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Un jeune label parisien a décidé de s’affranchir des stocks, des soldes et des invendus. Fondé par les patrons de Cuisse de Grenouille, forlife ne propose que des produits en précommande.
Ajouter au panier, payer, recevoir ses achats dans sa boîte aux lettres quelques jours plus tard. Un schéma classique du e-commerce que forlife vient bouleverser avec un concept intrigant : commandez aujourd’hui, recevez dans 2 ou 3… mois ! A l’heure de la fast fashion et des achats compulsifs, ce contrepied séduit pourtant de plus en plus d’hommes – forlife ne propose que des pièces de vestiaire masculin. La très jeune marque, lancée en 2018, compte 12 000 clients, dont un quart a déjà commandé plus de trois fois, et son chiffre d’affaires est passé de 500 000 € en 2019 à 2 500 000 € prévus cette année.
L’histoire de forlife débute en 2018.
Séverin et Lucas Bonnichon, à la tête du label de mode masculine Cuisse de Grenouille, rencontrent un spécialiste du cuir basé en Inde qui leur propose des vestes fabriquées par des artisans locaux. Sous le charme, ils savent qu’ils devront la proposer à plus de 600 € pour gagner de l’argent malgré les intermédiaires, qu’elle finira certainement soldée, dévalorisant ainsi le travail du fabricant, et qu’ils se retrouveront, par-dessus le marché, avec des invendus sur les bras.
Alors les jeunes patrons décident de créer une nouvelle marque, forlife, afin de proposer la veste en précommande sur la plateforme de financement participatif Kickstarter. Et ça marche ! Ils vendent plus de 500 pièces, validant ainsi leur concept. Un site est alors lancé en avril 2019. Un tee-shirt, un sweatshirt, une autre veste en cuir, des chaussures et des pulls se succèdent toujours selon le même principe : le produit est proposé à la vente pendant un mois, puis forlife passe commande à ses fournisseurs et le client reçoit sa commande plusieurs semaines plus tard.
Pourquoi attendre aussi longtemps, pour des pièces basiques ? Parce que c’est écolo et que la tendance est à la slow fashion, parce que c’est moins cher (pas d’intermédiaire, pas d’invendus à compenser, pas de stock et une marge réduite… tout est détaillé pour chaque produit sur le site) pour des produits de qualité.
Une boutique… qui n’est pas une boutique
Ainsi, en ce moment, forlife propose un pantalon en laine mérinos tissée par Vitale Barberis Canonico et fabriqué au Portugal à 99 € (89 € pour les 100 premières commandes). La marque estime qu’il serait vendu 180 € dans le commerce « classique ». Forcément, ça vaut le coup d’attendre et, alors qu’il reste plus d’un mois avant la fin de la vente et que la livraison est prévue pour début novembre, forlife a déjà reçu près de 300 précommandes.
Alors que l’idée peut paraître saugrenue, forlife vient d’inaugurer sa première boutique physique. On vient les mains vides, on repart les mains vides. Située au 14 rue Froissart (Paris 3e), elle sert en réalité de galerie pour exposer les pièces actuellement en précommande, celles qui arrivent et celles qu’on a loupé mais qui vont revenir. On essaye, on choisit, on précommande, on paye. On peut également récupérer ses commandes, réparer ses vêtements et acheter de quoi les entretenir. Forlife compte également y organiser des ateliers réparation et personnalisation.
C’est ici que The Good Life a rencontré les frères Bonnichon, entre une chemise et un sweatshirt exposés comme des tableaux.
3 questions à Séverin et Lucas Bonnichon, créateurs de forlife :
The Good Life : Quelle est la durée du développement d’une pièce avant de la proposer en précommande ?
Séverin Bonnichon : Ça dépend du produit. Pour la chemise, par exemple, ça a été assez fluide grâce à l’expérience acquise avec Cuisse de Grenouille. Mais pour d’autres pièces, même très simples comme le tee-shirt, cela a pris plus d’un an pour sélectionner la bonne épaisseur de col, le bon type de couture, la longueur de la manche…
Lucas Bonnichon : On réalise beaucoup de prototypes et on ne propose pas la pièce tant qu’on ne la trouve pas parfaite. Il y a plein de produits en développement dans nos bureaux sur lesquels on travaille depuis très longtemps, comme le jean pour lequel on a déjà reçu une douzaine de « protos » différents… Notre fabricant n’en peut plus mais il doit répondre à tous nos critères, c’est comme ça !
TGL : Pensez-vous, pour certains best-sellers comme la chemise ou le tee-shirt, préparer quelques stocks en fonction des ventes précédentes, ou allez-vous conserver votre concept jusqu’au bout ?
S.B. : On ne dérogera pas à la règle de notre concept, mais cela nous arrive parfois de prolonger une vente si la pièce proposée est un succès. Mais ça reste de la précommande. Le stock, c’est vraiment un problème. Nous sommes soulagés d’avoir réussi à le supprimer. On ne va donc pas retomber dans ce vice. Pour les gens qui ratent une vente ou découvrent la marque après cette vente, on prévoit des « ventes flash » sur les retours, mais ça part dans la journée… Il faut être inscrit et au taquet ! L’objectif est d’atteindre le rythme d’une pièce par semaine, contre deux par mois en moyenne aujourd’hui.
TGL : Quelles sont vos objectifs à court/moyen terme ?
S.B. : Continuer le développement de nouveaux produits. Le casse-tête, c’est le jean : il faut qu’il soit premium, mais aussi responsable, donc que sa fabrication consomme le moins d’eau possible et que toile ne fasse pas trop de route, donc pas de tissu japonais… forlife doit également améliorer l’expérience client, qu’il soit plus fluide. La précommande est un processus nouveau. Certains achètent sur le site pour le prix et la qualité, puis appellent au bout d’une semaine car ils ne comprennent pas pourquoi ils n’ont pas encore reçu le produit. Il faut faire connaître notre concept « win win win » : une marge saine pour nous, du travail pour les fabricants, et surtout un bon produit à un bon prix pour vous, mais, en contrepartie, un délai plus long que la moyenne pour le recevoir.
L.B. : Nous allons également nous servir de la boutique pour accueillir des événements, faire parler de nous, organiser des ateliers pour faire ses ourlets, réparer ses vêtements, broder ses pièces pour les personnaliser… et même la création en live d’œuvres d’art sur des skateboards qui étaient dans la boutique quand on a repris le fonds de commerce !
forlife paris
14 Rue Froissart, Paris 3e.
forlife-paris.com
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