où Christiane Amanpour pose aux côtés des grands de ce monde, trône l’affiche d’une émission en prime time, « God’s Warriors » (les combattants de Dieu), sur laquelle se côtoient l’étoile de David, la croix et le croissant de lune.
En face de ces rares bureaux individuels et vitrés, s’étend l’immense open space de la salle de rédaction. Quelque 200 journalistes et techniciens y travaillent, dans un parfait silence. Devant leur PC, ils jettent régulièrement un coup d’œil aux nombreux écrans de télévision qui diffusent les émissions en cours à travers le monde, mais surveillent aussi les quatre horloges qui rappellent les décalages horaires entre Londres, Atlanta, Abou Dhabi et Hong Kong.
Des émissions mondialement suivies
Tout au fond de la gigantesque newsroom, les studios de direct ultramodernes et les cabines de montage. Comme le rappelle une plaque, le siège londonien de CNN International a été inauguré le 28 novembre 2001 par Her Majesty the Queen herself. C’est là que la plupart des émissions d’information, non exclusivement destinées aux Etats-Unis (CNN USA), sont réalisées. En revanche, celle du vibrionnant Richard Quest sur le business (« Quest Means Business ») est, quant à elle, présentée depuis New York, et « World Sport », depuis le siège du groupe CNN, à Atlanta.
Une fois les contrôles de sécurité franchis, à l’entrée du Turner Building, à deux pas de l’élégante Regent Street, le visiteur, dûment badgé et toujours accompagné, est accueilli par une grande affiche. Celle des quatre « anchors » les plus populaires (trois présentatrices et un présentateur) de CNN International… Aux côtés de Christiane Amanpour, de Richard Quest et Nina dos Santos, Hala Gorani, 46 ans, fait figure de star montante de cette galaxie. Elle est née aux Etats-Unis, à Seattle, dans une famille originaire d’Alep, en Syrie, mais elle a été élevée principalement en France, où elle a fait Sciences-po. Intitulée « The World Right Now », l’émission d’Hala Gorani est diffusée quotidiennement à 21 heures, heure française.
« Les crises se multiplient, se complexifient, se dramatisent et ne cessent de s’étendre à travers le monde. Cela nécessite qu’on les explique et les décrypte, confie posément la journaliste. Et même s’il peut y avoir une lassitude devant une impasse comme celle de la situation au Moyen-Orient, c’est notre devoir de trouver de nouveaux angles, de nouvelles façons d’en parler. Avoir une telle tribune est un privilège et mon ambition est d’être la journaliste qui, en une heure, dit tout ce qu’il faut savoir sur la marche du monde. Ma mission, c’est aussi de remettre en cause la ligne officielle. On le voit avec la crise des réfugiés, il y a, de la part des téléspectateurs, une véritable demande d’information mais aussi d’explications et d’éclaircissements. »
C’est qu’avec le site de CNN, les applications mobiles et les réseaux sociaux, même les stars descendent de leur firmament pour tchatter avec leur public. Et ainsi n’ignorent rien de leurs attentes ou de leurs humeurs. « Parfois, évidemment, il y a des insultes sur des sujets passionnels tels que le conflit israélo-palestinien, mais, vous savez, si je reste sensible et dotée d’empathie, j’ai aussi la peau dure ! » confie Hala Gorani en riant. Tandis que nous parlons, elle fait la démonstration de cette réactivité en tweetant pour demander à ses followers où ils se trouvent à ce moment précis aux Etats-Unis. Quelques instants plus tard, les réponses affluent du Michigan, du Wisconsin, de Caroline du Nord, de Californie…
« Les gens nous découvrent par le numérique et ensuite ils vont nous regarder à la télé ; avant, c’était l’inverse ! » note Hala Gorani. La dynamique productrice de son émission, Gill Penlington, qui surveille de très près les « millions de clics » des téléspectateurs sur Facebook, notamment lors de la couverture des gros événements, comme les récents attentats de Paris – CNN avait envoyé pendant des semaines plus de cent de ses collaborateurs en France, dont Hala Gorani –, n’exclut pas qu’un jour les breaking news et les bulletins d’information de CNN International soient davantage regardés online qu’à la télévision.
Mais Gill Penlington estime que cette dernière sera toujours préférée le soir pour suivre une émission de réflexion, un document. Même si CNN International n’a pas d’audimat quotidien, son audience planétaire, avec ses déclinaisons numériques, fait évidemment le bonheur des publicitaires. A elle seule, cette chaîne d’information touche 40 % de la population mondiale « élitaire », c’est-à-dire beaucoup plus que ses principales concurrentes, la BBC (29 %), CNBC (14 %), Bloomberg (11 %) ou Al Jazeera (11 %).
« CNN, souligne Julica Edeling, directrice des ventes publicitaires de CNN International, est idéale pour les annonceurs qui souhaitent promouvoir leur marque auprès d’une audience haut de gamme. Hormis les breaking news, explique-t-elle, CNN propose un éventail d’environnements et de plates-formes pour les “annonceurs luxe” qui souhaitent toucher notre audience. Nombre d’entre eux s’associent à des univers éditoriaux adaptés à leur image, comme dans notre section CNN Style, entièrement dédiée à l’art, aux design, à la mode, au luxe, à l’architecture et à l’automobile. Lancée l’an dernier, CNN Style a enregistré plus de 63 millions de pages vues en janvier 2016. »
Petra Malenicka, Senior Vice President de la régie publicitaire de CNN International pour l’Europe et les Amériques, ajoute : « Nous proposons aux annonceurs, via la télévision et nos plates-formes numériques, du sur-mesure en fonction de leurs cibles spécifiques, et il n’y a pas beaucoup de médias qui peuvent cibler le monde entier ou tel ou tel continent. » Mais elle assure : pas question de diffuser de la publicité de nos marques de luxe pendant les breaking news dramatiques ! « Quiet in this area », rappellent des panneaux à proximité du studio où Hala Gorani se prépare pour son émission.
Avant d’ausculter les convulsions du monde pour des centaines de millions de téléspectateurs et internautes, elle nous confie : « Mon rêve secret, c’est de pouvoir un jour réaliser un reportage en Syrie afin de retracer l’histoire et la vie de ma famille à Alep. Ce sera certainement une expérience douloureuse pour moi, mais c’est un hommage que je dois à tous ceux qui, là-bas, auront tant souffert. »