The Good Business
En 13 ans d'existence, Neo Legend s'est imposé comme l'acteur majeur du rétrogaming – le jeu vidéo vintage – en France. Rencontre avec Raphaël Birn, co-fondateur.
Les années 80 sont partout : la mode, la musique, les séries… Le jeu vidéo n’est pas épargné par cette vague vintage. Le rétrogaming, qui consiste à revivre l’âge d’or du jeu vidéo, a le vent en poupe. Consoles et cartouches d’époque se vendent à prix d’or sur le net. Certains acteurs, comme Nintendo, ressortent même leurs vieilles consoles du placard. Une édition miniature de la NES sortie en 2016 s’est écoulée à près de 200 000 exemplaires, devançant certaines consoles du XXIe siècle.
Une entreprise française avait tout vu avant tout le monde. En 2007, trois passionnés de jeu vidéo lancent Neo Legend : une entreprise de restauration de vieilles bornes d’arcade. Sept ans plus tard, Raphaël Birn et Robin Mimoun, les deux co-fondateurs encore en place, décident de se consacrer à la fabrication de bornes plutôt qu’à la restauration, toujours en suivant les codes des années 80. Un virage serré, que les deux patrons négocient avec succès. Aujourd’hui, Neo Legend propose 6 modèles différents, personnalisables et fabriqués en France, dans les ateliers de la marque à Saint-Denis (93). Outre sur le site internet, leurs bornes d’arcade trônent au Bon Marché, BHV Marais et au Publicis Drugstore, entre autres.
Aussi, Neo Legend enchaîne les collaborations prestigieuses. Certaines coulent de source, notamment avec Kavinsky, DJ à l’univers marqué par les années 80, d’autres sont plus surprenantes, à l’image d’un modèle Pocket finition dorée, réalisé avec… Saint Laurent ! Le rétrogaming sort des salons des amateurs de pop culture rétro pour entrer dans une nouvelle ère, celle du nostalgique-chic.
5 questions à Raphaël Birn, co-fondateur de Neo Legend :
The Good Life : Quels sont les plus grands défis lorsque l’on passe de la restauration à la création ?
Raphaël Birn : Concernant le design, le plus difficile a été de redessiner des pièces avec des lignes et des détails modernisés tout en gardant l’ADN rétro caractéristique de l’objet. L’objectif était de concevoir une borne aux finitions haut de gamme en restant le plus fidèle possible à cet esprit vintage. Une fois ce défi relevé, il nous a semblé important de créer un modèle que chacun pourrait customiser et décorer selon ses goûts et ses envies, et pourrait servir de base de travail aux artistes avec lesquels nous collaborons. Concernant la technique, il a fallu réadapter entièrement l’électronique – écran, interface, hardware, connectivité, la comptabilité avec les consoles nouvelle génération, son – pour y intégrer des composants haute qualité et actuels.
TGL : Vous dites respecter les codes et l’authenticité des consoles rétro. Qu’est-ce que cela signifie ? Quels sont ces codes ?
R.B. : Le plus important est de ne pas dénaturer la borne d’arcade et de respecter les éléments qui constituent son ADN : le design et l’expérience de jeu. La borne se doit d’offrir un contrôle instantané et rapide, et c’est possible grâce aux joysticks et boutons japonais dont les références sont les mêmes que celles utilisées sur les modèles d’il y a 30 ans. Côté design, on joue sur les proportions, les motifs, ou encore l’adaptation de pièces issues de bornes d’époque remises au goût du jour. Il faut que chacun puisse trouver la borne parfaite pour son intérieur, que sa déco soit arty pop ou plus raffinée. Autre point très important, la borne doit rester fidèle à l’atmosphère ainsi qu’à l’univers des jeux d’époque.
TGL : Les gamers, notamment lorsqu’ils aiment le rétrogaming, sont très attachés à l’original… Que répondez-vous si l’on vous accuse de sacrilège ?
R.B. : Il est vrai qu’au début certains puristes nous reprochaient de modifier « leurs » consoles ». A ceci nous avons répondu que notre but n’était pas de modifier leur expérience rétro. Au contraire, notre but était de la rendre meilleure, plus simple et plus accessible ! Aujourd’hui, nos clients recherchent avant tout un objet réinventé, adapté à leur intérieur et capable de réveiller leurs souvenirs d’antan. Nous l’avons bien compris et construisons des bornes qui correspondent davantage à ce plaisir là.
« Nous avons toujours eu cette envie de sortir la borne d’arcade et le rétrogaming du seul univers vidéoludique »
TGL : Pac Man, Super Marion, Donkey Kong… Vous avez développé Arkador, un système qui propose 680 jeux d’arcade. Comment ça marche ?
R.B. : Arkador offre une nouvelle interface, c’est à dire un système ouvert pour tous les utilisateurs. Ainsi, il permet de découvrir ou de redécouvrir tous les jeux rétro. Ils peuvent, en outre, ajouter des jeux ou enlever ceux qu’ils ont déjà en leur possession. Nos bornes sont compatibles avec 10 000 titres. Via ce nouveau système, nous offrons également un accès à la plateforme en ligne STEAM sur laquelle les utilisateurs peuvent naviguer et retrouver d’anciens jeux ou encore des nouveautés arcade. L’idée est de donner aux joueurs la possibilité d’accéder aux jeux qui ont fait l’âge d’or du jeu vidéo mais aussi à des jeux plus actuels…
TGL : Comment vous êtes-vous retrouvé à collaborer avec Saint-Laurent ?
R.B. : Nous avons toujours eu cette envie de sortir la borne d’arcade et le rétrogaming d’un univers purement vidéoludique en créant des synergies avec d’autres univers : design, mode, art, architecture d’intérieur, musique… Depuis l’année dernière, nous développons, en plus de nos collections artistiques, des collections plus luxueuses, aux finitions et matériaux haut de gamme, disponibles en édition limitée. Notre collaboration avec Saint Laurent était dans la continuité de ce que nous avions entrepris jusque-là. Nous sommes également animés par les échanges et les rencontres que nous pouvons faire lors de salons internationaux, à l’instar de Maison&Objet. Ces rencontres nous aident à faire émerger de nouvelles idées, de nouveaux concepts et de nouvelles ambitions.
Lire aussi
Artisanat et électro-rétro : rencontre avec le designer/magicien Love Hultén
nightliquid_retro, collectionneur d’artefacts électroniques vintage sur Instagram
Patron confiné : rencontre (à distance) avec Christophe Sicaud, PDG de Focal