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Les Gardiens de la Presse, épisode 2. Alors que The Good Life s’offre un lifting, fidèle à son esprit avant-gardiste tout en captant l’air du temps, nous consacrons une série de cinq articles aux métiers de la presse. Comment vit un journal ? Qui en orchestre le contenu ? Comment ses pages prennent-elles forme ? À l’heure du tout-numérique et face aux défis posés par l’intelligence artificielle, il est plus que jamais essentiel de célébrer une information écrite par et pour des humains.
Ils aident à mettre en lumière aussi bien les créateurs de mode que les restaurateurs. Trait d’union entre les journalistes et les clients pour lesquels ils travaillent, les bureaux de presse ont, depuis quelques années, entamé une métamorphose, jouant désormais sur tous les fronts de la communication. Rencontre avec des passionnés sur qui les projecteurs n’ont pas l’habitude de s’attarder.
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Le mercato des bureaux de presse
Cet hiver, un séisme a chamboulé toute la fashionsphère : Lucien Pagès, une agence de communication spécialisée dans la mode, s’est fait racheter par le groupe The Independents. Si, pour le grand public, cette nouvelle n’a pas eu un écho retentissant, elle s’est répandue comme une traînée de poudre dans toutes les oreilles du milieu de la presse. À l’instar d’un mercato footballistique, tous les acteurs médiatiques se sont empressés, en coulisses, de commenter ce changement de paradigme.
Fondée en 2006 et basée entre Paris et New York, Lucien Pagès Communication est une référence pour toutes les agences indépendantes de relations publiques, s’occupant de prestigieux clients tels que Schiaparelli, Versace ou le couturier britannique JW Anderson. Sa mission ? Informer les journalistes des nouveautés de la marque et s’assurer de la bonne visibilité de ses petits protégés.
Un monde que connaît par cœur Julien Dufour, lui qui a passé plus de dix ans dans un autre bureau de presse très influent, Karla Otto, désormais autre fleuron du groupe The Independents. Il décide, en septembre 2024, de monter sa propre agence : Spread The Word Communication. Proche de jeunes créateurs de mode tels que Christopher Esber, 3 Paradis ou Charles Jeffrey Loverboy, il ambitionne de les porter le plus haut possible dans le cœur du public ainsi que dans celui des journalistes : « Nous entretenons un rapport permanent avec ces derniers, car ils demeurent au cœur de notre activité. Ce sont les journalistes qui transmettent l’information de qualité, véhiculent des messages et apportent un regard critique sur notre travail. Ils possèdent le recul et la culture nécessaires pour présenter les marques de la meilleure manière possible, et ils aident aussi à instaurer des tendances. »
Cercle vertueux ?
Reste alors à savoir, dans cette relation ambiguë : qui a besoin de l’autre ?
Sans les bureaux de presse, impossible pour les journalistes de se tenir informés des nouveautés, mais sans les journalistes, les marques ne peuvent avoir le rayonnement médiatique escompté : « C’est une question vraiment complexe », avoue sans détour Hugo Howlett, à la tête de sa propre agence Howlett-Dubaele. « Notre rôle est de faciliter la tâche des journalistes en trouvant les bons intervenants et en leur fournissant les informations clés, que ce soit via des communiqués de presse ou des appels. Mais il est vrai que cela peut parfois être mal perçu, car le temps que peuvent nous accorder les journalistes est de plus en plus limité, ce qui rend les interactions plus difficiles. Nos relations avec eux peuvent être très amicales et sincères, ou davantage basées uniquement sur le travail. »
Passionné par le monde du luxe et de la mode, il travaille durant six ans au sein de l’agence parisienne 2e BUREAU, se spécialisant dans la jeune création émergente en gérant notamment la presse du Festival international de mode de Hyères. En 2024, il franchit lui aussi le cap de l’entrepreneuriat en montant son propre bureau de presse en compagnie de son ami Thibaut Dubaele Billet. Ce dernier, qui a travaillé chez Chanel en tant que responsable des événements presse pour l’international, forme avec lui un duo complémentaire : « Je me définirais davantage comme un professionnel des relations publiques plutôt qu’un attaché de presse », confie-t-il. « Un bureau de presse ne peut plus être uniquement cantonné à ce rôle. Il est beaucoup plus simple, pour obtenir un retour média, d’organiser un événement, que ce soit un petit-déjeuner, un dîner, un défilé ou un voyage avec les journalistes. Se contenter de lancer une collection sans élément physique est moins en phase avec les attentes des clients en ce moment. »
