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Voiture électrique : Groupe Volkswagen, le green deal
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The Good Business

Voiture électrique : Groupe Volkswagen, le green deal

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Le géant automobile veut se muer en champion de la mobilité électrique. Cette stratégie, poussée par le dieselgate, bénéficie des moyens considérables du constructeur. C’est aussi le plus sûr chemin pour rester le numéro 1 mondial du secteur.

C’est un effet papillon qui porte bien son nom. Garanti zéro émission, il continue à révolutionner le plus grand groupe automobile du monde. Son premier battement d’ailes a été localisé à l’automne 2015, en Virginie, où deux universitaires inconnus ont décelé qu’un logiciel parvenait à truquer les tests anti pollution d’une Volkswagen Jetta, un modèle de série B aux Etats-Unis : le dieselgate était lancé. Elargi à de nombreux constructeurs, le plus grand scandale de l’histoire de l’automobile n’a jamais cessé de produire ses effets sur le mastodonte allemand, qui mute radicalement vers la mobilité électrique.

Le dieselgate aura d’abord accouché d’un paradoxe : le groupe Volkswagen est devenu le numéro 1 mondial dans la foulée, en 2016 ! Cette toute-puissance, résultat d’une patiente entreprise de croissance et d’acquisitions d’une hydre aux douze marques, a d’abord permis d’encaisser le coût faramineux du scandale : 31 milliards d’euros cumulés d’indemnités et d’amendes, alors que des procédures individuelles restent pendantes.

La Volkswagen ID.3, le modèle symbole de la transformation du groupe. Les premières livraisons commencent tout juste en France.
La Volkswagen ID.3, le modèle symbole de la transformation du groupe. Les premières livraisons commencent tout juste en France. DR

Mais avec l’une des marges opérationnelles parmi les plus élevées du secteur (7,6 %), notamment portée par les résultats de Porsche et d’Audi, les bénéfices sont plantureux (19 milliards d’euros rien que l’an dernier) et les réserves de trésorerie, très solides. Cela lui laisse une capacité financière sans égale, indispensable aux investissements colossaux de la révolution verte : 60 milliards d’euros seront consacrés à l’électrification sur la période 2020-2024. Principalement en dépenses de R&D et dans l’adaptation de l’outil de production, un chantier gigantesque : huit usines y seront dédiées dans le monde, dont cinq en Allemagne et deux en Chine.

1,5 million de Volkswagen électriques par an d’ici à 2025

Pour quoi faire ? Proposer une offre complète, d’Audi à Porsche, en passant par Skoda ou Seat, depuis le micro-hybride, solution bon marché qui permet une légère baisse des émissions, jusqu’au 100 % électrique, en passant par l’hybride rechargeable, qui combine le meilleur des deux mondes à un coût encore élevé. D’ici à la fin de la décennie, le groupe espère vendre 26 millions de véhicules électriques, une gageure sachant qu’il en a écoulé 140 604 l’an dernier.

Pour la seule marque Volkswagen, l’ambition officielle est d’au moins 1,5 million chaque année d’ici à 2025. Les premières livraisons de l’ID.3 commencent tout juste en France : c’est le modèle symbole de la transformation, celui qui incarne « la voiture électrique de masse » selon Rodolphe Chevalier, le directeur de l’électromobilité. « A l’intérieur du groupe, Volkswagen va garder dans l’électrique son positionnement de généraliste premium, ajoute-t-il. Les objectifs de volumes sont réalistes, parce que les planètes sont en train de s’aligner pour la mobilité électrique, notamment en Europe et en Chine. Et avec ses trois niveaux d’autonomie, l’ID.3 répond à l’ensemble des besoins : celui des citadins, à 330 km, celui des gros rouleurs, à 550 km, et celui de la majorité des clients, à 420 km, qui sera le meilleur équilibre prix/autonomie. On a aussi optimisé la capacité de recharge pour permettre de récupérer 300 km en moins de 30 minutes. »

Depuis fin 2019, Audi commercialise l’e-Tron Sportback, la version coupé de son SUV électrique e-Tron.
Depuis fin 2019, Audi commercialise l’e-Tron Sportback, la version coupé de son SUV électrique e-Tron. DR

Avec un prix d’appel à 32 990 euros, bonus déduit, l’ID.3 a presque le tarif et tous les arguments du best-seller Golf. L’objectif de 100 000 ventes en 2020 ne sera pas tenu, en raison des retards de développement, des logiciels notamment, et de l’impact de la crise sanitaire sur la production. Les modèles ID.4 (un SUV compact) et ID.6 vont suivre, alors que la gamme existante est hybridée à marche forcée.

