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Train à grande vitesse : Chine vs Japon, l’élève dépassera-t-il le maître ?

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La Chine s’est mise au train à grande vitesse à la fin des années 2000, soit quarante ans après le Japon. Mais le pays possède aujourd’hui le plus grand réseau du monde et est prêt à tout pour exporter sa technologie. Parfois au détriment de son voisin japonais.

Les images ont tourné en boucle sur les médias d’État chinois, début décembre 2021 : un train chinois peint aux couleurs du Laos, rouge, bleu et blanc, s’est élancé depuis la capitale, Vientiane, en direction de Kunming, la capitale du Yunnan, dans le sud de la Chine, 1 035 km plus au nord.

De quoi connecter un peu mieux le Laos, pays de 7,2 millions d’habitants, sans accès direct à la mer. Pour la Chine, la ligne est la première étape d’un projet de chemin de fer ambitieux qui pourrait relier, à terme, la Chine à Singapour, en passant par le Laos, la Thaïlande et la Malaisie…

La Chine à la conquête du train à grande vitesse

L’ambition chinoise semble sans limites : le pays a déjà construit des lignes de chemin de fer jusqu’en Asie du Sud et en Europe, et construit également sur le continent africain. Avec, chaque fois, des projets largement financés par des banques chinoises. L’Export-Import Bank of China a prêté les deux tiers des 6 milliards de dollars qu’a coûté la ligne laotienne à Vientiane… soit près du tiers du PIB annuel du Laos.

Le train chinois va-t-il conquérir le monde ? Sur le marché international, la Chine, dernière puissance du train à grande vitesse, fait déjà figure de nouvel ogre, grâce à des capacités gigantesques, des coûts plus bas que ses concurrents et le soutien de l’État et des banques chinoises. De quoi faire de l’ombre à l’inventeur du train à grande vitesse, son voisin japonais, au large de Shanghai.

Si le train à grande vitesse fait figure de nouveauté en Chine, le Shinkansen fait partie du paysage japonais depuis bientôt soixante ans. Le Gaotie (littéralement « rail rapide ») lui doit d’ailleurs beaucoup, tant sur le plan des technologies que des choix stratégiques. Aujourd’hui, la Chine, qui a mis sa première ligne à grande vitesse en activité en 2008, construit plus de kilomètres de voies chaque année (3 000 km par an prévus entre 2021 et 2025) que le total du réseau japonais (2 617 km). L’élève dépassera- t-il le maître ?

Aux origines de la grande vitesse

Le Japon est le berceau de la grande vitesse mondiale, avec une conviction, dès les années 50, que le rail a encore un rôle à jouer dans la mobilité du futur. À l’époque, la démocratisation de l’avion et de l’automobile, notamment aux États-Unis, semble sonner le glas du chemin de fer. Mais le contexte est différent au Japon : en plein boom de l’après-guerre, la population augmente vite sur quelques zones urbaines ultradenses. Les lignes existantes sont à saturation, de quoi justifier des grands projets d’infrastructures.

Pari gagné pour Tokyo, avec l’inauguration en grande pompe de la nouvelle ligne principale, ou Shinkansen, juste avant les jeux Olympiques de Tokyo, en 1964. Avec une vitesse de croisière de 220 km/h, le trajet entre les deux premières villes nipponnes, Tokyo et Osaka, passait de 6 h 40 à 4 h, puis à 3 h 10 l’année suivante : une révolution pour cette zone urbaine gigantesque.

Le réseau allait bientôt s’étendre pour connecter l’essentiel de la population japonaise. « Le Japon est le pays parfait pour la grande vitesse ferroviaire : l’essentiel de la population vit dans de grandes villes que vous pouvez relier en traçant une seule ligne », explique Christopher Hood, spécialiste du Japon à l’université de Cardiff et auteur de Shinkansen : From Bullet Train to Symbol of Modern Japan (2006, non traduit).

Si la SNCF a adopté et adapté le concept du TGV en France, le Shinkansen, terme qui désigne à la fois le train et les lignes, se démarque largement de son homologue français. « La principale différence, c’est que le TGV a une locomotive à chaque bout, une qui pousse, et l’autre qui tire, tandis que le Shinkansen est équipé d’une motorisation répartie : chaque essieu, ou un sur deux, est équipé d’un moteur. De cette manière, le poids est mieux distribué, et si l’un des moteurs lâche, le train peut continuer à avancer. Ensuite, il est bien plus large : il y a cinq sièges par rang contre quatre en France, malgré un écartement des rails identique », énumère Christopher Hood.

