The Good Business
Georges Kern se fixe l’objectif – très ambitieux – d’inscrire Breitling parmi les trois plus grandes marques de montres au monde. Pour cela, il s’engage aux côtés d’ambassadeurs célèbres, comme Brad Pitt, et de ses employés pour développer un luxe plus durable. Rencontre avec le patron visionnaire de la marque légendaire suisse.
L’horloger de Granges, en Suisse, a beaucoup évolué ces dernières années. Breitling a notamment changé de président, construit une nouvelle politique commerciale et lancé de nouveaux modèles. Mais la griffe a aussi retravaillé son image basée dorénavant sur l’idée d’un luxe décontracté et s’appuyant sur de produits à l’esprit moderne-rétro. Ces mutations ont permis de supporter plus aisément les soubresauts de l’année 2020. La manufacture Breitling est restée très active. Elle a même réussi le petit exploit de gagner des parts de marché durant cette période agitée. En Chine notamment, où la marque est encore récente, les ventes ont progressé de 90 %. Pour l’avenir, son président allemand, Georges Kern, se montre plein d’optimisme…
Interview de Georges Kern, PDG de Breitling, par The Good Life :
The Good Life : Pouvez-vous définir le nouvel esprit Breitling ?
Georges Kern : Nous avons mis en place une politique basée sur le « moderne‑rétro ». Elle correspond à merveille à l’identité et à l’histoire de Breitling et aussi à l’état d’esprit actuel de consommateurs qui souhaitent se déconnecter d’un monde parfois trop numérique et immatériel. Ils sont en quête de valeurs authentiques et tangibles. Ils sont un peu nostalgiques d’un temps où les choses étaient à la fois plus simples et plus concrètes. In fine, ils se reconnaissent naturellement dans nos montres à la fois vintage et modernes. Breitling propose aussi bien une réédition quasi à l’identique de la Navitimer, son modèle vedette, que de la Chronomat contemporaine, inspirée du passé et revisitée. Ces nouveaux codes se retrouvent également dans les partenariats que nous tissons avec la griffe de vêtements Deus Ex Machina ou la marque de motos Triumph Motorcycles, deux collaborations qui cultivent une certaine liberté et un goût pour les objets nés dans le passé, mais qui restent d’actualité. Cet état d’esprit est symbolique de l’atmosphère de nos boutiques. Breitling, c’est une expérience à vivre.
TGL : Breitling, aujourd’hui, c’est un luxe plus décontracté ? plus cool ?
Georges Kern :« Cool » est le fil rouge de notre identité actuelle, de notre caractère distinctif. Notre ambassadeur Brad Pitt illustre parfaitement cette élégance décontractée. L’acteur fait partie de notre « Cinema Squad ». Notre politique de communication s’appuie sur des équipes (squads, en anglais) de trois personnalités – hommes et femmes d’âges différents – expertes dans leur domaine. Notre « Surfer Squad » est aussi très représentative de notre philosophie.
TGL : Quels sont vos nouveaux objectifs ?
Georges Kern : Nous visons un luxe inclusif et libéré des dogmes habituels. Nous nous inscrivons également dans une vision globale durable et respectueuse de l’environnement. Notre engagement écologique amorcé depuis quelques années a permis à l’enseigne de se rapprocher des gens. Nous sommes perçus comme une marque qui véhicule l’idée d’un luxe différent, plus pérenne, plus ouvert, loin des tapis rouges, des dorures et des soirées endimanchées.
TGL : Et la tradition dans tout cela ?
Georges Kern : Il ne faut pas craindre les classiques. Ce qui est bon reste bon. Des produits iconiques, on en trouve aussi bien dans la mode que dans l’automobile ou la musique. Chez nous, les chronographes d’aviation font partie de notre essence. Ils représentent encore 10 à 15 % de notre chiffre d’affaires. Ce pourcentage nous convient parfaitement. La Navitimer, créée il y a soixante-neuf ans, demeure notre best-seller. Ce garde-temps est un objet culte, destiné aux passionnés d’aéronautique… ou non.
TGL : Quels sont vos atouts ?
