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La marque de mode française Fusalp, née à Annecy en 1952, a tutoyé les sommets avec ses vêtements de ski « couture », avant de connaître une chute de tension. Rachetée en 2013, boostée, elle s’est lancée dans une fusion réussie entre les Alpes et nos modes de vie citadins et contemporains.
Il fallait être un peu visionnaire pour racheter une marque de vêtements de ski en plein réchauffement climatique ! Une marque certes française, certes historique – puisque née en 1952 -, certes emblématique – elle a inventé la première combinaison de ski en 1966 -, mais une marque qui avait peu à peu dévissé depuis son dépôt de bilan en 1984. Reprise, déprise, Fusalp (contraction de « Fu- seau des Alpes») avait fini par tomber dans les oubliettes de la mode d’où l’a sortie un trio d’investisseurs venus du monde du… tennis. C’est Alexandre Fauvet qui, après de longues années passées chez la marque au crocodile, a convaincu le frère et la sœur Philippe et Sophie Lacoste de se lancer dans l’aventure.
« Ils cherchaient à investir dans un domaine de connaissance, c’est-à- dire une marque de sport, textile, avec un esprit patrimonial. Fusalp tombait à pic. Nous avons repris la totalité de l’entreprise il y a sept ans. Philippe Lacoste en est le président et j’en suis le directeur général. » Mathilde, l’épouse de Philippe Lacoste, prend quant à elle la direction artistique en 2015, jonglant entre la technicité du vêtement de ski et la French touch mode côté coupe. La tentation de fusionner sport et ville a toujours titillé les fondateurs de la marque, les tailleurs Georges Ribola et René Veyrat. Avant-gardistes, ils avaient même imaginé en 1970 tirer un prêt-à-porter à partir du vêtement de ski.
Dès le départ, ce duo mise aussi sur des astuces réadaptées au sport comme les smocks (ces fronces brodées à la mode sur les robes) en guise de coupe-vent et pour donner de l’aisance à une pièce montagnarde à une époque où le Stretch n’existe pas encore. On le retrouve d’ailleurs en clin d’œil sur la veste Montana « smockée » exhibée sur les pistes il y a deux ans par Emmanuel Macron. Ils avaient ensuite adopté les premiers Nylon Stretch Dupont de Nemours créés pour l’armée.
« Le sport met la technicité en avant alors que la mode a souvent un temps de retard sur les révolutions techniques textiles ou les matières écologiques et recyclées. Ne parlons pas des tissus dits intelligents comme ceux qui permettent la thermorégulation. Or, le principe premier d’un vêtement est de protéger le corps, d’accompagner le mouvement et de lui apporter un grand confort. Notre idée est vraiment de réinventer un vestiaire en adéquation avec nos manières de vivre », explique Alexandre Fauvet.
Cette intuition fait aujourd’hui le bonheur des urbains en deux-roues, parmi les premiers à adopter ce vestiaire hybride, facile à vivre et protecteur. Aujourd’hui, la société compte 160 collaborateurs, dont 68 à Annecy, et six filiales de distribution à l’étranger. Forte d’un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros (en 2020), la marque couvre désormais 22 pays grâce à un réseau de 50 boutiques, dont 12 à Paris et, plus surprenant, à Marseille, Nice, Deauville et Aix-en-Provence. La boutique de Biarritz, voisine d’Hermès, s’affiche comme l’un des points de vente les plus performants.
A l’étranger, Fusalp cartonne en Scandinavie, où le marché du ski alpin est aussi dynamique que concurrentiel. En Suisse, six points de vente sont implantés dans les plus belles stations de sports d’hiver, dont Gstaad. Quant à la boutique londonienne, inaugurée l’an passé, elle vient de dépasser ses objectifs en seulement quatre mois selon le directeur général, et ce malgré les restrictions dues au Covid-19. L’entreprise prévoit maintenant de mettre la pression en Chine avec trois boutiques, dont la dernière sera inaugurée à Pékin en vue des 24e jeux Olympiques d’hiver de 2022. « C’est un marché en développement assez dynamique, car les Chinois découvrent les joies de la neige. En fait, on espère que la Chine sera le marché du futur, comme le Japon a pu l’être à une époque », analyse Alexandre Fauvet.
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Soutien des futurs champions
Le succès est réel, comme en témoigne la récente embauche de 25 personnes. Le chemin parcouru doit beaucoup à l’existant au moment de la reprise par Philippe et Sophie Lacoste : notamment l’atelier d’Annecy, qui employait encore 30 personnes et qui est devenu un atelier de prototypage. Ce savoir-faire intact s’ajoute à la mémoire vive d’Ingrid Büchner, styliste de Fusalp dans les années 60, dont les souvenirs alimentent les collections actuelles. Ou ces champions, anciens ambassadeurs multimédaillés sur les plus beaux podiums d’épreuves de ski du monde, devenus une mine d’informations : Léo Lacroix, Marielle Goitschel, Guy Périllat ou encore Jean-Claude Killy ont prêté au Fusalp d’aujourd’hui leurs fameuses combis mises au point dans des souffleries… automobiles !
Aujourd’hui, les ambassadeurs s’appellent Claudia Riegler-Dénériaz et Antoine Dénériaz. Ils sont les mentors du programme Jeunes Talents qui accompagne les athlètes et les espoirs du ski – Marie Bochet, athlète la plus titrée de l’histoire des jeux Paralympiques, les prometteurs Mathieu Faivre et Sacha Theocharis, ainsi que le bébé champion norvégien de ski alpin Kaspar Kindem, qui porte toujours la veste Fusalp… de son grand-père !
Des matières toujours plus innovantes
Dans l’univers du ski, les matières demeurent le nerf de la guerre. Fusalp utilise, par exemple, le maïs ou le duvet en garnissage, ainsi que le softshell. Epais et contrecollé, doux au toucher, Stretch, un rien caoutchouteux, il sert à la fabrication des pantalons fuseaux. De même, les laines imperméables et respirantes mises au point avec les fournisseurs et dopées par des membranes Perfortex (développées en interne) sont testées dans des colonnes d’eau pour établir leur niveau de résistance. Alexandre Fauvet a équipé l’entreprise d’un laboratoire d’ingénierie textile (cinq ingénieurs) chargé d’innover dans le domaine alpin.
« Nous venons de déposer un brevet technique qui reprend l’esprit du double vitrage sous forme de plusieurs matériaux associés entre eux, toujours plus fins et performants. La légèreté est très difficile à obtenir. Nous devons industrialiser ce procédé mais ça prend du temps. » En attendant, on patiente avec la douillette veste Whistler ouatée de fausse fourrure moelleuse et chaude, détournée des pistes par les motards !
Autre best-seller, la veste Spectre, dont la membrane de protection légère en tissu Stretch offre le moins d’épaisseur possible pour permettre à l’air (chaud) de circuler. Pour ceux qui grelotteraient toujours, on pioche du côté de la Hockley Futur avec son petit radiateur interne actionné grâce à une batterie munie d’un simple bouton. Un zest onéreux, les produits Fusalp sont vraiment bien conçus, séduisants et ne sont pas du genre jetables. Mieux vaut s’y préparer : dans l’armoire, ils fêteront un jour leurs 30 ans !
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