The Good Guide
La trentaine passée, il s'est enfin offert un restaurant auquel il a choisi de donner son nom. N'y voyez aucune once de vanité. Ne dit-on pas « j'ai dîné chez... » après un repas à la table d'un chef ? Justement, The Good Life s'est rendu chez Omar Dhiab, à Paris.
Ici, on dîne dans l’arrière-salle et la cuisine est en vitrine. Chez Omar Dhiab, écrin de poche de la rue Hérold astucieusement aménagé par le duo parisien Hauvette & Madani, l’humain est au cœur de l’assiette. Depuis le moment où l’on vous salue, à peine le seuil franchi, à cette feuille de vigne en tempura et ce karkadé (boisson traditionnelle égyptienne à base d’hibiscus, ndlr) que l’on vous sert au comptoir en guise de bienvenue, les petites attentions trahissent un sens aigu de l’hospitalité.
L’humain avant tout
Il faut emprunter un chemin en pente ascendante douce, le long des cuisines ouvertes, pour arriver à notre table. Omar Dhiab nous explique que, de cette façon, l’équipe en cuisine opère sur un podium inratable, même depuis la rue. « En général, la cuisine est au sous-sol ou dans une arrière-salle. Ici, l’idée était que l’équipe puisse voir et être visible » continue-t-il avant d’ajouter qu’un « bonjour » et un « merci » changent tout pour une brigade habituée aux sous-sols.
Sas rétro-futuriste, étroit couloir laqué lie de vin, puis la petite salle où se déroule le repas. Tel un trait d’union entre la scène et les coulisses — ici, difficile de trancher ce qui est quoi —, Lucas Madani, moitié du duo d’architectes, souligne que, jusque dans la décoration, la main de l’homme, son geste, devait avoir le premier plan. Ainsi, il est vrai que la laque n’est pas parfaite : c’est ce qui plait à Omar Dhiab qui avait une idée très précise du décor de son restaurant. Au même titre, les murs de la salle de réception, divisée en trois salons (deux privatisables, un plus grand), n’ont pas été peints de façon classique. Ils ont été traités selon la technique de la patine par un duo d’expertes qui ont plus d’une dizaine d’années de savoir-faire au bout des doigts.
« Je trouve que la salle du restaurant donne l’impression d’avoir toujours existé. Je n’aime pas les endroits neufs, j’aime entrer dans un lieu qui donne l’impression d’avoir toujours existé. Même s’il est tout nouveau. » – Omar Dhiab
Luxe discret chez Omar Dhiab
Il émane de ce restaurant une élégance confidentielle. Comme s’il régnait sur le numéro 23 de la rue depuis des années. Rien ne dit qu’il est un enfant des années 2022. Pas d’assiettes à partager, pas de signature déco photogénique… Tout fait sens et se complète. Jusque dans l’assiette, bien sûr, qui se dévoile en menu (2, 3 ou 5 temps le midi ; 5, 7 ou 9 le soir).
Et parlons-en, justement, de cette assiette. A la pince à épiler, nous avions vu l’un des chefs en cuisine la dresser, lors de notre arrivée. L’outil était indispensable, c’est clair, à la confection de ce tableau éphémère. Esthétiques, les plats le sont, chacun monté dans une céramique qui lui est propre, sélectionnée par le chef himself. A chaque bouchée, si l’allure se dissipe, les goûts résonnent.
Une gastronomie riche et généreuse
La cuisine d’Omar Dhiab lui vient d’une éducation exigeante : il a fait ses armes dans des institutions telles que La Serre, Le Pavillon Ledoyen et L’Abeille au Shangri-La, avant de conquérir une étoile à Loiseau Rive Gauche. Moderne et végétale, elle est aussi emprunte des saveurs du monde. Ce jour-là, donc, nous goûtions à une courgette (de la fleur à la tige) accompagnée de seiche aux aromates et d’un pistou de pistache de Sicile, suivie d’une lotte de la baie de Quiberon et son ragoût de celtus sauce Albufera (une sauce sauce émulsifiée à partir de sauce allemande, soit un consommé de volaille réduit et lié à l’aide de crème et de jaune d’œuf, ndlr). Et si l’inspiration n’a pas de frontière, les produits, eux, proviennent tous d’élevages raisonnés et de circuits courts.
Pour clore le repas, la mignardise traditionnelle se mue en gâteau de semoule à la fleur d’oranger -Madeleine de Proust du chef- servi à l’Anglaise. Un pas de côté quant aux préceptes des grandes maisons, qui aiment signer une dégustation de la plus fine des attentions, mais une touche d’authenticité de la part d’un chef qui ne renie en rien ses origines.
« Le restaurant incarne le contraste entre le milieu d’où je viens, modeste, et celui des tables étoilées, où j’ai fait mes armes en cuisine. Cela me tenait à cœur que chacun s’y sente à l’aise, peut importe son statut social. » – Omar Dhiab
Déjeuner ou dîner à la table d’Omar Dhiab revient à être reçu chez lui, nous assure-t-il. La décoration et les recettes lui viennent de son quotidien, de ses envies, de ses souvenirs. Parce que le restaurant n’offre que 30 couverts et ne propose qu’un seul service, l’expérience est privilégiée. Il faudra prendre son temps entre chaque coup de fourchette afin d’en savourer chaque moment. Et puis revenir car, si la carte n’est pas vouée à évoluer quotidiennement, chaque plat étant essayé et réajusté des dizaines de fois avant d’être validé, elle suivra naturellement le cours des saisons et de leurs trésors.
Restaurant Omar Dhiab
23 rue Hérold, 75001 Paris
Ouvert du mardi au samedi de 12h30 à 13h30 et de 19h30 à 21h
Réservations sur le site
Menus midi à partir de 39 € la formule Entrée / Plat ou Plat / Dessert
Menus du soir à partir de 98 € les 5 services.
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