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L'édition 2019 d'Art Paris Art Fair, du 4 au 7 avril 2019 au Grand Palais, fait une grande place aux femmes artistes. Focus sur 6 d'entre elles.
• Véronique Ellena, galerie Alain Gutharc. En consacrant l’été dernier une rétrospective à Véronique Ellena, le musée Réattu, à Arles, a mis en lumière le parcours discret d’une photographe recherchant le beau derrière « les gestes simples et banals qui disent la profondeur du monde ». Depuis trente ans, Véronique Ellena pose sa chambre 4×5 dans les supermarchés ou les courses cyclistes, faisant image avec le trivial et le non-événement. Elle ennoblit le poulpe ou la grenade dans des natures mortes. Elle redit le poème tragique des gisants en cherchant la trace des sans-abris de Rome, effondrés sous le poids des églises. Partout où elle passe, elle confère de la noblesse en cadrant à hauteur d’homme, laissant le regardeur pénétrer dans son univers familier.
• Isabelle Plat, galerie Eric Mouchet. Que ce soit avec son Moulin à merde ou son Cloporium, Isabelle Plat joue avec les interdits et intègre, dans ses œuvres humoristiques, la dimension occultée du corps. Ses dernières créations sont décoiffantes. Elle a produit un ensemble de sculptures et de dessins réalisés à partir de cheveux collectés chez des coiffeurs. Lorsqu’on sait qu’un cheveu reste un matériau vivant même après sa séparation du corps humain, on regarde avec un nouvel œil son tapis‑cheveux en forme de cervelle ou son soutien‑gorge. Au-delà de l’aspect des sculptures, c’est notre rapport à l’intime qui est questionné, comme dans Une place dans ma doudoune de rêve (photo).
• Ulla Van Brandenburg, galerie Art Concept. Ceux qui se rendent au palais de Tokyo, en 2012, se souviendront du magnifique manteau d’arlequin dont l’artiste Ulla Von Brandenburg avait paré l’agora en 2012. Une formidable peinture en trompe‑l’oeil couvrait toute la surface et se déployait comme un décor. Née en 1974 à Karlsruhe, installée à Paris depuis 2005, Ulla Von Brandenburg est l’artiste qui monte. En 2018, elle a bénéficié d’une grande exposition au musée Jenisch Vevey, en Suisse. On y retrouvait tout ce qui fait son vocabulaire : des aquarelles sur le thème du cirque et du carnaval (Pferd 1, photo), des tentures baroques transformant l’espace d’exposition en espace scénique ; bref, tout un dispositif renvoyant à la théâtralité du monde.
• Anne De Gelas, galerie Sage Paris. Mère et fils, deux êtres posant côte à côte, faisant front parfois sur l’image, aux limites de l’évanescence sur d’autres clichés. Un plus un ne font pas deux, mais trois dans ces photos en noir et blanc où l’absent tient le plus grand rôle. Anne De Gelas, qui a perdu son compagnon il y a quelques années, met en scène le sentiment de perte, la solitude, et les nouveaux liens créés avec le fils. Les années passent, les corps changent, l’enfant n’en est plus un, la mère renoue avec son corps de femme, il faut négocier avec l’irréparable, et trouver dans l’autoportrait et l’introspection des modes de survie. Aux photos, Anne De Gelas associe des dessins et des textes d’une incandescence rare. Vivre malgré tout, en faisant oeuvre ?
• Malala Andrialavidrazana, galerie Caroline Smulders. Née en 1971 à Madagascar, où elle a grandi avant de s’installer à l’adolescence, à Paris, Malala Andrialavidrazana est d’abord passée par la photographie documentaire. Elle a voyagé dans toute la zone de l’océan Indien avant d’entreprendre, en 2015, une série, intitulée Figures, qui reste un work in progress. Ces œuvres de grand format se présentent comme d‘étonnants collages visuels qui associent des archives du passé colonial : atlas, cartes postales, billets de banque, pochettes d’albums, timbres, drapeaux… A travers ces documents officiels dont elle brouille la symbolique et les messages en les hybridant, l’artiste chahute allègrement une histoire largement écrite du point de vue de l’Occident.
• Diana Thorneycroft, galerie Françoise Paviot. En mettant en scène des figurines issues de la culture canadienne, dans des dioramas ses prises de vue, Diana Thorneycroft semble célébrer la grandeur des paysages et des fables de son pays. Mais il faut se méfier des apparences. A bien y regarder, la violence, la catastrophe ou l’accident sont au cœur des compositions faussement élégiaques de cette artiste, qui est aussi romancière et psychanalyste. Winny l’ourson est prêt à être fusillé (Maples and Birches with Winnie and the Pooh, photo). Les igloos prennent feu. La bannière fédérale est ensanglantée. Depuis Winnipeg, où elle vit, Diana Thorneycroft, la Québécoise, opère un vrai travail de sape des mythologies du Canada.
Art Paris Art Fair, du 4 au 7 avril, Grand Palais. www.artparis.com
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