Horlogerie
Jusque-là patron d’Hamilton, autre marque du tentaculaire Swatch Group, Sylvain Dolla est depuis le 1er juillet dernier le nouveau directeur général de Tissot. Ce souriant quadragénaire, maniant volontiers l’humour, a plusieurs chantiers à mener, à commencer par le lancement de la nouvelle T-Touch Connect Solar, première montre connectée et solaire du groupe. Rencontre avec un Français naturalisé helvète qui ne semble craindre ni Apple ni personne !
The Good Life : Où en est Tissot aujourd’hui, en France ?
Sylvain Dolla : Ces trois dernières années, le chiffre d’affaires de la marque s’est situé au-dessus du milliard de francs suisses. Bien sûr, 2020 est une année particulière… On ne va certainement pas battre des records. Mais la clientèle locale répond présent. En France, depuis la fin du premier confinement, la situation s’est nettement améliorée. Nous avons connu des chiffres positifs à partir du déconfinement, même si les points de vente fortement touristiques, comme les aéroports, ont particulièrement souffert. Le contexte était globalement bon, jusqu’à l’annonce du second confinement. Dans le reste du monde, cela se passe bien dans l’ensemble. La Chine, qui est notre marché numéro un, redémarre très fort. Et, pour Tissot, quand la Chine va… tout va. Viennent ensuite les Etats-Unis et la Suisse, puis les poids lourds européens : France, Allemagne et Angleterre. Depuis quelques années, Tissot connaît aussi un grand succès en Russie, pays où l’enseigne est présente depuis longtemps. Nous y avons ouvert récemment deux très beaux points de vente, un à Moscou et un à Saint-Pétersbourg.
TGL : Quelle est votre place au sein du Swatch Group ?
S. D. : Les différentes marques du groupe ont des positionnements bien définis. Tissot fabrique des produits abordables entre 300 et 1 000 euros, avec un panier moyen proche de 500 euros. L’enseigne se classe juste derrière Hamilton (600 à 2 000 euros) et Longines, un peu au-dessus. En taille, nous arrivons juste derrière Omega et Longines. L’an passé, nous avons produit près de 4 millions de montres, ce qui fait de nous le premier producteur suisse. Nos ventes se répartissent entre 52 % de montres à quartz et 48 % de montres mécaniques.
TGL : Comment se déploie votre gamme ?
S. D. : En Suisse, notre enseigne est une institution. Tous les Helvètes connaissent Tissot. La gamme couvre un très large spectre. Elle propose aussi bien des garde-temps de poche que des montres connectées, mécaniques, en or ou à quartz, pour homme comme pour femme. La montre dame est un réservoir de croissance important. Ce secteur représente actuellement 30 % du volume, mais doit progresser.
« Tous les Helvètes connaissent Tissot »
TGL : La T-Touch Connect Solar est-elle une smartwatch de plus ?
S. D. : Chez Tissot, nous luttons contre l’obsolescence programmée. Pour autant, l’innovation fait aussi partie de notre ADN. Notre slogan, « Innovators by Tradition », est parfaitement adapté à la T-Touch Connect Solar. Ce modèle hybride, entre horlogerie et montre connectée, a plusieurs atouts : son autonomie, son esthétique, sa durabilité. Contrairement aux produits high-tech, smartwatches ou autres, il ne demande a être rechargé qu’une fois par an, et encore, seulement s’il est utilisé de manière intensive. Nous avons développé un système d’exploitation basse consommation en Suisse qui se recharge, en partie, grâce à des cellules photovoltaïques elles-mêmes élaborées dans la région.
TGL : Comment faites-vous rimer rentabilité et Swiss Made ?
S. D. : Notre logo intègre une croix suisse. Autant dire que le Swiss Made est particulièrement important pour nous. Pour le client, ce label est synonyme de qualité, de précision, de durabilité et de service après-vente efficace. Il n’y a aucune volonté de notre part de partir en Asie. Pour ce qui est de la montre connectée, tout est conçu et développé en Suisse, y compris le système d’exploitation de notre T-Touch Connect Solar. Sur place, nous nous appuyons sur le puissant outil industriel du Swatch Group. La fabrication de la T-Touch Connect Solar ressemble à une petite balade au cœur du paysage helvétique. Au Locle, nous produisons la glace ; à La Chaux-de-Fonds, les aiguilles ; à Neuchâtel, l’intelligence de la montre ; dans le canton de Neuchâtel, les composants électroniques et le module d’affichage ; à Grange, le boîtier et la couronne électronique ; en Suisse alémanique, la batterie et, enfin, l’assemblage est effectué dans le Tessin. Le secret de Tissot, c’est le volume, qui nous permet de vendre la T-Touch Connect Solar autour de 1 000 euros. C’est un peu plus cher que les montres connectées asiatiques, mais la nôtre propose une plus grande autonomie et promet une durabilité supérieure, mais avant tout, elle reste une montre horlogère suisse.
TGL : Quel impact a la pandémie sur vos activités ?
S. D. : Dans le contexte actuel, il est bon d’être un groupe international. Tous les pays ne sont pas impactés de la même manière. Certains vont bien. Du coup, nous nous appuyons sur eux. Aujourd’hui, Tissot emploie 300 personnes en Suisse (hors fabrication) et un millier dans le monde. En 2020, nous continuons à investir. Nous allons même recruter plusieurs nouveaux salariés, notamment en e-commerce. Nous disposons de 200 boutiques en propre dans le monde. La pandémie a constitué un accélérateur pour l’e-commerce qui est en forte hausse. Nous développons, bien entendu, ce domaine. Pour l’avenir, je suis très confiant. La demande est là. Les gens ont besoin de se faire plaisir !