×
A l’heure des fake news et de la défiance de l’opinion américaine vis‑à-vis des médias, deux journalistes ont créé un pure-player d’informations « fiables et sérieuses » destinées aux décideurs politiques et économiques majeurs des Etats-Unis. Axios se voit déjà le média global de demain.
tglflorence

The Good Business

Axios : visite d’une rédaction 4.0

The Good Business

A l’heure des fake news et de la défiance de l’opinion américaine vis‑à-vis des médias, deux journalistes ont créé un pure-player d’informations « fiables et sérieuses » destinées aux décideurs politiques et économiques majeurs des Etats-Unis. Axios se voit déjà le média global de demain. Visite d’une rédaction 4.0.

Abonnements payants Axios reportés d’un an

L’avenir est dans l’ADN d’Axios, à l’image des responsabilités de Steve LeVine, le ­Monsieur « Futur du monde du travail » de la rédaction. Le journaliste surveille tout ce qui peut influencer la géopolitique mondiale, de la technologie à la robotique, en passant par le secteur énergétique. « Je n’ai aucune restriction, j’écris sur tout ce qui m’intéresse et qui peut avoir un impact sur le futur », explique l’auteur d’un ouvrage sur la géopolitique des batteries lithium-ion développées par les géants de la high-tech. « Nous sommes évidemment tous intéressés par le scoop, renchérit Kim Hart, à la tête du service technologie. Mais ce qui nous importe avant tout, c’est de comprendre ce que sera le monde de demain, et c’est notre réelle valeur ajoutée. »

Steve LeVine est rédacteur en chef du service Future of Work. Il a longtemps été correspondant en Union soviétique et au Pakistan pour des quotidiens américains.
Steve LeVine est rédacteur en chef du service Future of Work. Il a longtemps été correspondant en Union soviétique et au Pakistan pour des quotidiens américains. Claudia Paul

Pas question d’articles « écrits par des journalistes pour des journalistes », affirme-t-on chez Axios. La priorité, c’est le lecteur, indique le manifeste du site. Un lecteur avisé et lassé de ce que Jim VandeHei surnomme le « crap trap », le piège du titre aguicheur des sites obsédés par le buzz pour attirer la plus large audience possible. Un lecteur pressé en quête d’un outil de décryptage quotidien de l’information. Et un lecteur prêt à dépenser beaucoup pour l’acquérir.

Pour l’heure, l’abonnement aux onze newsletters reste gratuit. Il devait pourtant devenir payant au bout d’un an, de l’ordre de 10 000 dollars pour des analyses fiables et uniques. Jim VandeHei assure que le ­business-modèle n’a pas profondément changé. « Le nombre de personnes qui connaissent et consomment Axios est plus important qu’anticipé. Du coup, les revenus publicitaires sont meilleurs que prévu [pas de chiffres communiqués, NDLR], ce qui nous permet d’attendre, probablement une année de plus, avant de faire payer nos contenus. Nous cherchons d’abord à augmenter notre audience afin qu’elle devienne accro à nos contenus. »

Sur les 6,4 millions de visiteurs uniques chaque mois, 500 000 seraient déjà des lecteurs quotidiens fidèles par le biais du mobile et/ou des newsletters. Les détracteurs d’Axios ne manquent pas. La généralisation du native advertising, ces publi-rédactionnels intégrés au contenu des articles et farouchement défendus par Jim VandeHei, ne cesse de faire débat au sein de la profession. Les cofondateurs avaient également indigné leurs confrères en assurant que la presse avait été « clairement anti-Trump » lors de la dernière campagne présidentielle.

Axios a beau revendiquer son indépendance, certains mettent en cause ses liens avec l’actuelle administration américaine et avec les grandes entreprises comme Koch Industries, multinationale pétrochimique présentée comme un « partenaire de lancement » d’Axios et dirigée par les frères Charles et David Koch, généreux donateurs républicains. Les critiques mettent en cause l’objectivité du traitement de l’information du secteur énergétique. Axios se voit aussi reprocher d’être trop proche des grands groupes de la Silicon Valley. « Nous cherchons à comprendre la culture de ces entreprises, leur écosystème, leurs choix, la direction qu’ils prennent, leur réaction face à la compétitivité », se défend Kim Hart, qui a elle-même travaillé plusieurs années en tant que RP à la Commission fédérale des communications, une agence gouvernementale chargée de réguler les télécoms. « Nous avons une bonne expertise car nous couvrons l’actualité de ces grandes entreprises et les politiques de régulation depuis longtemps. »

L’avenir du journalisme ? Jim VandeHei est optimisme, malgré le dénigrement quotidien des médias par l’actuelle administration américaine.

« Avec le temps, les gens vont réaliser l’importance du rôle des médias. Le New York Times, le Washington Post et plusieurs magazines papier connaissent une croissance de leurs abonnements. A force d’entendre répéter fake news et de donner cette fausse impression de la presse, cela encourage une partie des Américains à s’abonner aux journaux. De quoi donner les moyens aux journaux d’investir davantage dans le journalisme d’investigation. Dans un sens, Donald Trump est le meilleur des présidents de l’histoire des Etats-Unis dans l’aide au financement des enquêtes journalistiques ! » plaisante Jim VandeHei.

Seuls ces grands groupes de presse ont encore les moyens de maintenir des correspondants à travers le monde et peut-être pour longtemps. « En tout cas, à l’avenir, nous devons être plus modestes sur nos opinions et nos prévisions, estime le doyen des journalistes de la rédaction Steve LeVine. Nous n’avons pas vu venir l’élection de Donald Trump, le Brexit, l’émergence d’un mouvement inconnu qui ­allait donner un président à la France. Nous devons être humbles, parler moins et observer plus. » L’ambition d’Axios.

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture