- Business>
- Inspirations>
La banque privée genevoise Lombard-Odier vient tout juste de s’offrir un nouvel écrin sur le territoire qui l’a vue naître il y a maintenant près de 230 ans. À Genève, le projet, baptisé One Roof, vient alors soulever une question : l’architecture joue-t-elle un rôle dans l’univers de la finance ? Décryptage.
À Genève, sur la commune de Bellevue située sur les rives du lac Léman, avec les Alpes et le Mont-Blanc comme paysage quotidien, un nouvel édifice a vu le jour cette année. Inauguré il y a seulement quelques semaines, le nouveau bâtiment de la banque suisse Lombard Odier a réuni ses six adresses passées sous un unique toit.
Un power move en pleine crise économique ? Sans aucun doute. Et dans l’univers des banques suisses, on ne fait pas les choses à moitié. Sur le canton, il est en réalité devenu monnaie courante de voir les grandes banques du pays commissionner des architectes de renom pour imaginer leurs quartiers généraux. Parmi les bâtiments phares de Genève figure notamment la banque Bruxelles Lambert Bank dont le bâtiment est signé par l’architecte Mario Botta.
Lire aussi : Otto von Spreckelsen, l’architecte oublié de la Grande Arche de la Défense
L’audace architecturale comme symbole d’ambition ?
La banque Lombard Odier semble à son tour avoir saisi la valeur de la signature architecturale, et pour imaginer son imposante nouvelle demeure – quelque 60’000 m², s’il vous plaît – ils n’ont fait appel à personne d’autre que le célèbre cabinet d’architecture bâlois Herzog & de Meuron.
Leurs créations ne vous sont certainement pas étrangères. En effet, c’est au duo helvétique que nous devons le stade national de Pékin, la VitraHaus du Vitra Campus ou encore la Tate Modern de Londres. Des créations à travers la Suisse et le monde, mais un premier projet sur les terres helvétiques romandes. « Ce qui nous a intéressés dans ce concours, c’est le paysage dans lequel le projet allait s’inscrire.
Un cadre naturel unique, entre lac et montagnes. Une opportunité rare. Également pour créer un cadre de travail idéal, offrant diverses possibilités d’échanges et d’interaction afin de renforcer la collaboration », confient les architectes. Un projet d’envergure, s’imposant tout en transparence sur la côte genevoise, qui se devait de prendre en compte de nombreux critères, tant du point de vue de la sécurité des lieux que de la durabilité du projet, sans oublier le bien-être des quelque 2 600 employés que peut accueillir la nouvelle Maison Lombard Odier.
Mais alors, pour quelles raisons une banque, née il y a près de 230 ans, mise-t-elle sur un bâtiment à l’architecture si ambitieuse ? Lorsque nous interrogeons la direction de la banque Lombard Odier, la réponse est claire : « Notre métier évolue, nos clients aussi. Nous nous devons de nous projeter vers l’avenir, sans jamais oublier notre héritage bien sûr, mais penser au futur est une nécessité. Cette architecture ambitieuse, comme vous le dites, audacieuse, surprenante au premier regard pour certains, représente cet avenir. Les fondamentaux de notre industrie sont en train d’évoluer, et ce à toute vitesse. Les nouvelles générations de clients recherchent avant tout la transparence, l’agilité et la rapidité dans leurs interactions. L’architecture de One Roof, notre nouvelle Maison, devait alors refléter notre vision de cette évolution. C’est dans cet esprit que nous avons choisi, avec les architectes Herzog & de Meuron, de travailler en transparence pour mettre en valeur l’ouverture vers le monde qui nous entoure. Ce nouveau siège est bien plus qu’un bâtiment, il incarne nos valeurs et reflète nos ambitions de croissance future », déroule Édouard de Saint Pierre, directeur général France de Lombard Odier. L’architecture d’une banque devient ainsi bien plus qu’un simple bâti, évoluant pour devenir un véritable status symbol.
Une identité pensée dans les moindres détails
Dans un projet d’une telle envergure, rien n’est laissé au hasard. De l’enveloppe du bâtiment au choix des fauteuils, chaque élément est réfléchi avec en tête un seul objectif : la satisfaction du client. Pour le projet One Roof, l’architecture d’intérieur a été confiée au designer Rodolphe Parente à qui le défi suivant a été confié : imaginer un environnement de travail propice aux nombreux employés tout en gardant en tête la satisfaction des clients.
Au sujet des espaces dédiés à ces derniers, il déclare : « Ces salons privés ont été pensés comme de véritables lieux chaleureux. L’ambition de créer un environnement domestique intimiste dans un contexte bancaire répond à un enjeu : rassurer, mettre en confiance et faciliter les échanges. »
Une sensation qui passe par la gamme chromatique relativement neutre des lieux, le choix de matériaux nobles, à l’image du bois massif et du laiton patiné, ou encore des lignes élégantes du mobilier dégageant une sensation de sophistication dans les bureaux et les salons. Pour One Roof, rien ne semblait être trop beau.
L’architecture comme terrain de compétition
En observant le projet One Roof et toutes les autres banques sorties de terre ces dernières années, une tendance semble se profiler : il faut se faire remarquer. Une tendance qui pose une question centrale. Dans un monde du paraître, où les jeunes générations donnent de nouvelles définitions aux termes luxe et prestige, les banques doivent-elles renvoyer une image nouvelle à travers leur design ? En tout cas, il est évident que les bâtiments centenaires n’ont plus la cote.
Et Lombard Odier n’est pas la seule à déserter ses immeubles historiques au profit de bâti tout beau tout neuf. En 2016 déjà, la Banque Libano-Française faisait confiance au studio Snøhetta pour imaginer un bâtiment affublé d’un rooftop en plein Beyrouth. À Bagdad, la Bank of Iraq a confié la réalisation de son immeuble à Zaha Hadid, tandis que Foster + Partners dévoilait tout récemment sa future tour de 188 mètres de haut à Asunción, au Paraguay.
Mais credit where credit is due. HSBC reste celle qui, dès les années 1980, misait sur une architecture des plus audacieuses pour l’époque avec son QG de Hong Kong. Pour cela, ils ont fait appel à nul autre que Norman Foster, qui remporta le concours de « the best bank building in the world », pour reprendre les termes employés par HSBC.
Mais les clients sont-ils influencés par les choix architecturaux des banques lorsqu’il s’agit de décider à qui confier leur fortune ? Si, pour Édouard de Saint Pierre, directeur général France de Lombard Odier, One Roof est un parfait reflet des valeurs de la société, le bâtiment avait également pour visée la création d’un lieu inspirant la sécurité, la confiance et le bien-être. Et nous avons envie de dire : pari réussi ? Car en se tournant vers la vue sur le Mont-Blanc, visible à la fois depuis les salons privés et les bureaux, nous sommes tentés de tout leur confier.
