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C'est l'histoire de la plus jolie cannette de bière qu'il vous sera donné de trouver sur le marché.
Les voyageurs de retour de Polynésie française rentrent bien souvent chez eux avec un t-shirt Hihano sur le dos. Le large logo représentant une vahiné accroupie se décline à toutes les sauces : sans fioriture au milieu du dos, souligné du nom de l’île sur laquelle il a été acheté ou bien plus travaillé à la façon d’un objet collector. S’il sied à merveille le médium qu’est le t-shirt — on le retrouve sans surprise aussi sur des casquettes, des mugs… —, ce logo a d’abord fait son apparition à Tahiti sur une cannette de bière Hinano, en 1955.
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Bientôt 120 ans de bière locale à Tahiti
Bien avant un logo, il y avait donc une bière, l’Aorai, nommée en référence à un sommet de Tahiti. Mais surtout une brasserie, fondée à Papeete en 1914. Émile Martin la rachète en 1937 — et c’est son petit-fils Jean-Pierre Fourcade qui nous raconte aujourd’hui son histoire.
Nommé président de la firme familiale en succession à son père, en décembre 1992, cette figure majeure de l’économie locale (il détient depuis 2017 le groupe hôtelier polynésien Pearl Resort et de nombreux autres commerces îliens) fut le témoin privilégié de l’épopée de la Brasserie de Tahiti.
« Je me souviens de ces files d’attente interminables qui se formaient devant les anciens locaux de la brasserie de Tahiti dans les années 50, alors que j’étais enfant. L’île principale était raccordée à l’électricité mais tous les habitants, bien sûr, n’y avaient pas accès. Ils venaient donc aussi se fournir en pain de glace dans notre usine. »
Aorai devient Hinano en 1955 sous l’impulsion du grand patron qui souhaite en faire un véritable emblème de la culture polynésienne. Rien n’est laissé au hasard : le nom est poétique (« hinano » est le nom des fleurs de pandanus, une espèce endémique largement répandue sur l’archipel) et facile à prononcer, le logo évocateur (il représente une vahiné, le symbole absolu de la Polynésie) et avant-gardiste (dessiné par Pierre Heyman sur demande de Yves Martin, frère d’Émile — il a à peine évolué aujourd’hui).
Dans les années 50 également, la Brasserie de Tahiti devient concessionnaire des produits Coca-Cola, introduisant plus largement les boissons sucrées de la marque auprès de la majorité des îles habitées de la Polynésie française qui se rationnaient jusqu’alors des imports (onéreux) venus des Etats-Unis. La Brasserie de Tahiti produit aujourd’hui les jus de fruit de la marque Rotui Moorea et embouteille de l’eau de source locale.
Hinano, une success story
Si la vahiné a peu évolué (on l’a habillée et coiffée différemment et changé la couleur du fond du logo), sa silhouette s’est essayée au sport. Hinano s’intéresse à l’époque en effet, pour étendre son aura, au sponsoring : la bière de Tahiti devient partenaire du Championnat du monde de Hobie Cat (catamarans de sport) en 1974, du Tahiti Mondial Cat une année plus tard, de la course de pirogues Hawaiki Nui Va’a dès 1992 pour enfin s’intéresser au surf en lançant en 1999 le Hinano Surf Tour.
Mais c’est bien sur le terrain de l’image qu’Hinano frappe fort. Dès 1960, la Brasserie de Tahiti lance ses premiers calendriers mettant en scène la vie locale et les us et coutumes polynésiens. Leur succès est tel que la jolie vahinée saute bientôt de médium en médium, de serviettes en casquettes, en passant par les verres dans lequel sont servis sa bière dans les bars de Tahiti.
La fierté de la Polynésie française
Encore aujourd’hui, il vous sera difficile de commander la bière d’une marque autre que Hinano à Tahiti ou sur les îles polynésiennes. Certes le coût important des taxes d’importation sur les bières étrangères joue dans cette équation un rôle incontesté, mais l’amour que portent les Polynésiens à la marque demeure la vraie raison de ce succès. Il n’est en effet pas rare de croiser des locaux en short de bain Hinano ou ayant sur leur voiture un sticker à l’effigie de la vahiné.
N’en oublions pas pour autant la bière en elle-même, un jus somme toute consensuel qui a néanmoins eu l’idée suivre les tendances la consommation en introduisant des bières ambrée, blanche, IPA et Gold dès les années 2000.
La Brasserie de Tahiti produit aujourd’hui 95 % de la bière locale et emploie plus de 400 personnes, en faisant le 7e employeur du territoire, pour sa seule activité sur le secteur des boissons. Le groupe, quant à lui, avec comme moteur son président hyperactif Jean-Pierre Fourcade, investit en continu dans l’industrie locale : sur le secteur de l’hôtellerie, donc, avec les Pearl Resorts, mais aussi à plus petite échelle avec en soutenant des commerces locaux.
Depuis 1991, la marque s’exporte à l’international vers Hawaii, en Nouvelle Calédonie, en Asie ou encore dans le sud des Etats-Unis. En France, elle est revendue sous licence.
F.L.G.
Site internet de Hinano.
