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Les horlogers français sont en plein essor. Un renouveau qui doit s’accompagner d’une ouverture sur le monde pour asseoir son développement. Fondateurs et CEO racontent comment ils ont réussi à franchir nos frontières.
Certains rendez-vous structurent l’existence des êtres humains : le baccalauréat, le permis de conduire ou quitter le nid familial. Les entreprises ont aussi leur lot de ces rendez-vous. L’internationalisation de leurs ventes en est un particulièrement important. Depuis quelques années, on assiste à l’éclosion d’une multitude de jeunes horlogers français, grâce notamment aux plates-formes de financement participatif.
Une poignée d’autres sont là depuis plus longtemps, à l’image de Cartier, bien sûr – même si la maison est, depuis, passée sous pavillon suisse –, Michel Herbelin, lancée en 1947, ou Bell & Ross, créée dans les années 90. Pour autant, l’économie comme la nature ne sont pas toujours tendres. Les jeunes pousses ne se transforment pas toutes en grosses branches solides. Pour les enseignes qui dépassent le stade du surgeon, l’internationalisation représente un cap. L’atteindre, c’est entrer dans une autre dimension.
Comment s’y prendre ?
De nombreuses maisons font confiance à des revendeurs multimarques, qui s’appuient sur des réseaux de détaillants, bijoutiers-horlogers pour la plupart, ou concept-stores pour les marques les plus fashion. Quelques-unes s’associent à un distributeur qui s’occupe de vendre un stock préacheté.
« Notre marge est moins élevée dans ce cas, mais les montres sont écoulées à l’avance. C’est confortable, explique Brice Jaunet, fondateur de Briston Watches. Un bon professionnel au fait du marché, ça vaut de l’or. » Quand Fabrice Pougez, fondateur de Matwatches, nuance : « Il faut être très prudent sur le choix de la personne avec laquelle on signe, parce qu’ensuite on est engagé pour quatre ans. »
Dernier échelon du développement, les boutiques monomarques permettent de maîtriser sa distribution et son image. « Elles sont le reflet du style, de l’image d’une marque », rappelle Maxime Herbelin, directeur marketing de Michel Herbelin. Mais au-delà du coût parfois très élevé, cela suppose une vraie prise de risques… Longtemps, les grandes foires et salons horlogers ont servi de tremplin pour rencontrer des distributeurs, des agents ou d’éventuels partenaires. Baselworld, le plus important de tous, a ainsi joué un rôle primordial dans le développement de March LA.B, de Bell & Ross ou encore de Réservoir.
« Sur place, on croisait la presse, les distributeurs du monde entier. C’était génial ! se souvient Nicolas Boutherin, de Klokers. Pour peu que le produit soit séduisant, les agents arrivaient tout seuls. »
Las, le Covid 19 semble avoir accéléré leur déclin. Nul ne sait ce que vont devenir ces grands rendez-vous. Les manufactures horlogères doivent trouver de nouveaux canaux pour rencontrer leurs partenaires…
L’Asie, eldorado des horlogers français
Aujourd’hui, la Chine – et plus globalement l’Asie – fait figure d’éden pour les enseignes horlogères. « Le danger, c’est de devenir sinodépendant, met en garde Alain Marhic, cofondateur de March LA.B. Si la Chine attrape un coup de froid, tout peut s’effondrer… » Les canaux de distribution y sont très différents, reposent moins sur les boutiques physiques. Il existe peu de détaillants indépendants multimarques et le marché online est largement prépondérant.
Enfin, le rôle des réseaux sociaux y est particulièrement puissant. Ce qui ne facilite pas la tâche. Hong Kong et la Corée du Sud constituent également des marchés importants, même si, sur place, une bonne part des montres est en réalité achetée par des touristes chinois. Quant au Japon, il demeure un eldorado pour les marques connotées mode. L’avant-garde nippone est toujours à la recherche de produits plus fashion – et français, notamment.
Plus près de nous, le poids de l’Europe du Nord augmente. La Suisse ? Michel Herbelin fait une croix dessus : trop concurrentielle ! Les États-Unis ? La culture horlogère y est ancienne, ils présentent un énorme potentiel, mais pour s’y faire connaître et percer, il faut engager de très gros moyens. Tous nos interlocuteurs rappellent donc l’importance de la clientèle locale. Un enjeu encore mis en lumière par l’épidémie de Covid. L’export reste un tremplin, mais gare à l’effet boomerang !
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