Alors qu’il se charge principalement des partenariats et de la logistique au sein de leur nouvelle agence, Hugo Howlett, lui, s’affaire à entretenir avec brio son réseau de journalistes : « Je suis attaché de presse et pour moi, mon métier consiste à être le médiateur idéal entre les marques et les médias. Ce n’est pas un rôle d’agent, mais plutôt un métier de séduction vis-à-vis des médias pour permettre à mes clients d’apparaître dans des publications et d’accroître leur visibilité. On joue aussi le rôle d’agent auprès des jeunes créateurs, ou de conseiller en image auprès des grands groupes. »
C’est tout comm’
Un rôle qu’entreprend aussi Julien Dufour à la tête de son agence Spread The Word Communication : « Un bureau de presse pur et dur n’a plus vraiment de sens à notre époque, il faut désormais s’envisager comme un bureau de communication global qui repose sur trois piliers principaux. Le premier concerne le conseil et l’accompagnement au développement, tant pour des marques établies, qui ont besoin de retravailler leur positionnement, leur image et leur cible, que pour des marques plus jeunes qui nécessitent une structuration. Ces jeunes marques peuvent avoir besoin de trouver des partenaires ou des sponsors pour des défilés, de réaliser des collaborations ou de progresser sur différents projets pour évoluer.
Le pilier central concerne tout ce qui a trait à la presse et à la stratégie de communication, mais comprend également les aspects liés aux célébrités, à l’influence et à l’événementiel. Cela inclut par exemple l’organisation de défilés et d’événements tels que des cocktails ou des dîners. Enfin, le troisième pilier est quelque peu inédit dans le paysage de la communication : il se concentre sur le développement de la relation client avec un accent particulier sur les personnes disposant d’un certain pouvoir d’achat. Mon travail consiste à créer un impact direct sur eux, en offrant un accompagnement stratégique aux marques qui souhaitent organiser des événements avec ces clients. Mon rôle va donc bien au-delà de celui d’un simple attaché de presse, il s’agit d’un accompagnement global de marque. »
À la baguette
Fille de boulanger, Marion Effray a, depuis sa plus tendre enfance, baigné dans le secteur de la restauration. Celle qui, petite, se prédestinait à devenir pâtissière s’est toutefois dirigée vers des études de communication et a débuté sa carrière au sein du service événementiel d’Alain Ducasse. Elle rejoint, en 2017, l’agence Melchior, spécialisée dans l’hôtellerie, la restauration et l’art de vivre, et y rencontre Valentine Dubois, associée et responsable des comptes Chefs, restaurants et événements. En 2023, les deux amies décident de voler de leurs propres ailes et inaugurent leur agence de communication T109. Ensemble, elles ambitionnent de redéfinir les codes du secteur de la restauration, en gérant l’image des chefs et de leurs établissements. « Attachée de presse est un terme un peu daté, je dirais que nous sommes désormais des attachées médias, car il faut viser aussi bien la presse que l’audiovisuel ou les réseaux sociaux » explique Marion Effray. « Mon métier consiste à rester dans l’ombre afin de mettre mes clients sous les projecteurs. »
Leur profession implique aussi une veille permanente, comme l’explique Valentine Dubois : « La veille médiatique est essentielle à notre travail. Pour être une bonne attachée de presse, il faut non seulement avoir un bon relationnel, mais aussi une connaissance approfondie des médias. » Un secteur où chaque jour résonne comme un défi : « Quitter une agence dans laquelle j’étais installée m’a fait passer du tout au rien en termes de confort financier : appelons cela le prix de la liberté. »
Parait-il qu’un bon attaché de presse sait toujours reconnaître ses faiblesses et ses qualités.
Site internet de Spread The Word
Site internet de Howlett-Dubaele
Site internet de T109