Culture
The Good Life a rencontré Barthélémy Toguo, créateur de Bandjoun Station. Ce centre d'art contemporain au Cameroun promeut un esprit de dialogue et de partage des cultures.
The Good Life : Pourquoi avez-vous créé Bandjoun Station ?
Barthélémy Toguo : Bandjoun Station est parti d’un constat : l’art classique africain se trouve aujourd’hui dans les musées occidentaux. Ce phénomène se reproduit avec l’art contemporain qui est, lui aussi, aux mains de l’Occident, car il n’existe pas de véritable marché de l’art sur le continent africain, et pas davantage de volonté politique de créer des musées qui permettraient d’empêcher la fuite des œuvres. Il était donc nécessaire de créer un espace où soient exposées des œuvres d’artistes africains contemporains dans le cadre de projets culturels ambitieux. Mieux encore : il m’a semblé important que ces œuvres soient associées à celles d’artistes du monde entier, dans un esprit de dialogue et de partage des cultures.
TGL : Quelle est la teneur de votre collection ?
B. T. : La collection compte 1 125 œuvres, issues, pour la grande majorité, d’échanges avec des artistes et des collectionneurs. Elle comprend aussi bien des peintures de Soly Cissé ou de Dominique Zinkpè que des dessins de Louise Bourgeois, des lithographies de Miró et Tàpies, une sculpture sonore de Laurie Anderson…
TGL : En dehors des expositions, Bandjoun Station a-t-elle d’autres vocations ?
B. T. : Oui, nous avons tout un volet éducatif à destination des écoliers de la région. Nous fonctionnons également comme une résidence d’artistes et de commissaires d’exposition. Leurs projets doivent être menés en lien avec les communautés locales, car nous ne voulons pas fonctionner comme un îlot. Bandjoun Station a l’ambition d’être à la fois une structure artistique, sociale et, ce qui est plus singulier encore, agricole. Nous avons entrepris notre propre production de café bio. Cela constitue pour nous un acte politique et critique fort, qui amplifie l’acte artistique et qui s’inscrit dans la lignée de ce que Léopold Sédar Senghor appelait « la détérioration des termes de l’échange », quand les prix à l’export fixés par l’Occident pénalisent et appauvrissent les agriculteurs du Sud.
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