The Good Business
Après avoir été le premier joaillier à indiquer la provenance de ses diamants, Tiffany devient une maison pionnière du luxe durable. En totale transparence, elle détaille désormais, pour chacune de ses pierres serties, toutes les étapes que celles-ci ont parcourues pour passer de leur état brut à celui de diamant facetté.
C’est un engagement historique. Le grand joaillier américain Tiffany casse avec la culture du secret. Désormais, pour chaque bague, choker, sautoir… auxquels on succombera, on connaîtra le parcours suivi par les diamants qui les magnifient, depuis la mine où ils ont été extraits jusqu’à l’iconique boîte bleu turquoise qui protègent leur éclat. Et cela, pour toute pierre à partir de 0,18 carat.
Ce n’est pas la première fois que Tiffany & Co. rompt avec les usages de la joaillerie. En 2019, cette maison new-yorkaise emblématique de la 5e Avenue avait été le premier joaillier à indiquer la provenance de ses diamants. Cet engagement s’inscrivait dans le prolongement du processus de Kimberley, mais n’en découlait pas.
Si l’extraction des pierres n’a pas toujours été irréprochable, si sa filière a longtemps été opaque, la rencontre entre les pays producteurs et les sociétés minières a permis, en 2002, de mettre en place une certification qui garantit l’achat de diamants auprès de sources respectueuses des conditions de travail et de l’environnement dans chaque pays producteur.
Tiffany & Co. l’avait devancé
Dès 1995, elle s’est opposée à l’ouverture d’une mine d’or qui menaçait l’équilibre écologique du parc de Yellowstone. Elle a aussi toujours refusé d’acheter des diamants dans les pays qui ne respectaient pas les droits de l’homme, comme le Zimbabwe, l’Angola et la Birmanie.
« Nous avons eu très tôt conscience que nos clients méritaient de savoir que chaque diamant Tiffany a été acquis dans le respect des standards de traçabilité les plus stricts qui soient, en matière d’origine, mais aussi de responsabilité sociale et environnementale. Je suis persuadée que l’industrie joaillière peut être une source positive pour le développement social et économique des communautés minières », déclarait alors Anisa Kamadoli Costa, chief sustainability officer de Tiffany & Co. et présidente de la fondation Tiffany & Co.
Un engagement d’influence
Début octobre, Cartier et le groupe Kering ont annoncé la création du Watch & Jewellery Initiative 2030. Il s’agit de rassembler, avec l’aide du Responsible Jewellery Council, toutes les maisons d’horlogerie et de joaillerie du monde pour entamer un parcours collectif afin que le secteur ait un rôle bénéfique sur la planète et les populations. « Parce que notre secteur s’appuie sur des ressources précieuses de la planète et sur un savoir‑faire humain dans le monde entier, il nous est devenu plus impérieux que jamais d’agir ensemble pour créer un impact positif », avait alors déclaré Cyrille Vigneron, P‑DG de Cartier. L’un des objectifs sera d’utiliser 100 % d’énergie renouvelable dans toutes les opérations de joaillerie d’ici à 2025.
Aujourd’hui, le joaillier va encore plus loin et confirme sa place de leader en matière de transparence. « La traçabilité complète des diamants fait partie intégrante de notre stratégie d’entreprise. Ce niveau absolument unique est rendu possible par plus de vingt ans d’investissements dans notre modèle de savoir-faire et de sécurité, ce qui fait de Tiffany & Co. une société pionnière en matière de luxe durable », commente‑t-elle. Ce qui est une attente majeure des nouvelles générations…
Dès lors, que l’on choisisse une parure Tiffany à Paris ou à New York, on connaîtra non seulement la mine où ses diamants ont été extraits, mais le lieu où chaque pierre brute a été taillée et polie, puis montée en bijou. Si l’on achète, par exemple, une bague sertie de dix diamants, on connaîtra le parcours de chacun.
