The Good Business
Souvent présentée, à raison, comme la capitale européenne de la voiture électrique, Oslo est surtout la métropole qui entretient le rapport le plus conflictuel avec l’automobile, qu’elle soit thermique, hybride ou même désormais électrique…
Les électriques de moins en moins choyées. Depuis le 1er mars 2020, les propriétaires de voitures électriques doivent payer pour pouvoir se garer là où c’est encore possible dans la ville d’Oslo. « Parce qu’elles aussi font tournoyer des particules dans l’air et qu’elles prennent de la place », plaide Arild Hermstad, le conseiller municipal (vert) à l’environnement.
Même si le tarif en vigueur ne représente que 20 % de celui appliqué aux voitures Diesel ou essence, la mesure a de quoi échauder celles et ceux qui envisagent de passer au courant. Car cette exemption était l’une, parmi tant d’autres, des raisons de la percée spectaculaire de ce type de voitures dans la capitale et ses alentours. Désormais, environ 50 % des voitures neuves achetées dans ce pays de 5,4 millions d’habitants fonctionnent uniquement à l’électricité (sans compter les hybrides rechargeables, avec 19 % de parts de marché), une proportion inégalée au niveau mondial.
Le vent tourne
Elles représentent quelque 10 % du parc automobile norvégien. « C’est surtout l’exemption de TVA (25 %) à l’achat qui a incité tant de conducteurs à franchir le pas », admet Christina Bu, la secrétaire générale de l’association qui les représente, la Norsk Elbilforening (NEF). Jusqu’à présent, le gouvernement de droite au pouvoir depuis 2013 a accepté de reconduire cette faveur d’année en année. Mais dans certaines municipalités, d’autres avantages ont commencé à être rognés.
En particulier la possibilité de se garer gratuitement et, par endroits, de recharger à l’oeil son véhicule dans les emplacements prévus à cet effet. Le vent peut changer, comme on le voit à Oslo et dans sa région. Ainsi a-t-on interdit les couloirs de bus, tellement pratiques et rapides, aux voitures électriques qui ne transportent que la personne la conduisant.
Plus embêtant, une autre exemption a sauté en juin 2019 : celle sur le péage à acquitter à l’entrée et à la sortie de la capitale. Là encore, les véhicules essence et Diesel restent nettement plus taxés. Mais la NEF s’inquiète de la normalisation en cours du régime réservé aux électriques.
Pour elle, c’est encore trop tôt. Surtout si le gouvernement veut atteindre l’un de ses objectifs : l’arrêt total, dès 2025, de la commercialisation dans le royaume de voitures émettant encore du CO2. Attention, avertit la Fédération automobile norvégienne : la part des citoyens les plus réfractaires à l’idée d’acheter une voiture électrique a bondi de 12 %, l’an dernier, à 22 %.
Les chiffres de la circulation à Oslo
• Baisse de la circulation automobile en centre-ville : – 28 % entre 2016 et 2019, avec une nette accélération la dernière année.
• Les voitures traditionnelles représentent 38 % du trafi c à quatre roues en centre-ville en 2019, les électriques 21 %, les camionnettes 35 %, les camions 6 % (taxis non comptabilisés).
• Baisse de 24 % des ventes de voitures neuves en Norvège durant les cinq premiers mois de 2020 (par rapport à la même période de l’an dernier), en raison avant tout du coronavirus.
• En février 2020, avant la pandémie et ses conséquences, 30,6 millions de voitures ont franchi l’un des péages pour entrer ou sortir d’Oslo, dont 25 % d’électriques.
• Nombre de places de parking supprimées dans les rues du centre-ville depuis 2016 : 810.
• Nombre de places dans des parkings couverts payants disponibles dans le centre-ville et sa marge : 8 600.
• Nombre de personnes à bord d’une voiture circulant en ville : 1,41 en 2016, 1,85 en 2019.
Des voitures rationnées jusqu’en 1960
Impensable aujourd’hui, l’achat de voitures neuves était rationné par les autorités norvégiennes jusqu’en 1960. Les habitants d’Oslo et d’ailleurs devaient patienter des années avant de pouvoir réaliser ce rêve… s’ils en avaient les moyens. A l’époque, le royaume était le plus pauvre de Scandinavie. Le pétrole n’avait pas encore été découvert en mer du Nord.
Après la Seconde Guerre mondiale et l’occupation allemande, le gouvernement norvégien instaura des quotas annuels d’importation de voitures neuves vers ce pays qui n’en fabriquait pas, contrairement à la Suède voisine (grâce à Volvo et Saab).
Entre mai 1945 et fin 1950, 11 000 véhicules seulement franchirent la douane, camionnettes incluses. Dans les années 50, moins de 4 % des demandes étaient satisfaites…
Moins encore à Oslo, ville alors industrielle où les ouvriers circulaient à bicyclette ou à pied.
A moins, toutefois, de se contenter d’une voiture produite dans le bloc communiste, de l’autre côté du Rideau de fer. Pour elles, aucune restriction, mais une qualité nettement inférieure. Peu de gens en voulaient. Ce régime draconien fut d’abord levé pour les camions, en 1952.
Puis, huit ans plus tard, pour les voitures. Leur nombre a enflé alors de 215 000 à 1 million en 1976, selon le Bureau norvégien des statistiques. Non sans provoquer chaos et accidents sur les routes, comme le note l’écrivain Bjorn Staerk dans Jakten pa den gronne lykken : Tanker fra sykkelsetet (La Chasse au bonheur vert : réflexions depuis une selle). De ce point de vue, l’année la plus noire reste 1970, avec 560 morts – contre 110 en 2019, pour 2,8 millions de voitures particulières enregistrées.
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