Georges Kern : Nous sommes des généralistes. C’est un avantage non négligeable. Notre gamme est abondante et variée. Le catalogue s’étend des montres professionnelles à module électronique, jusqu’aux pièces traditionnelles rondes ultraclassiques. Si l’on esquisse une comparaison avec l’automobile, nous proposons des berlines, des SUV, des coupés ou des cabriolets. Le prix moyen d’une montre, chez Breitling, oscille entre 5 000 et 10 000 francs suisses.
TGL : Où êtes-vous bien implanté ?
Georges Kern : Breitling a beaucoup amélioré sa présence et sa notoriété à l’international. Nos marchés principaux sont l’Europe (Angleterre, Allemagne et France), les États-Unis, le Japon et la Corée. Nous connaissons une forte croissance en Chine, sur un marché que nous ne développons « que » depuis trois ans. La Chine représente 50 % des ventes mondiales du luxe et seulement 15 à 20 % de notre chiffre d’affaires. Notre potentiel est donc très grand. À moyen terme, nous devrions tripler, voire quadrupler nos ventes sur place.
TGL : Concernant la distribution, êtes-vous plutôt magasins en propre ou détaillants ?
Georges Kern : Pour nous, les deux solutions sont indissociables. Nous disposons aujourd’hui de plus de 1 500 points de vente et de 100 boutiques Breitling, dont 30 en propre. Certaines boutiques Breitling sont gérées par nos détaillants. Cela témoigne de la qualité de notre relation. En France, la marque renforce sa présence. Nous avons ouvert des enseignes à Lyon, Metz, Strasbourg. Cannes et Nice devraient suivre. Nos efforts récents ont aussi concerné le commerce en ligne, dont la part est passée de 4 à 11 % du chiffre d’affaires en 2020. À terme, nous visons un rythme de croisière autour de 15-20 %. Mais Internet ne remplacera jamais les ventes en boutique. L’horlogerie est un produit qu’il faut tester, porter, toucher.
TGL : Comment envisagez-vous le futur de Breitling ?
Georges Kern : Notre objectif est d’inscrire Breitling parmi les trois plus grandes marques de garde-temps au monde. C’est ambitieux et il reste pas mal de tâches à accomplir. Nous devons, notamment, renforcer le segment femmes, et revisiter certaines familles. Enfin, nous nous engageons, aux côtés de nos ambassadeurs et de nos employés, à développer un luxe durable. C’est notre vision du luxe et cela rejaillit sur nos clients.
Breitling en chiffres
• 1884 : naissance, il y a 137 ans.
• 1952 : naissance de la Navitimer, la vedette maison.
• 2017 : rachat par CVC Capital Partners (fonds d’investissement), pour 870 M de CHF.
• 2020 : Classé 11e horloger suisse (15e en 2017).
• CA : 479 M de CHF.
• Part de la Chine : de 15 à 20 %
(en progression de 90 %).
• Montres écoulées en 2020 : 147 900.
• Nombre d’employés : 800, dont 400 en Suisse.
• Prix moyen : 5 000 à 10 000 CHF.
• La collection SuperOcean représente 40 % du CA.
• 1 500 points de vente dans
le monde.
• 100 boutiques Breilting monomarque, dont 30 en propre.
• Part des ventes en ligne : 11 % du CA.
Le parcours de Georges Kern
• 1965 : naissance à Düsseldorf.
• 1989-1992 : responsable de marque chez Kraft Jacobs Suchard (agroalimentaire), à Neuchâtel.
• 1992-2000 : responsable marketing, puis directeur des ventes de TAG Heuer.
• 2000 : participe pour le groupe Richemont à l’intégration des marques A. Lange & Söhne, Jaeger-LeCoultre et IWC Schaffhausen.
• 2002 : dirige IWC Schaffhausen. À 36 ans, il est le plus jeune PDG de marque de Richemont.
• 2017 : responsable de toutes les marques horlogères du groupe Richemont, puis directeur général et actionnaire de Breitling.
• Engagement en faveur de la jeunesse : membre du conseil d’administration de la fondation Laurens Sport for Good qui aide les jeunes en difficulté grâce au sport.
• Cinéma : produit Mon chien Stupide, film avec Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg, sorti en 2019.
Lire aussi
Montres : Breitling Navitimer Pan Am Edition, bienvenue à bord !