Horlogerie
De Superdupont à Astérix en passant par Adèle Blanc-Sec, de Claire Bretécher à Joann Sfar, focus sur les stars de la BD en France.
• Un superhéros : Superdupont. Oubliez Superman, préférez Superdupont ! Béret, charentaises et ceinture de flanelle : avouez que le gaillard a de l’allure. Créé dans Pilote en 1972 par Marcel Gotlib et Jean Solé, Superdupont a ensuite migré vers Fluide glacial, où il a été repris par divers dessinateurs. Anecdote amusante : l’un d’eux fut le célèbre Neal Adams, dessinateur américain de superhéros comme Batman et… Superman.
• Une superhéroïne : Barbarella. Imaginée en 1962 dans V Magazine par Jean-Claude Forest, publiée en album deux ans plus tard par Éric Losfeld, l’éditeur des surréalistes, incarnée par Jane Fonda en 1968 dans un film de Roger Vadim, Barbarella a dû affronter les affres de la censure, qui n’appréciait ni sa liberté de mœurs ni sa tendance à se dénuder. En 1971, Forest mettra en scène une Barbarella vieillissante dans Mystérieuse, matin, midi et soir, une histoire librement adaptée de Jules Verne et parue dans Pif Gadget.
• Un héros : Astérix. Conçu en 1959 par René Goscinny (scénario) et Albert Uderzo (dessin), ce Gaulois moustachu est l’incarnation du Français râleur, querelleur et irréductible, mais fidèle en amitié. Grande vedette de l’hebdo Pilote, il connut un succès qui contribua largement à donner une légitimité à la BD et à rendre acceptable sa lecture par les adultes.
• Des bad boys : Les Pieds nickelés. Croquignol (l’homme au monocle), Ribouldingue (le barbu) et Filochard (l’homme au bandeau) doivent leur surnom à une pièce de Tristan Bernard. Ces 3 escrocs à la petite semaine terminent toujours leurs aventures dans la panade et à court d’oseille. Ils peuvent se consoler en se disant que leur surnom est passé à la postérité…
• Une héroïne : Adèle Blanc-Sec. Créée par Tardi en 1976, Adèle Blanc-Sec écrit des romans populaires, partage son appartement avec une authentique momie (qu’elle traite avec affection de « vieille peau ») et vit des aventures extraordinaires dans le Paris de la Belle Époque. Adèle est féministe, vaguement anarchiste, et elle a très mauvais caractère… C’est aussi pour ça qu’on l’aime, non ?
• Un bolide : la Vaillante. Que celui qui n’a jamais rêvé de piloter une Vaillante nous jette la première bielle… Ah, ces « Vrroom » et ces « Vroaaw », quel régal pour les oreilles ! Difficile de choisir entre les modèles inventés par Jean Graton (qui vient, hélas, de nous quitter). La « Le Mans » fera l’affaire : c’est elle qui gagne les 24 Heures dans Le Grand Défi, première histoire de la série, publiée en 1958 dans Tintin.
• Un animal : la coccinelle. Dans Rubrique-à-brac, qui fit les beaux jours de Pilote, Marcel Gotlib avait introduit de nombreux animaux. L’un d’eux est devenu l’emblème de son univers, au même titre qu’Isaac Newton : la coccinelle, qui se nichait dans un coin de la planche pour commenter, apporter son grain de sel ou… s’efforcer de ressembler à une girafe !
• Une phrase célèbre : « Ils sont fous, ces Romains ! » Cette réplique fétiche d’Obélix fait partie du langage courant. Nous dirions même plus : celle d’Iznogoud (« Je veux être calife à la place du calife ! ») appartient, elle aussi, au vocabulaire quotidien. Au fait, une réplique bien connue, issue de la BD belge, s’est dissimulée dans ces lignes : saurez-vous la découvrir ?
• Un magazine : Pilote. « Mâtin, quel journal ! », s’exclamait l’un des slogans de cet hebdomadaire, né en 1959 et disparu en 1989. Autoproclamé, à une époque, « le journal qui s’amuse à réfléchir », Pilote a bel et bien réfléchi l’évolution de la bande dessinée vers un moyen d’expression débarrassé des contraintes de la BD pour enfants, sous l’impulsion de son corédacteur en chef, René Goscinny, qui ne cherchait pas à coller aux goûts de son lectorat mais à les devancer pour mieux l’éclairer.
• Une maison d’édition : L’Association. Née en 1990, L’Association entendait s’affranchir des contraintes de la BD traditionnelle comme la série, le héros récurrent et le format classique des albums de 48 pages couleur (le « 48 CC », selon Jean-Christophe Menu, l’un des auteurs-fondateurs). « L’Asso » a ouvert la voie à un renouvellement en profondeur de la bande dessinée et révélé toute une génération, de Trondheim à Sfar en passant par Marjane Satrapi (Persepolis).
• Un dessinateur : Moebius. Après être devenu une star de la BD réaliste classique sous son véritable nom grâce à Blueberry, héros mal rasé et défenseur des Indiens, Jean Giraud (alias Gir) s’est mis à vivre une deuxième vie sous le pseudonyme de Moebius pour coucher sur le papier son imaginaire ensorcelant. De La Déviation au Garage hermétique et d’Arzak à Edena, bienvenue dans les mondes intérieurs du dessinateur le plus doué et le plus génial de la BD française.
• Un éditeur : Jean-Pierre Dionnet. Fondateur de la maison d’édition Les Humanoïdes associés et créateur de Métal hurlant en 1975 avec Moebius, Druillet et Farkas. Ce magazine de science-fiction, surnommé « La machine à rêver » révolutionne la bande dessinée, invente la BD rock et influence le cinéma : George Miller (Mad Max) et Ridley Scott (Blade Runner) lui doivent beaucoup. Éditeur, explorateur, rédacteur en chef et défricheur, Dionnet est aussi scénariste, notamment pour Bilal (Exterminateur 17).
• Une femme : Claire Bretécher. La bande dessinée n’est pas seulement une histoire d’hommes, non mais ! Des Angoisses de cellulite aux Frustrés et Agrippine, ado pénible, Claire Bretécher, observatrice implacable de nos petits (et grands) travers, a porté son regard drôle et grinçant sur la société française – Roland Barthes l’a qualifiée de « sociologue de l’année » –, tout en pratiquant l’autodérision et en réinventant le langage dans Agrippine.
• Une star : Joann Sfar. Scénariste, dessinateur, romancier, réalisateur de films et de dessins animés… Joann Sfar, à qui l’on doit une bonne centaine d’albums de bande dessinée, est sans conteste la star de la profession. Devenu célèbre grâce au Chat du rabbin, il est le représentant le plus en vue de cette nouvelle génération d’auteurs de BD apparue dans les années 90. Outre sa saga du Chat du rabbin, on peut lire Professeur Bell, Pascin ou Le Minuscule Mousquetaire (liste non exhaustive).
• Un festival : Angoulême. Lancé en 1974 sur le modèle du festival de Lucques, en Italie, le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême (baptisé Salon à son origine) est la principale manifestation française consacrée à la BD. Loin d’être une simple foire aux dédicaces, il a su se renouveler et propose diverses animations originales, comme les concerts de dessins. Il récompense chaque année un auteur pour l’ensemble de son œuvre et décerne le Fauve du meilleur album.