Horlogerie
D’abord ébéniste, puis architecte, il est désormais céramiste. Qu’importe la matière, c’est à la ligne, au plan et à la lumière que Frédéric Bourdiec est fidèle. Des caractéristiques qui définissent les pièces minimalistes qu’il sculpte comme les immeubles brutalistes qui ponctuent sa ville, Marseille.
De la mécanique hydraulique à l’architecture
C’est parce que Frédéric Bourdiec était bon en dessin industriel que son destin a basculé un jour de l’année 2005. Après avoir entamé des études en mécanique hydraulique et pneumatique, puis bifurqué vers les métiers d’art, il est devenu ébéniste. Premier corps à corps avec la matière, le bois, et découverte du dessin. Frédéric Bourdiec décide alors, à l’âge de 22 ans, de changer d’orientation : il intègre l’école d’architecture. Il en sortira dix ans plus tard, son diplôme en poche.
Enfant des cités marseillaises, il aime les barres d’immeubles – dénigrées quasi unanimement par la profession – dans lesquelles il a grandi (et où il vit toujours). Elles lui ont forgé le caractère et le goût. D’ailleurs, ses principales sources d’inspiration ne sont pas l’unité d’habitation de Le Corbusier, mais le 10 du boulevard Michelet, un cube blanc décoré de quelques lignes verticales, orné d’un portail en fer forgé et d’une succession de fenêtres, qui est ancré dans sa mémoire, ou encore la Rouvière, un quartier chic du 9e arrondissement qui « a permis de loger un maximum de gens dans des conditions décentes, notamment les rapatriés d’Algérie ». Des édifices proches des constructions modulables et des formes simples du Hongrois Marcel Breuer ou du Finlandais Alvar Aalto, dont il revendique les influences.
Architecture céramique
Deux pionniers du modernisme également connus pour leurs meubles, luminaires et autres pièces en verre qu’Alvar Aalto considérait comme les « branches de l’arbre dont le tronc est l’architecture ». En digne héritier, Frédéric Bourdiec sculpte aussi désormais des tables, des appliques et surtout des lampes, qu’il nomme Superstructure, Superposition ou Canon à lumière, autant de noms qui évoquent les combinaisons géométriques et architecturées de ces créations.
Sa passion pour la poterie est née à travers les pièces de Georges Jouve ou de Roger Capron, figures incontournables du renouveau de la céramique des années 50, qu’il collectionne assidûment. Comme celles d’André Borderie et d’André-Aleth Masson, associés au sein du groupe baptisé Mur Vivant, qui se targuait de faire de « l’architecture céramique » – pseudo derrière lequel se cache Frédéric Bourdiec sur Instagram. C’est en observant attentivement leurs objets qu’il a appris comment tourner, estamper, émailler. « J’aime quand on peut ressentir un savoir-faire, une technique bien maîtrisée », déclare-t-il.
Lui travaille exclusivement à la plaque, assemblant des pans de terre qu’il découpe à un moment où elle est autoportante à l’aide d’un scalpel pour éviter les déchirements. « Un peu comme si je dessinais une maquette », précise-t-il. Et si la rigueur graphique des lignes et des reliefs rappelle celle de ses aînés, Frédéric Bourdiec n’a toutefois pas adopté leur appétence pour la couleur, ces rouge tomate, jaune citron, vert prairie qui ont fait leur renommée. Il préfère des tonalités plus neutres. Son unique ambition : accrocher la lumière et proposer une nouvelle façon d’éclairer.
Andrée et Michel Hirlet, célèbre couple de céramistes (et membres du collectif du Mur Vivant), déclaraient dans les années 70 : « Nous ne voulions surtout pas d’abat-jour. Il fallait donc trouver un autre moyen pour diffuser la lumière, de manière qu’elle éclaire sans être éblouissante. Pour nous, la solution passait de manière évidente par l’architecture. » Une citation que Frédéric Bourdiec semble avoir reprise à son compte, lui qui modèle des lampes telles des structures autonomes, métamorphosées par des zones d’ombre et de clarté comme le modèle réduit d’un décor théâtral de maison avec des ouvertures en plein cintre, des toits-terrasses et des escaliers.
Super Rouvière, la ville verticale
Labellisée « plus grande copropriété d’Europe », cette cité en béton est composée de plusieurs barres d’immeubles et d’une tour de 95 m de haut (l’un des édifices les plus hauts de la ville), a été construite dans les années 60-70 par l’architecte Raoul Guyot. Cet ensemble immobilier, disséminé sur 30 ha et érigé dans le quartier sud de Marseille, semble émerger de la verdure avec ses façades blanches trouées de milliers de fenêtres identiques. Immortalisée par de nombreux artistes, comme le peintre Adrian Dura ou le photographe japonais Naoya Hatakeyama, cette ville verticale (la Rouvière possède écoles, centre commercial, service administratif, etc.) est l’une des influences majeures de Frédéric Bourdiec.