Horlogerie
Des œuvres qui questionnent notre influence sur la nature, la capacité des artistes à saisir l’invisible, à se faire l’écho des incarnations divines ou à prôner la culture de l’homme du commun. Toutes les expressions sont matière à réflexion. Tour d’Europe en 5 expos d’art et photo sur la côte atlantique.
Santander, visions océaniques. Née d’une mère américaine d’origine irlandaise et d’un père afro-américain, Ellen Gallagher est connue pour ses oeuvres questionnant les identités raciales ou de genre. Si l’exposition que lui consacre le Centro Botín aborde bien ces thématiques à travers un portfolio de 60 tirages détournant des pages de magazines afroaméricains, elle nous invite surtout à une plongée dans les profondeurs de l’océan et une réflexion sur l’anthropocène. L’artiste s’est intéressée à des thèmes croisant le souvenir tragique de la traite des esclaves outre-Atlantique et la disparition des espèces océaniques. En solo ou avec un autre artiste, Edgar Cleijne, elle présente des projections de diapositives peintes à la main dévoilant des formes organiques abstraites, des aquarelles montrant des créatures marines fantastiques ou encore un fascinant récit consacré à la chute des baleines. Ellen Gallagher with Edgar Cleijne : A law… A Blueprint… A Scale, Centro Botín, jusqu’au 11 septembre. centrobotin.org
Nantes, mascarades indiennes. Depuis une dizaine d’années, Charles Fréger a entrepris une revue des mascarades, ces fêtes où chacun se singularise par des déguisements tout en faisant corps avec sa communauté. Sa nouvelle série, AAM AASTHA, est le fruit de plusieurs voyages entrepris en Inde en 2019. Passionné par le Ramayana (l’épopée fondatrice de l’hindouisme) et par ses interprétations dans différentes cultures d’Asie, Charles Fréger a sillonné plus d’une vingtaine d’États du pays, pistant les danses sacrées et les jeux scéniques qui se pratiquent au temple, au théâtre, dans les festivals de rue. Il a retrouvé des formes d’incarnations de divinités posant devant l’objectif dans des costumes absolument spectaculaires. AAM AASTHA, exposition de Charles Fréger, musée d’Histoire de Nantes, du 2 juillet au 27 novembre. chateaunantes.fr
Bilbao, Dubuffet l’indomptable. Lorsqu’en mai 1946 Jean Dubuffet présente ses Hautes pâtes à la galerie Drouin, ces oeuvres informes, une bouillie de matière tantôt brunâtre tantôt grisâtre, suscitent le scandale. Deux ans plus tard, il renoue avec la provocation en se faisant l’ardent défenseur de dessins et de peintures produites par des fous, dans une exposition et un manifeste au titre éloquent : L’Art brut préféré aux arts culturels. Au détour des années 60, après avoir maltraité la texture de la peinture, Jean Dubuffet en perturbe la graphie. Ainsi naît Le Cycle de l’Hourloupe, fondé sur une calligraphie en perpétuelle expansion. La rétrospective que lui consacre le musée Guggenheim, des années 40 aux années 80, montre avec brio à quel point, tout au long de sa carrière, il a rejeté les conventions culturelles et les académismes. Jean Dubuffet : ardente célébration, musée Guggenheim, jusqu’au 21 août. guggenheim-bilbao.eus
Le Havre, du vent et des pinceaux. Comment peindre le vent ? Comment représenter ce qui, par essence, est invisible ? Il fallait un musée ouvert à tous les vents, avec de larges baies donnant sur la mer, pour s’atteler à un tel thème. Le MuMa, au Havre, réunit quelque 170 oeuvres (peintures, dessins, estampes, vidéos…) autour de l’air, de la brise, voire de la tempête. De l’antiquité, où le vent s’incarne dans des divinités, à la peinture romantique, où les vents agités reflètent les tourments de l’âme, des impressionnistes, qui peignent en « plein air », aux artistes contemporains, qui intègrent les météores dans leurs oeuvres, l’exposition convoque, entre autres, Dürer, Goya, Hiroshige, Hokusai, Turner, Nadar, Monet, Renoir, les frères Lumière, Vallotton, Dufy, Etcheverry… Le Vent. Cela qui ne peut être peint, MuMa, Le Havre, jusqu’au 2 octobre. muma-lehavre.fr
Liverpool, de ruralité à radicalité. Une exposition de plus sur le paysage en ces temps de retour à la nature ? Pas tout à fait. Radical Landscapes, qui comprend plus de 150 oeuvres, est plutôt une exposition manifeste. Elle prend à bras-le‑corps la diversité des paysages de Grande-Bretagne et révèle comment la campagne a été façonnée par nos valeurs. Certes, le fameux jardin anglais y a sa place, dans des oeuvres telles que Figures in a Garden, d’Eileen Agar, mais il y est bien plus question de changement climatique, avec les projections de cristaux liquides de Gustave Metzger, ou encore de préservation des espèces, avec la série des arbres remarquables du sud-est de l’Angleterre de Tacita Dean. Radical Landscapes, Tate Liverpool, jusqu’au 4 septembre. tate.org.uk