Culture
L’Italie, Mexico, et les forêts impossibles de l’Arizona… Après vingt ans de carrière, les membres de Calexico reviennent sur leurs racines et sur leur présent, entre famille, frontière et magie.
En 1968, trois astronautes atterrissent sur la planète des singes, dans un désert à la fois hostile et splendide. Ce n’est qu’après deux heures de film que Charlton Heston se rend compte qu’il a voyagé dans le temps et qu’il est encore aux Etats-Unis, plus précisément entre le lac Powell, l’Utah et l’Arizona. C’est l’Amérique des piscines et de la sécheresse, des gratte-ciel et des réserves indiennes, une région où les grands thèmes mondiaux des temps modernes prennent forme et cessent d’être de simples discussions pour devenir des urgences bien réelles.
C’est dans ce désert de plus en plus vaste, qui s’étend de la Silicon Valley au Mexique, qu’est né Calexico, un duo discret qui raconte depuis vingt ans l’étrange cohabitation entre les peuples et la nature, une mère à la fois fragile et dévastatrice. Pour cela, ils empruntent l’histoire d’une petite ville de frontière, qui change de nom en fonction des gens : si les Mexicains l’appellent Mexicali, les Américains utilisent justement Calexico. Deux jeux de mots sur Mexico et sur la Californie, pour lesquels l’ordre des éléments a son importance. La musique de Calexico a traversé l’océan et s’est fait connaître, sans papiers et souvent sans même un visage, en Europe, où le groupe compte de plus en plus d’admirateurs, dont beaucoup n’auraient jamais pensé écouter de la country métissée née à l’ombre des cactus du désert de Sonora.
Joey Burns et John Convertino se rencontrent à l’université de Californie, à Irvine. A partir de 1990, et pendant dix ans, ils forment la section rythmique du groupe Giant Sand, de Howe Gelb, mais leur histoire avec le désert commence en 1994, quand ils déménagent à Tucson, Arizona, à environ 800 kilomètres de Los Angeles. « Pour ne pas devenir fou dans le désert, il faut trouver un équilibre avec la chaleur, comprendre quand on peut la supporter et quand elle est en train de gagner la partie, raconte John Convertino, le batteur du groupe. C’est une chaleur qui déforme le temps et qui fait fuir les gens. Il reste un espace de plus en plus grand, que j’ai appris à aimer et qui me manque chaque fois que je m’en sépare. Et quand la chaleur cède enfin du terrain et que tombent le soir et le froid, autour du feu qui sent le pin et le cèdre, on trouve de l’espace pour parler et réfléchir aux pensées les plus profondes. »
A moins d’une heure de voiture se trouve la frontière avec le Mexique, le Sud qui demande une écoute, des opportunités et du travail, mais qui donne aussi énormément. « J’aimerais qu’il n’y ait pas de frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, qu’il y ait davantage d’accueil et de compréhension pour nos frères du Sud. Ils ont beaucoup à nous apprendre sur le sens de la famille et de la loyauté et sur le danger que la pauvreté représente pour toutes ces valeurs. Nous devons nous rendre compte de la chance que nous avons et apprendre à la partager. » Les mots passionnés de John, petit-fils de deux émigrants italiens d’Alberobello, un village des Pouilles, qui se rencontrèrent au début du xxe siècle à bord d’un bateau à destination d’Ellis Island, trouvent leur écho dans ceux de Joey Burns, chanteur et guitariste de Calexico. « Comme l’a dit un jour notre amie Amparo Sánchez [la chanteuse à l’origine du groupe de rock alternatif Amparanoïa qu’elle a formé avec Manu Chao, NDLR], nous devons nous souvenir à quel point le nord de chacun d’entre nous a besoin de se réconcilier avec notre sud, chaque fois que le cerveau prend le contrôle du cœur. »
Leur histoire
Qui ? Joey Burns et John Convertino.
Où ? A Tucson, Arizona.
Depuis quand ? 1995.
Dernier album ? Edge of The Sun (2015).
La chanson à écouter : Bullets and Rocks (avec Iron & Wine) sur Edge of The Sun.
Le CD à avoir absolument : The Black Light (1998).