Culture
Nouvel eldorado, l’agriculture urbaine divise, récoltant tantôt l’enthousiasme, tantôt le scepticisme. Ce sont pourtant 9 milliards d’êtres humains qu’il faudra nourrir à l’horizon 2050, alors que les terres cultivables se raréfient. De Detroit, la pionnière, à Shanghai, en passant par l’Afrique subsaharienne et Paris, tour d’horizon d’initiatives amenant la campagne à la ville.
Depuis plusieurs années, les images 3D qui illustrent les concours d’architecture font la part belle aux jardins potagers, aux serres agricoles et autres halles maraîchères qui enveloppent le plus médiocre des bâtiments d’un manteau vert digne de la luxuriante Amazonie. Pour les promoteurs et les collectivités, la végétalisation à outrance est devenue un solide argument marketing, et les architectes peinent à ne pas céder à la tentation. Parfois pour le pire – quand il s’agit d’un simple décorum pour travestir la réalité –, mais aussi pour le meilleur.
L’agriculture un enjeu majeur ?
Lauréat, en septembre dernier, de la compétition internationale pour la réhabilitation de la tour Montparnasse, le projet conçu par l’équipe d’architectes Nouvelle AOM (Azzi, Chartier, Dalix, Hardel et Le Bihan) prévoit notamment de coiffer le bâtiment mal aimé d’une serre agricole de 18 mètres de haut afin de lui offrir la tête qui lui faisait défaut. Fantaisie esthétique ? Sûrement pas. La croissance effrénée à laquelle est soumis le monde contemporain pose question. Car il faudra bien nourrir 9 milliards d’individus en 2050, qui vivront à 80 % en milieu urbain, selon les prévisions.
Alors que la défiance croissante envers la chaîne alimentaire et que le besoin d’envisager d’autres modèles ne se sont jamais autant fait sentir, et parce qu’il est devenu impossible que les terres agricoles puissent suffire à nourrir la planète, tout mètre carré est bon à prendre. Aussi, faire pousser les végétaux hors-sol et en ville n’est plus considéré comme une hérésie. Cette solution se révèle d’autant plus intéressante et concrète qu’elle limite considérablement les besoins en eau et le recours aux pesticides.
Pour certains, il s’agit même d’une évidence. « L’agriculture vit une révolution urbaine sans précédent, traduisant un changement de civilisation profond, sans doute aussi conséquent que celui qui s’est produit au néolithique, explique l’ingénieur paysagiste Rémi Janin dans son ouvrage La Ville agricole (éditions Openfield, 2017). En Europe, moins de 4 % de la population vit désormais directement de l’agriculture et, à l’échelle mondiale, la population est depuis quelques années majoritairement urbaine. Plus une société est urbaine et plus elle est nécessairement agricole, au moins en termes de besoins nourriciers. Pourtant, l’agriculture et la ville restent largement séparées dans leur pensée et leur développement, alors qu’elles sont totalement liées et indissociables. L’agriculture est indéniablement urbaine, et la ville, agricole ; ces deux projets se doivent d’être assumés comme communs. »
Lire aussi
A quoi ressemblera l’architecture du futur ?