Culture
Face aux phénomènes de réchauffement climatique, d’avancées de l’intelligence artificielle ou de surconsommation, les utopies des siècles passés ont laissé place aux dystopies. Qu’il s’agisse de sculpture, de peinture, d’architecture ou de cinéma, les créations contemporaines témoignent d’une vision globalement sombre de l’avenir.
Le dernier artiste en vogue, aux Etats-Unis, se nomme Daniel Arsham. A la fois architecte, sculpteur et réalisateur, il reçoit en blouse blanche dans son studio de New York. Dans ce lieu qui tient du laboratoire d’alchimie, on trouve des cendres volcaniques, de la poussière de roche glacière, des cristaux de calcite, des fragments d’obsidienne, du quartz rose, du verre brisé ou encore du marbre pilé. Tout ce qui, d’une façon ou d’une autre, symbolise le passage du temps, l’érosion, la fossilisation. A ceci près que Daniel Arsham n’utilise pas ces matériaux antédiluviens pour sculpter des œuvres babyloniennes. Bien au contraire, les objets qu’il moule à partir de ces cristaux ou de ces cendres sont ceux de notre quotidien le plus trivial : téléphone portable, appareil photo, ballon de football, blouson d’aviateur…
A la demande du chanteur Pharrell Williams, l’artiste a même reconstitué, en cendres volcaniques, le premier instrument fétiche de la star, un clavier Casio MT-500. On le sait, tout est voué à disparaître, et Daniel Arsham, surfant sur l’idée de perte et de nostalgie, prend les devants en transformant nos objets du quotidien en vestiges. L’histoire veut que, lors d’un voyage en 2011, sa découverte des monolithes érigés sur l’île de Pâques lui ait donné l’idée de réaliser un premier appareil photo argentique moulé à partir de fragments de basalte recueillis sur place, mettant ainsi au jour le premier reliquat de l’homme quand l’homme ne sera peut-être plus là pour le recueillir.
Dans neuf courts métrages de science-fiction, baptisés Future Relic (à voir sur YouTube), il met en scène un monde où des survivants esseulés – les acteurs James Franco, Arturo Castro, Juliette Lewis, Matthew Maher et Ethan Suplee – découvrent ses objets fossilisés sur des rivages désolés ou dans des bâtiments industriels désaffectés. « Je veux créer une sensation troublante, mystérieuse ; celle de sortir de nos propres vies, comme si nous voyagions dans le futur et contemplions notre civilisation », explique cet archéologue du temps présent qui s’inscrit dans le courant de tous ces créateurs pour qui le monde court à sa perte.
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