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Les histoires belges, tout le monde en connaît (même si elles ne font plus rire aujourd’hui, et c’est tant mieux). La bande dessinée belge, idem. Même Alain Finkielkraut, qui méprise la BD, a entendu parler de Tintin. Mais la BD « franco-belge », qu’est-ce donc ?
BD franco-belge… Cette expression signifie-t-elle que ses auteurs possèdent la double nationalité ? A moins que leurs histoires ne soient d’abord écrites en France avant d’être dessinées en Belgique, ou vice versa ? En réalité, ni l’un ni l’autre. « C’est à la fois très simple et très compliqué », comme le dit le capitaine Haddock à la fin de Tintin au pays de l’or noir.
Tintin et Spirou, les pionniers de la BD belge
Afin d’y voir plus clair, un petit rappel historique s’impose. La bande dessinée est née en Suisse, dans les années 1830, avec Rodolphe Töpffer. Puis, à la fin du XIXe siècle et au début du suivant, elle prend son envol aux Etats- Unis. Il faut attendre 1929 et la naissance de Tintin, due à un certain Georges Remi, alias Hergé, pour voir naître la bande dessinée belge.
En 1938, un groom nommé Spirou déboule dans un nouvel hebdomadaire qui porte son nom. Ces deux héros s’imposent comme les piliers de la BD belge. « Carrefour de langues et de cultures, ne subissant pas le poids d’une longue tradition littéraire, la Belgique vient de se révéler plus accueillante que la France à ce nouveau médium qu’est la bande dessinée », écrit le scénariste Benoît Peeters dans L’Art de la bande dessinée (éd. Citadelles & Mazenod).
Modernité de la BD belge
Après la Seconde Guerre mondiale, la BD belge vit un âge d’or créatif. Les hebdomadaires Spirou et Tintin se livrent une concurrence stimulante. Lancé en 1946, le second publie, sous la houlette d’Hergé, des séries réalistes se voulant sérieuses et éducatives. Ses héros se nomment Blake et Mortimer (créés par Edgar P. Jacobs), Corentin (Paul Cuvelier), Barelli (Bob De Moor), Michel Vaillant (Jean Graton) ou Ric Hochet (Tibet et Duchâteau).
Spirou fait preuve d’une plus grande fantaisie graphique sous l’influence de son rédacteur en chef, Yvan Delporte. Jerry Spring (créé par Jijé), Tif et Tondu (Will et Rosy), Lucky Luke (Morris), Gil Jourdan ( Tillieux), Boule et Bill (Roba), Johan et Pirlouit et les Schtroumpfs (Peyo) ou Gaston Lagaffe (Franquin) sont quelques-unes de ses figures emblématiques.
Sans oublier les personnages de la bande dessinée flamande, à l’image de Bob et Bobette de Willy Vandersteen. Dans les années 50, la BD belge se trouve à la pointe de la modernité. Elle reflète son époque, comme en témoignent l’architecture et les objets du quotidien mis en scène dans les albums de Spirou et Fantasio ou de Tif et Tondu.
Potion magique française
Dans la décennie suivante, le centre de gravité de la création se déplace. Astérix, héros gaulois, donne une rasade de potion magique à la BD venue de France. L’hebdomadaire Pilote révèle une génération de nouveaux héros, de Blueberry à Philémon, et des auteurs français, de Philippe Druillet à Enki Bilal. Il s’ouvre à un large lectorat, alors que la BD belge s’adressait d’abord aux enfants et aux adolescents.
Dans les années 70, des anciens de Pilote créent des magazines plus adultes, tels que L’Echo des savanes, Fluide glacial ou Métal Hurlant. Quand Yves Chaland rend hommage à la bande dessinée belge classique, c’est aussi pour en faire ressortir certains aspects déplaisants, du racisme au colonialisme. Et la nouvelle génération de dessinateurs belges, apparue dans les années 70, est influencée par la nouvelle vague d’auteurs français comme Moebius.
Et cette idée de BD franco-belge, alors ? Si elle n’est pas d’une rigueur scientifique imparable, l’appellation exprime tout simplement les échanges permanents entre la France et la Belgique, ainsi qu’une parenté graphique entre les différents auteurs. Dans les années d’après-guerre, certains dessinateurs français franchissent la frontière et travaillent pour la presse belge, tels Jean Graton (le créateur de Michel Vaillant), Jacques Martin (Alix) ou Tibet (Ric Hochet).
Les hebdomadaires Spirou et Tintin sont diffusés en France comme en Belgique. Aujourd’hui, la bande dessinée s’est internationalisée. La notion de « BD franco-belge » n’a plus grand sens, hormis pour les collectionneurs à la recherche des vieux albums à dos toilé édités par Dupuis ou Le Lombard. Elle continue cependant d’évoquer le souvenir d’un âge d’or teinté de nostalgie. Et si leurs créateurs ont disparu, les grands héros belges ne meurent jamais : de Spirou à Blake et Mortimer et de Lucky Luke à Tif et Tondu, ils sont désormais repris par de nouveaux auteurs.
L'abécédaire de la BD belge
Retrouvez, dans le hors-série de The Good Life 100 % Belgique un abécédaire de la BD belge, de A, comme Atome (le style du graphisme de Jijé et des dessinateurs de l’hebdomadaire Spirou, nommé en référence à l’Atomium), à Z, comme Zorglub (ennemi juré du comte de Champignac).
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