Autre différence : parce que le réseau japonais circulait sur des rails plus fins, le Shinkansen, qui a adopté l’écartement standard (1,4 m), fonctionne sur un réseau complètement indépendant, ce qui implique des coûts importants, mais lui permet de garder une vitesse élevée plus longtemps, là où le TGV doit ralentir quand il approche des gares et passe sur le réseau ferré classique. Le Shinkansen atteint donc des vitesses moyennes supérieures.

En Chine, un train à grande vitesse largement inspiré du Shinkansen

Ces spécificités techniques, la Chine les a largement adoptées : ici aussi, les trains circulent sur des voies surélevées, grandes lignes de béton qui barrent les paysages. Ici aussi, les trains sont équipés de motorisation répartie. Et une partie des trains chinois embarquent des technologies Kawasaki. Car la Chine s’est lancée dans la course sur le tard, si tard qu’à l’époque, à la fin des années 90, elle hésite même avec la technologie du Maglev, encore plus rapide, mais plus chère à produire.

Le TGV traditionnel l’emporte, et la Chine va s’inspirer des succès de l’étranger pour inaugurer sa première ligne de train à très grande vitesse (au-delà de 250 km/h), le 1er août 2008, pour relier Pékin à Tianjin, 117 km plus à l’est, sur la côte. La date vous dit quelque chose ? Une semaine plus tard, Pékin accueillait les jeux Olympiques, signant son retour au rang des grandes puissances !

Pour être prêtes à temps, les autorités chinoises ont décidé d’acquérir de la technologie étrangère : le français Alstom, l’allemand Siemens, le canadien Bombardier et le japonais Kawasaki vendent des trains, des brevets, et multiplient les coentreprises sur le territoire chinois pour tenter d’obtenir une part de ce qui s’annonce comme un gigantesque gâteau. Le marché est sans égal : le réseau à grande vitesse chinois a atteint 40 000 km début janvier 2022, dont la moitié a été construite ces cinq dernières années. D’ici à 2025, il devrait atteindre 50 000 km, d’après le plan quinquennal actuel, et 70 000 km d’ici à 2035. À titre de comparaison, le réseau français à grande vitesse ne dépasse pas les 2 800 km !

À l’assaut du marché mondial

Après avoir absorbé des technologies étrangères avec son modèle Harmonie, la Chine a développé son propre modèle de train rapide à partir de 2012. Son nom est un symbole : Renaissance, en référence au projet cher au dirigeant chinois, Xi Jinping, de « renaissance de la nation chinoise ». Les Chinois peuvent désormais déposer des brevets qui leur permettront d’exporter leur savoir-faire : la vente de trains et la construction de lignes.

Une quinzaine d’années après avoir collaboré avec les leaders mondiaux du rail, les Chinois se lancent à l’assaut du marché international, avec une offre souvent moins chère. Pour Pékin, vendre des trains est une manière d’étendre un réseau d’influence, tout en garantissant une voie pour ses exportations. Car les contrats de construction de lignes de chemin de fer et de matériel roulant répondent à des impératifs à la fois techniques et géostratégiques – a fortiori pour des lignes à grande vitesse plus rares, car chères à construire.

En Chine la folie du train à grande vitesse - The Good Life

Ainsi, le Shinkansen a été adopté par Taïwan, proche politiquement du Japon, et en proie à des tremblements de terre réguliers, comme le Japon. Plus récemment, l’Inde, pays courtisé par le Japon et hostile à la Chine, a également signé pour la construction d’un Shinkansen. Mais, depuis dix ans, la Chine s’impose comme un acteur majeur sur les marchés internationaux, en proposant une technologie meilleur marché et des offres de financement. De quoi remporter un contrat pour la première ligne à grande vitesse indonésienne, en 2015, face au Japon. Depuis, le Japon a toutefois obtenu un contrat pour l’amélioration d’une ligne plus longue dans le pays, preuve que certains savent faire jouer la concurrence entre les deux puissances asiatiques.

Autre succès pour la diplomatie chinoise du rail, la Thaïlande a signé un contrat avec la Chine, en 2014, pour la construction d’une ligne à grande vitesse entre Bangkok et la ville de Nakhon Ratchasima, à 250 km au nord-est. À terme, espère la Chine, la ligne pourrait rejoindre Vientiane, la capitale du Laos, 600 km plus au nord, déjà connectée à la Chine grâce à la ligne inaugurée fin 2021. De quoi réaliser, à petits pas, le rêve d’une Asie du Sud-Est connectée à Pékin par des trains chinois, reflétant l’influence grandissante de la Chine dans la région.


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