The Good Business
Fondé par Luca Pronzato en 2019, le collectif We are ONA ouvre aux quatre coins du monde des restaurants éphémères dirigés par des chefs internationaux. Contraint par la pandémie à se réinventer, We are ONA propose également des expériences à domicile.
Ils sont coréens, italiens, danois, japonais, américains, turcs ou français et nourrissent tous un même désir : celui de s’affranchir des codes des restaurants, le temps d’un dîner ou d’une saison. À l’origine de We are ONA, Luca Pronzato propose à ces jeunes chefs, sommeliers, serveurs et producteurs d’intégrer son collectif.
Né à Paris, en 1991, le sommelier baigne dans la gastronomie depuis l’enfance, ses parents tenant une épicerie fine, le Mille Pâtes, près du Louvre. « Ils ont été des pionniers de la slow food et ont toujours défendu la proximité avec les producteurs », se souvient Luca. En parallèle de ses études de gestion à La Sorbonne, il dirige le bar à vins Chez Alfred (aujourd’hui Verjus) dans le 1er arrondissement de Paris.
« À l’étage, il y avait un restaurant gastronomique. Le sommelier m’a énormément appris. Ensuite, je suis allé en Champagne, sur le domaine d’Anselme Selosse, pour apprendre la vinification : ça m’a ouvert les portes du monde du vin vivant. » Une expérience qu’il renouvelle plus tard, en Allemagne, puis en Nouvelle-Zélande, avant d’être sélectionné par l’organisation internationale de la vigne et du vin pour faire un tour de monde pendant onze mois.
La découverte de la viticulture dans une trentaine de pays lui donne le goût du voyage, mais aussi celui du défi. « À mon retour, j’avais très envie de travailler dans un restaurant étoilé. J’ai notamment écrit au Noma, à Copenhague, qui m’a répondu tout de suite et embauché comme sommelier. » Il y reste trois ans, et lorsque l’établissement mythique s’installe en résidence au Mexique, Luca est fasciné : « C’était un projet ambitieux, on changeait à la fois de climat et d’environnement de travail ; j’ai adoré l’expérience. »
3 bouteilles de vin naturel conseillées par Luca Pronzato
1. Sylvère Trichard. Type : Séléné. Prix : 14 €. Fondé en 2012 par Sylvère Trichard, le domaine Séléné est certifié en agriculture biologique. Sur les terres de son grand-père, à Blacé, le jeune vigneron suit également les principes de la biodynamie. Luca Pronzato aime particulièrement son beaujolais nouveau gourmand et velouté, dont le nouveau millésime a été dévoilé fin novembre.
2. Kévin Bouillet. Type : Pépin Blanc. Prix : 22 €. Dans le Jura, à Pupillin, le viticulteur Kévin Bouillet cultive des cépages traditionnels sans intrant chimique. C’est son chardonnay, Pépin Blanc, que le fondateur de We are ONA recommande pour l’hiver.
3. Guillaume Selosse. Type : Largillier. Prix : 348 €. C’est dans ce domaine du village de Ville-sur-Arce que Luca Pronzato a appris les rouages de la vinification. Il a donc un attachement particulier à ce champagne produit en quantité confidentielle et qui révèle tout le caractère d’un terroir d’argile et de calcaire.
Du Noma, il retient donc son caractère nomade, mais regrette le manque d’horizontalité entre les différents métiers. « J’avais envie d’un concept dans lequel les serveurs et les sommeliers ont aussi la possibilité de s’exprimer. » Ainsi naît We are ONA – ona signifie « vague », en catalan –, dont le principe consiste à imaginer des restaurants éphémères mêlant décor, saveurs et design, tout en formant une communauté de chefs internationaux.
Pour intégrer le collectif, tous doivent partager une même sensibilité, respecter les produits et cultiver leur créativité. « L’idée est de lier différentes cultures gastronomiques et de mettre l’accent sur un lieu et sur la qualité du terroir, sans tomber dans la routine. » Avec son équipe composée de sept personnes, le fondateur commence toujours par choisir une localisation avant de sélectionner les chefs résidents et les artisans. En avril 2019, c’est sur la plage portugaise de Costa da Caparica qu’il inaugure un premier pop-up gastronomique.
Le redémarrage post-Covid de We are ONA
Au cours des six mois qui suivent, plus d’une vingtaine de chefs résidents – parmi lesquels les Parisiens Romain Tischenko, Luis Andrade et Crislaine Medina – se succèdent aux fourneaux. La mer est à l’honneur, comme en témoignent les assiettes de cabillaud confit, de palourdes à l’ail et de moules marinées.