À savoir : Tiffany & Co. se fournit principalement auprès de cinq producteurs dont les mines sont en Australie, au Botswana, au Canada, en Namibie, en Russie et en Afrique du Sud. Une fois extraites, les pierres brutes sont acheminées jusqu’à Anvers où elles sont enregistrées et où les diamantaires leur dessinent une forme qui leur est unique.
3 questions à Mina El Hadraoui
Directrice France du Natural Diamond Council.
Qu’est‑ce que le Natural Diamond Council ? C’est, depuis quinze mois, le prolongement du Diamond Producers Association. Notre mission consiste à présenter toutes les actions de l’industrie minière en matière de développement social et durable ainsi qu’à accompagner les entreprises et les détaillants du secteur. Nos membres fondateurs sont les sept producteurs qui représentent 75 % de l’extraction mondiale, soit De Beers, Petra, Rio Tinto, Alrosa, Debswana, Lucara et Gem Diamonds.
Concrètement, quelles sont ces actions ? Savez-vous que le salaire dans nos mines est de 66 % supérieur au revenu national moyen ? 82 % de la valeur des pierres reste dans le pays d’origine. Au Botswana, la scolarité a été rendue obligatoire grâce aux retombées économiques locales des mines. Au Zimbabwe, un partenariat a été établi pour l’entretien des routes, l’électrification des centres de santé et des écoles, la construction de ponts. En Afrique du Sud, un programme finance le développement des petites entreprises ; 40 % d’entre elles sont dirigées par des femmes.
Et en France ? Il s’agit de mieux faire connaître le diamant naturel et son histoire, notamment auprès des nouvelles générations. Une étude récente montre que 60 % des couples signent leur engagement par un diamant. Ils veulent en acheter et doivent pouvoir faire la part entre un vrai diamant et un faux, entre un diamant naturel et un diamant de synthèse.
Elles sont ensuite taillées et polies dans les ateliers que Tiffany possède à l’île Maurice, au Botswana, au Viêtnam, au Cambodge et en Belgique, avant d’être montées en bijou aux États-Unis.
Work in progress, cette prestigieuse entreprise devenue modèle dans le monde entier ne compte pas en rester là. Sa feuille de route est toujours plus ambitieuse. « Parce que les standards de leadership en développement durable ne cessent de s’élever, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers, poursuit Anisa Kamadoli Costa. Il est essentiel pour nous d’avoir un impact positif sur la planète. »
D’ici à 2025, cette société désormais propriété du groupe LVMH atteindra 100 % de traçabilité pour ses diamants, mais aussi pour l’or, l’argent et le platine. Elle se devra aussi d’être la maison joaillière la plus inclusive. Un modèle à suivre comme pour la campagne About Love, dans laquelle l’influente Beyoncé, accompagnée de son mari Jay-Z, est la première personnalité de couleur à porter le fameux Tiffany Diamond…
L’engagement de Tiffany
• 1999 : incite les États‑Unis à participer au processus de Kimberley.
• 2000 : création de la fondation Tiffany & Co.
• 2002 : création de la Laurelton Diamonds Inc., filiale chargée de l’approvisionnement mondial en diamants tracés.
• 2003 : boycott de la Birmanie, qui bafoue les droits de l’homme.
• 2004 : cesse l’utilisation du corail pour préserver les fonds marins.
• 2005 : premier joaillier à adhérer à No Dirty Gold, programme qui défend les conditions sociales dans l’extraction aurifère.
• 2006 : équipe deux de ses sites du New Jersey en énergie solaire.
• 2009 : s’oppose à l’ouverture d’une mine (Pebble Mine) en Alaska.
• 2011 : adhère au Pacte mondial des Nations unies pour le développement durable.
• 2015 : s’engage à ne plus émettre de gaz à effet serre d’ici à 2050.
• 2017 : lancement de la collection Save The Wild pour la protection des animaux. Les bénéfices sont reversés au Wildlife Conservation Network.
• 2018 : membre fondateur de l’IRMA, qui publie les normes d’une exploitation minière responsable.
• 2021 : effectue ses premiers achats en or Fairmined.
Lire aussi
L’Ecole des arts joailliers, l’initiation à l’excellence
Van Cleef & Arpels : haute… magie !