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Depuis son arrivée aux commandes de Breitling, Georges Kern a mené les transformations de la marque suisse à un rythme accéléré : réinterprétation des collections, métamorphose des boutiques, nouveaux ambassadeurs et, surtout, utilisation d’un mot clé : « cool ».
Certaines manufactures horlogères mettent en avant leur ancienneté et leur attachement aux traditions. D’autres soulignent leur goût pour l’innovation, leur maîtrise technique ou bien leur créativité esthétique. Arrivé à la tête des montres Breitling fin 2017 après être passé par TAG Heuer et IWC, Georges Kern n’a bien entendu rien contre ces territoires de communication. Mais, selon lui, c’est un autre état d’esprit qui s’est naturellement imposé pour la marque, celui de la « cool attitude », des mots et une image compréhensibles partout dans le monde.
Ce choix, Georges Kern l’explique simplement : « Breitling figure dans un segment compris entre 3 500 et 10 000 euros, très occupé par des marques plutôt conservatrices. Au-delà de notre stratégie reposant sur les trois segments air, terre et mer, j’ai estimé qu’il était nécessaire de nous différencier dans l’expression de nos montres. Je voulais quelque chose de plus informel, de beaucoup plus relax. Alors, en arrivant chez Breitling, j’ai observé quantité de photos sur Internet, à la recherche d’images pouvant correspondre à cette idée. Je les ai montrées à mes équipes et je leur ai dit : “Voilà ce que j’aimerais que la marque soit.” Pas de tennis, pas de golf, mais du surf, de la moto, des squads d’ambassadeurs et des partenariats liés à ces univers. »
Il cite, à titre d’exemples, Kelly Slater, dieu vivant de la planète surf, et la marque Norton, dont un modèle trône à l’entrée de la boutique parisienne, rue de la Paix. « Tout est parti d’un moodboard, conclut le président. C’était intuitif, relax. Nous avons agi à l’instinct et nous avons eu raison. » Breitling est donc cool. Mais pas seulement. Le design de ses montres s’inscrit dans un esprit moderne-rétro.
Un vent de fraîcheur pour les montres Breitling
« Tous nos modèles ont un ancrage dans le passé, mais affichent une certaine modernité », estime Georges Kern, qui évoque le style des montres Breitling Navitimer B01 Airline Edition Pan Am, TWA et Swissair, ou celui de l’Aviator 8 Mosquito, dévoilée fin 2019. « C’est cela, ma définition du style “moderne-rétro”, qui s’applique à la fois aux montres, aux boutiques, à notre communication et à nos partenariats. Je dissocie “vintage” et “rétro”. Je ne pense pas qu’une Mosquito, une Avenger ou une moto Norton soient vieilles. Et même si certaines de nos réponses peuvent être jugées traditionnelles, elles ne sont pas vieillottes. Au départ, nous avons dû faire face à un certain scepticisme, mais aujourd’hui notre projet est concret, visible et il fonctionne. Depuis le lancement de la nouvelle Superocean, l’année dernière, les ventes de cette collection ont doublé. La réédition de la Navitimer 806 est épuisée, et la version 38 mm pour femme fonctionne très bien également. Je considère que Breitling fait souffler un vent de fraîcheur. »
En prononçant ces mots, sans doute Georges Kern songe-t-il tout spécialement à Kelly Slater, qui a intégré la Surfer Squad de Breitling aux côtés des Australiennes Stephanie Gilmore et Sally Fitzgibbons. Tous trois se sont engagés dans un combat pour la conservation des océans et des plages. Au sein de la maison horlogère, on explique que cette idée de « squads » consiste à créer des équipes de trois personnes dont les membres sont tous des maîtres incontestés dans leurs professions respectives.
On trouve ainsi une Cinema Squad, dans laquelle figurent Brad Pitt, Charlize Theron et Adam Driver, une Explorer Squad, emmenée par le Suisse Bertrand Piccard, et une Aviation Pioneer Squad, réunissant l’astronaute américain Scott Kelly, la pilote de chasse espagnole Rocío González Torres et le pilote de drone anglais Luke Bannister.
Une démarche verte
Du côté des ambassadeurs français, on trouve l’acteur Guillaume Canet et le champion de surf Jérémy Florès, classé dans le top 10 mondial. « Kelly Slater a toujours été extrêmement sollicité par le monde de l’horlogerie, mais il ne s’était jamais engagé jusque-là, car il avait besoin de ressentir cette volonté commune d’agir pour la planète. Sa démarche écologique transparaît notamment à travers la marque de vêtements écoresponsable Outerknown qu’il a cofondée. Ensemble, nous avons travaillé en particulier à la création d’un bracelet recyclé et durable. »
C’est ainsi que Breitling a présenté des bracelets de montres fabriqués en Econyl, un fil de Nylon recyclé obtenu à partir de fragments de filets de pêche récupérés en mer. Chaque année, 650 000 tonnes de filets de pêche en matières synthétiques sont perdues dans les océans. Pour l’entreprise italienne Aquafil, qui produit plus d’une centaine de tonnes d’Econyl par an, le plus compliqué et le plus coûteux est de récupérer ces déchets et de les transporter jusqu’à l’usine.
« Les difficultés logistiques expliquent le prix élevé des produits obtenus à partir du recyclage, explique Georges Kern. Nos bracelets, vendus 120 ou 130 euros nous coûtent 120 ou 130 euros. Mais ces bracelets ont un avantage : une fois arrivés en fin de vie, ils pourront être recyclés à leur tour chez Aquafil, qui les transformera, par exemple, en tee-shirts, selon un schéma d’écologie circulaire. Dans dix ans, je suis convaincu que les clients voudront tout savoir en temps réel des produits qu’ils achètent, grâce aux chaînes de blocs. Je ne peux pas refaire le monde et faire disparaître les bouteilles en plastique, mais nous pouvons parler à 200 000 clients et les informer. Ces personnes ont elles-mêmes le pouvoir de jouer un effet de levier sur la société. C’est notre contribution. »
Les codes esthétiques distinctifs des montres Breitling
Réfléchissant déjà à d’autres matériaux écologiques, Breitling continue de se réinventer et fait évoluer, tour à tour, ses principales collections. « La marque n’était plus lisible, souligne Georges Kern. Devant une vitrine, on ne comprenait plus grand-chose tant certaines montres de différentes familles se ressemblaient. Nous avons commencé par établir une segmentation claire, par thème – air, terre, mer –, et en matière de design, avec des codes esthétiques distinctifs par collection. La nouvelle Chronomat que nous avons dévoilée est très différente de l’Avenger. »
Dans sa démarche de réinterprétation de modèles emblématiques ou de création de nouvelles pièces, Georges Kern dispose d’une méthode précise et d’un atout majeur. La méthode, c’est de s’interdire de mixer les styles des différentes décennies. « Nous voulons rester authentiques en valorisant chaque période pour l’inspiration qu’elle porte », précise-t-il.
Quant à l’atout, il s’agit de Fred Mandelbaum, un collectionneur à la tête d’une fabuleuse collection de montres Breitling. « Il en possède des milliers, assure Georges Kern. Quand je suis allé le voir, il y en avait deux cents ou trois cents sur son bureau. J’ai été absolument stupéfait. Et j’ai compris avec encore plus d’acuité que Breitling dispose de l’un des plus vastes et des plus beaux catalogues horlogers. Fred Mandelbaum est une véritable encyclopédie vivante, il sait tout sur la marque ! Sa collection va être pour nous à la fois une source d’inspiration et un garant de crédibilité. J’ai des idées pour vingt ans… » De quoi, assurément, satisfaire les inconditionnels des montres Breitling.
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