S’ensuit une expérience à Zermatt, en Suisse, une autre à Lisbonne, puis à Bâle, dans un ancien réservoir d’eau dépourvu de cuisine et d’électricité, avant d’atterrir, pendant quinze jours, dans un appartement parisien, en septembre 2019.
« Les chefs s’adaptent à la localisation, mais peuvent s’exprimer pleinement. On fixe simplement une structure ensemble, comme le nombre de plats ou le thème. » Cette belle énergie aurait pu s’évaporer quand, en mars 2020, un sixième pop-up devant se tenir à Mexico est annulé en raison de la pandémie. « Je suis amoureux de mon métier, mais j’envisageais d’hiberner pendant quelques mois. Ma compagne, Clara, m’a conseillé, au contraire, de travailler avec les chefs et les producteurs. »
We are ONA a la force de se réinventer en proposant des paniers remplis d’ingrédients sélectionnés par des artisans et des agriculteurs, livrés chez les clients. Durant les mois qui suivent, les chefs Nadia Sammut, Ella Aflalo et Sarah Mainguy, parmi une dizaine d’autres, inventent des menus en trois plats à reproduire chez soi. Puis, en février dernier, le routard culinaire lance « ONA at home », une communauté de chefs à domicile à Paris, Lyon, Bordeaux et Marseille.
Le choix des destinations We are ONA
Chacune des six destinations explorées jusqu’à présent a été mûrement étudiée. Pour Luca Pronzato, un pop-up doit toujours se tenir dans un lieu populaire, hors des sentiers battus et dans une région du monde où la gastronomie occupe une place de choix. Créative et ancrée dans son époque, la cuisine défendue par le collectif s’adresse, lors des pop-up, au public le plus large possible grâce à des prix accessibles, afin que l’expérience soit universelle. Après le Portugal, la Suisse et la France, We are ONA a donc posé ses valises en Turquie, un pays aux cultures plurielles et où les produits de la mer sont souvent au menu, bien que de nombreuses spécialités soient végétariennes. Le Mexique, dont la gastronomie est reconnue par l’Unesco en tant que patrimoine culturel immatériel de l’humanité, devrait également être le théâtre de festins réjouissants. Et après ? Le collectif pourrait se laisser aussi séduire par le Pérou, ainsi que par l’Asie, en s’installant au Japon, en Corée, ou en Chine, qui sait…
En plus de la dégustation d’une cuisine gastronomique à demeure, les hôtes voient leur table parée d’argenterie, de fleurs et de bougies pour une expérience totale. Depuis la réouverture des frontières, Luca Pronzato renoue avec le plaisir des restaurants éphémères. Cet été, c’est sur la plage d’Anhinga, en Turquie, qu’il a posé ses valises.
Mené par Nicolau Pla Gomez et une équipe de chefs turcs talentueux, l’établissement servait du poisson cuit au barbecue et du lahmacun (pizza turque) cuisiné au four traditionnel. Outre les concerts organisés, des œuvres de la galerie d’art contemporain stambouliote The Pill étaient également exposées au bord de la mer Égée. Enfin, Luca, l’infatigable globetrotter, a pu ouvrir son pop-up à Mexico, le 15 septembre, lequel a été suivi, mi-novembre, par une table éphémère à Puerto Mazunte, dans la région de Oaxaca. Et à voir l’enthousiasme qui anime Luca Pronzato, We are ONA n’a pas fini de nous emballer.
Les pop-up culinaires ont le vent en poupe
Pendant longtemps, les pop-up ont été une façon pour les jeunes chefs de faire leurs armes avant d’intégrer un restaurant de manière permanente. Aujourd’hui, ils sont plutôt l’occasion de s’exprimer sans contrainte. Pas étonnant alors de voir fleurir de plus en plus de collectifs itinérants dans le monde entier. Depuis 2005, le critique gastronomique Andrea Petrini organise régulièrement des événements planétaires avec le collectif Gelinaz!, qu’il a fondé. Le principe est simple : des dizaines de chefs venus de pays différents échangent leurs cuisines et leur appartement le temps d’un dîner. Un jeu de chaises musicales dont le succès est incontestable, de Lima à Gand, en passant par Los Angeles. Il est également de plus en plus courant que des chefs installés délocalisent leur restaurant pendant quelques semaines. À l’instar du Danois René Redzepi, qui, entre 2015 et 2017, a transporté les cuisines du Noma à Tokyo, Sydney et Tulum, parvenant à prévendre toutes les places quelques minutes après leur mise en ligne. De même, cet été, Mauro Colagreco a lancé, pour la première fois, une résidence de trois mois à Singapour. L’occasion pour le chef du Mirazur, élu meilleur restaurant du monde, de se frotter à un autre terroir et d’esquisser une carte en accord avec le calendrier lunaire.
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