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La cathédrale Notre-Dame de Paris tout juste rénovée a rouvert le 8 décembre avec un mobilier flambant neuf commandé à des artistes et à des designers. Ionna Vautrin en a dessiné les 1 500 chaises, un patrimoine unique.
Deux mille trois cents événements liturgiques étaient célébrés chaque année dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Et puis l’incendie de 2019… Il fallait tout repenser, tout recréer en harmonie ; même les assises pour les 13 millions de fidèles, pèlerins et touristes annuels. Une pièce de mobilier signée Ionna Vautrin.
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De l’assise pour Notre-Dame
Dessiner une énième chaise pour un énième salon, rien de nouveau sous le soleil de la création. Mais inventer « la » chaise de Notre-Dame de Paris, merveille universelle depuis neuf siècles, à l’heure de sa résurrection… Ite missa est. Ionna Vautrin est l’élue de l’archevêque de Paris, monseigneur Ulrich.
« Il était impossible d’accéder à la cathédrale. Je me suis plongée dans les livres et dans mes souvenirs, raconte la designer. Le brief : comment loger 1 500 chaises en rangées rectilignes, qui soient robustes et légères, mais durables et faciles à entretenir, qui permettent de se lever et de circuler aisément dans les travées, qui puissent s’attacher les unes aux autres, s’empiler, etc. Une chose s’est tout de suite imposée à moi : il fallait “une chaise silencieuse”. À plusieurs titres. Une chaise qui reste humble par rapport à l’édifice, qui soit au service de la liturgie et, évidemment, confortable. »
De Ionna Vautrin, tout le monde connaît, au moins, la lampe du TGV et la petite lampe Binic pour l’éditeur italien Foscarini. Mais elle n’avait jamais créé de chaises ni travaillé pour un édifice religieux ni avec l’entreprise d’ébénisterie Bosc.
« Je me suis sentie écrasée par l’histoire, la symbolique, puis je me suis concentrée sur l’objet uniquement, ça m’a libérée, dit Ionna Vautrin. J’ai choisi le chêne, noble, solide, pérenne, en écho à la charpente. Le dossier aux proportions atypiques permet de poser ses coudes sur la chaise de devant pour prier, donne la modestie voulue à l’objet et crée un horizon très bas, qui souligne la verticalité de la cathédrale. Ses barreaux évoquent l’ordonnancement des piliers. À travers eux passent aussi les rais de lumière projetés par les vitraux. Enfin, l’assise est soutenue par un X, qui évoque le sol en damier. Tout rappelle l’architecture de la cathédrale Notre-Dame de Paris. »
Savoir-faire made in France
Ionna Vautrin a choisi la société familiale landaise Bosc (qui signifie « forêt », en gascon), une entreprise du patrimoine vivant. « Ils sont ébénistes depuis trois générations à Hagetmau, glisse-t-elle. Leur histoire est belle. » Cette entreprise traditionnelle a pris le virage du design et vend maintenant dans le monde entier. « C’est important, le 100 % made in France », souligne la designer.
« Pour nous, c’est une immense fierté, émotion et responsabilité, confie Sylvain Bastiat, l’un des dirigeants. Ma famille a dû faire, par le passé, des choix forts pour sauver l’entreprise. Ce projet vient récompenser cela. Des millions de personnes vont s’asseoir sur cette chaise, qui met en valeur notre expertise et nous donne une visibilité auprès d’un très large public. Nous recevons des demandes toutes les semaines. Mais c’est une édition limitée et exclusive pour la cathédrale Notre-Dame de Paris. »
Aux chaises gravées du logo « ND » s’ajoutent des agenouilloirs et des bancs. Les prie-Dieu seront livrés au prochain trimestre. Ionna Vautrin et Bosc travaillent déjà sur un autre modèle, pour le public, qui sortira mi-2025.
Les aménagements intérieurs ont coûté 7 M €, financés par la Fondation Notre-Dame. Guillaume Bardet a créé le mobilier liturgique en bronze – l’ambon, la cathèdre, l’autel, le tabernacle et le baptistère – ; Sylvain Dubuisson, la châsse-reliquaire en bronze et bois de cèdre, qui contient la couronne d’épines du Christ, le fragment de bois de la Croix et un clou de la Passion ; Vincent Dupont-Rougier, le mobilier complémentaire, dont les brûloirs, destinés à accueillir les bougies de dévotion ; Jean-Charles de Castelbajac, les vêtements liturgiques ; Nathalie Crinière, la scénographie du Trésor de la cathédrale et de ses vitrines ; l’agence Patrick Rimoux, la mise en lumière.
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