The Good Business
Tourner un film entièrement en réalité virtuelle, c'est le pari qu'a réalisé Jérôme Blanquet, lauréat 2016 d'Audi talents. Une expérience originale à découvrir sur l'application ARTE360 VR.
La VR ou Réalité Virtuelle est sur toutes les langues.
Pourtant, la technologie en tant que telle n’a rien de nouveau. Il s’agit de capter des images à 360° pour ensuite s’y plonger avec un casque dédié. Vous êtes alors au centre de l’action et pouvez tourner la tête dans tous les sens pour ne rater aucun détail. Le jeu vidéo est l’un des pionniers en la matière et offre déjà des expériences virtuelles de très haute volée.
Autre industrie des loisirs qui s’intéresse de plus en plus à la VR : celle du cinéma, comme l’a prouvé Carne y Arena d’Iñarritu. Ce documentaire était sous le feu des projecteurs à Cannes et plongeait le spectateur dans la peau d’un migrant à la frontière mexicaine. Toutefois, nous restions dans une contemplation réaliste, tandis qu‘Alteration du Français Jérôme Blanquet se présente comme une véritable fiction. « Un homme a besoin d’argent car il va être papa. Il se porte volontaire pour une expérience sur le rêve et le sommeil, mais à son insu l’équipe médicale lui introduit une intelligence artificielle. Sa mission est d’assimiler l’inconscient du cobaye pour s’humaniser et bien sûr, rien ne se passe comme prévu… », résume le réalisateur. Avec Altération, la narration est adaptée à la 360°. En effet, les spécificités de la VR changent radicalement la façon de concevoir un film.
C’est peut-être cela qui a séduit le jury des Audi talents.
Ce programme de mécénat précurseur touche à tous les univers de la création émergente. Son objectif est de dénicher non seulement de nouveaux artistes, mais aussi des concepts originaux. Tout un univers créatif contemporain émerge avec l’explosion du numérique dans nos sociétés. Mathieu Kassovitz, l’un des prestigieux membres du jury, a été un ardent défenseur du projet de Jérôme Blanquet. Il faut admettre que la promesse d’une expérience onirique et poétique, en immersion dans un univers cinéphile, a de quoi séduire.
Avant d’explorer ce monde, réfléchissons à l’étape première de la conception d’un film immersif.
Le cinéma classique utilise les mêmes techniques depuis toujours. Comme nous l’explique Jérôme Blanquet, « tout commence par un story-board qui détaille plan par plan le futur film. Le jeu de la caméra permet d’orienter le spectateur dans l’action et les acteurs comme les figurants voient leur jeu réglé au millimètre. Or filmer à 360 ° change totalement la donne ! Le spectateur peut déplacer son regard n’importe où dans l’image. » Il est en effet impossible de guider le regard par l’angle de la caméra ou la posture des acteurs. Pour l’instant, comme le confirme le réalisateur, « l’arme suprême est le son » ! En spatialisant les ondes sonores, le réalisateur peut capter l’attention du spectateur. Un claquement de porte derrière vous et vous tournez la tête. Idem si une voix forte provient de votre droite voire d’au-dessus !
Comment fonctionne la VR d'Altération ?
Pour schématiser, la captation se fait en couplant plusieurs caméras afin d’obtenir une vision à 360°. Elle peut se faire avec un second jeu de caméras pour ajouter un effet relief. L’image est ensuite segmentée pour être projetée dans le casque VR. Ce dernier affichera deux images qui par le jeu des effets d’optique provoquent l’effet d’immersion totale. Pour réussir son œuvre, le réalisateur d’Altération a utilisé une caméra prototype qui regroupe 6 caméras de qualité cinéma afin de capter une image haute définition en 360°. Ou comment repousser les limites technologiques au service de la création…
Là où Jérôme Blanquet innove, c’est par l’usage de l’image en tant que telle pour orienter le regard. Son idée de génie est aussi à la base de son film : « Pour Alteration, j’ai opté pour la thématique du rêve… Un contexte qui permet presque tout et m’a permis de travailler mes angles de caméra. » En effet, alors qu’une captation 360° se fait normalement en position centrale dans la scène, le réalisateur français a joué avec les positions de caméra : « J’ai choisi des points de vue de caméra étranges, des angles différents, dérangeants, qui expriment les différents niveaux de conscience présents dans le film. » Le résultat est une immersion riche en explorations sensorielles et déstabilisante, un désir assumé par Jérôme Blanquet : « Je cherche à transmettre les émotions, les changements d’état psychologique profonds. Avant cela, il me faut comprendre comment réaliser cette transmission. » Ce qui explique que dans Alteration, tout puisse paraître différent en fonction de l’angle de vision.
Le réalisateur s’amuse aussi avec le rendu des images.
Jérôme Blanquet utilise des technologies innovantes : « L’IA cherche à assimiler les décors, l’univers du héros. Cela fait naître des changements d’état psychologique qui s’expriment par des altérations de l’image. J’ai utilisé des outils issus du Deep Learning qui sont de véritables outils d’apprentissage des AI. Avec l’aide d’ingénieurs, nous avons alimenté d’images du film un réseau de neurones artificiels qui va assimiler, modifier ces images. L’IA est alors au cœur du concept créatif. Cela peut apporter un côté comics, et d’autre fois un rendu plus évanescent. » Une IA a donc collaboré à un film sur une autre IA !
Jérôme Blanquet, un profil atypique
Je n’ai pas fait une école de cinéma mais la fac de cinéma de Montpellier, en parallèle d’un cursus en histoire de l’art. Dans ma démarche, le format court me convient parfaitement, j’ai un côté expérimental sur le son, l’image, c’est pour cela que je fais du court-métrage.
Avec mon frère nous faisons beaucoup de performances, lui au niveau du son et moi de l’image. Je cherche à représenter des états de conscience modifiés, par exemple le coma, la folie, à transmettre les émotions, le changement d’état.
Un court-métrage à découvrir aussi bien pour son univers esthétique et sa photographie que pour son scénario original, servi par des acteurs qui se plient aux contraintes de l’exercice. Pour Jérôme Blanquet, au-delà de la technique, c’est l’humain qui est au cœur de tout : « Mes comédiens sont essentiels. Quand je travaille en plan-séquence, il n’y a pas droit à l’erreur. Je pense par exemple à celle de quatre minutes : impossible de se planter. Elle s’est d’ailleurs très bien passée grâce aux acteurs comme Amira Casar. Leur jeu est ici très complexe et comprend de nombreux points communs avec l’univers du théâtre. » Il faut accentuer le jeu tout en restant naturel et surtout expressif. Dans la majorité des films en VR, le spectateur intègre le point de vue du protagoniste principal. Ici, il assiste en observateur omniscient à l’intégralité des scènes. Une expérience que seul Alteration propose à ce jour.
Soirée exclusive The Good Concept Store x Audi talents le 29 juin
Influenceurs et amis du magazine The Good Life ont pu découvrir Alteration en intégralité dans le cadre atypique et coloré du corner The Good Concept Store au Printemps de l’Homme. Les invités ont pu ainsi vivre une expérience immersive inédite et rencontrer Jérôme Blanquet, le réalisateur du court-métrage, qui a partagé avec eux anecdotes de tournage et éclaircissements techniques.