Culture
Réalisateur, auteur, compositeur, interprète, Yoann Lemoine aka Woodkid nous fait l'honneur d'inaugurer les sélections musicales de The Good Life pour l'année 2021 avec une playlist éclectique, entre pop et musique contemporaine, à son image.
Sept ans après son dernier album, The Golden Age, Woodkid est revenu en octobre dernier avec S16, un deuxième opus épique, dans lequel cet artiste hybride entre pop et musique contemporaine élargit son horizon en saupoudrant ses chansons d’amour de pincées de doutes, de contestation, d’autocritique et d’un zeste de cynisme. Aux Goliath, Pale Yellow et In Your Likeness, du pur Woodkid sombre et vibrant, on trouve des pépites expérimentales notamment Shift et, notre morceau préféré, Reactor, un hymne mystique au refrain en japonais. A l’occasion de la sortie de S16, The Good Life a rencontré (via webcam…) Woodkid et lui a demandé une playlist à son image, idéale pour accueillir 2021 dans les meilleures conditions.
6 questions à Yoann Lemoine alias Woodkid :
The Good Life : Quelle est l’histoire derrière S16, sorti 7 ans après votre premier album ?
Woodkid : Cet album a été conçu de manière très fragmentée. J’ai commencé en 2016 avec des sessions de studio à Paris, puis j’ai posé mes affaires à Los Angeles, au Château Marmont et à Berlin au Michelberger Hotel, un repaire de musiciens, avant de faire certaines voix en Islande. Enfin, nous avons tout assemblé à Paris dans mon studio du 10e arrondissement. S16 est né et a été finalisé en France.
The Good Life : Et qu’est-ce qu’il dit sur vous ?
Woodkid : Il parle du doute, de la beauté qu’il y a à douter et se remettre en question, à se réinventer, à accepter une certaine forme de noirceur et la beauté de l’introspection, du pardon.
TGL : S16, c’est le symbole chimique du soufre. France Culture parle d’un album « porté par une nouvelle conscience politique »…
W. : Cet album, c’est l’éveil de ma conscience politique. Des chansons d’amour, oui, mais qui abordent des thèmes plus larges. Quand Ken Loach parle d’un couple ou d’une famille, il les utilisent pour mettre en lumière des drames sociaux. J’ai voulu utiliser l’amour pour aborder les sujets communautaires, les puissances industrielles, l’écologie, la surconsommation, l’urgence… Une urgence parfois très superficielle, bipolaire. Parler de la folie consumériste du monde sur Instagram, c’est le signe d’une certaine schizophrénie… Je pense que le vrai sujet n’est pas réellement la surconsommation mais cette incapacité à aligner ses actes avec ses désirs, ça va plus loin qu’un hypothétique « Big Brother » ou des grands méchants GAFA. Moi le premier… Si on me demande de ne plus utiliser les réseaux sociaux ou modérer ma consommation de produits et de contenus, je serais troublé.
TGL : Reactor, avec son refrain en japonais, est l’un de nos morceaux favoris…
W. : C’est un morceau très expérimental, une expérience, une forme étrange, un test. Il est métaphysique et utilise les champs lexicaux de la dystopie et de la science-fiction, mais reste très « amoureux ». Reactor est issu d’un mélange de plusieurs influences, de choses qui me bouleversent, de la musique minimaliste américaine des années 70 à la science-fiction adolescente japonaise. La culture nippone infuse du beau, même dans le dramatique, même après Fukushima, on a vu des images sublimes, c’est impressionnant. C’est aussi l’époque qui est à l’esthétisation du drame… Si les images des feux en Californie n’avaient pas été aussi belles et si proches de la fiction, est-ce qu’on en aurait parlé autant ?
TGL : Quel est le thème de la playlist que vous avez imaginé pour les goodlifers ?
W. : Ce sont mes inspirations, mes humeurs. Je suis un expert en grand écart, je peux aussi bien apprécier Drake ou Lady Gaga qu’Alvin Singleton. Je n’écoute pas pour les mêmes raisons et au même moment mais je n’aime pas l’idée de la segmentation entre ce qui est « intellectuel » et ce qui est « pop ». Je suis considéré comme le snob des popeux et l’imposteur des intellectuels (rires), donc j’aime bien cette idée d’aller emprunter à droite à gauche pour trouver mon territoire au milieu.
TGL : Quelles sont vos voeux pour 2021 ?
W. : Une année apaisée. Je ne suis pas utopiste et naïf sur la crise générale qui s’annonce, mais ce serait génial d’offrir un peu de répit aux gens… L’espoir est plus beau quand il émerge d’une masse sombre et plombante. Nous avons des concerts de prévus et l’on peut espérer commencer une tournée au printemps pour partager cet album en se raccrochant aux festivals. J’ai hâte de transformer S16, m’amuser avec, faire comprendre mes intentions plus clairement.
La playlist de Woodkid pour The Good Life :
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