Le dieselgate bientôt soldé

S’il a fini par rattraper de nombreux constructeurs (Renault, PSA, Fiat Chrysler, Ford, Mercedes…), le scandale des moteurs truqués – un logiciel, en fait, permettant de biaiser les tests antipollution – reste très associé au groupe, et surtout à la marque Volkswagen. Depuis son déclenchement aux Etats-Unis, en septembre 2015, le dieselgate a coûté leur poste à de nombreux dirigeants de la multinationale allemande et beaucoup, beaucoup d’argent.

Jusqu’à aujourd’hui, l’ensemble des amendes et des indemnités versées s’élève à 31 Mds € environ, en grande partie à destination des clients américains regroupés en puissantes class actions. En Allemagne même, Volkswagen a encore passé un accord à l’amiable en avril avec un groupe de 235 000 clients, qui vont toucher au total 750 M €.

Restent pendantes quelques actions collectives en France, en Belgique ou aux Pays-Bas, et des dizaines de milliers de procédures individuelles qui devraient être soldées dans les prochains mois.

Pour la petite histoire, la victoire en mai dernier de Herbert Gilbert devant la Cour fédérale de justice pourrait faire jurisprudence : ce retraité allemand a obtenu de récupérer 25 600 € sur les 31 500 € qu’il avait payés pour son monospace Sharan acheté en 2014. Et aux dernières nouvelles, il continue de rouler avec…

17 modèles Audi électrifiés en 2020

Dans la division du travail du groupe, version XXIe siècle, les autres généralistes Seat et Skoda sont seulement concernés par les minicitadines, une compacte pour la firme espagnole et un SUV familial pour la tchèque. C’est Audi qui a finalement la plus grosse part : pas moins de 17 modèles sont électrifiés cette année, notamment quatre e-tron spécifiques, avec l’objectif de réaliser 30 % des ventes à l’horizon 2025.

Q5, Q7, A6, A7, A8…, la marque premium du groupe attaque le chantier par le haut. « Nous descendrons en cascade, sans aller jusqu’à l’A1 ou au Q2, en tout cas pas avant les nouvelles générations », explique Guillaume Jolit, responsable presse chez Audi France. Les concurrents s’appellent toujours Mercedes ou BMW, mais aussi Tesla. La création d’Elon Musk agace le groupe Volkswagen : elle pèse deux fois plus en Bourse tout en vendant trente fois moins de voitures… Logiquement proche d’Audi, notamment dans le partage de la R&D, Porsche accélère, pour sa part, la commercialisation de sa Taycan, multirécompensée à la fois dans les catégories sport, luxe et environnement !

« Tout le monde reconnaît que c’est une vraie Porsche, électrique avec toutes les sensations d’une sportive, la tenue de route et le plaisir de conduite, affirme Marc Meurer, le directeur général de Porsche France. Parmi ses clients, la moitié remplace leur Porsche actuelle ou l’achète en plus. L’autre moitié découvre la marque à travers l’électrique parce qu’ils ont cette aspiration. Notre positionnement reste très différent de celui de Tesla. »

Marque très flexible, comme en témoigne son pivotement à succès vers les SUV dès le début des années 2000, Porsche dominera l’univers du green luxury selon les analystes du secteur. « Chez nous, green ne veut pas dire green washing, insiste Marc Meurer. Tout doit être authentique. Exemple : l’amplificateur de son de la Taycan est fait pour le son généré par le moteur électrique, pas pour celui d’un faux V8. De même, si la marque ambitionne d’être neutre en carbone d’ici à 2040, Taycan l’est déjà en fabrication : énergie verte, absorption de CO2, transport depuis l’usine… Il faut être cohérent. »

En France, on trouve déjà les Cayenne et Panamera hybridés, bientôt le Macan zéro émission, et 50 % des volumes écoulés devraient être électrifiés dans deux ans. Des ambitions à la hauteur des investissements : 15 milliards d’euros à l’horizon 2024, une somme colossale pour un constructeur qui vend moins de 300 000 voitures par an dans le monde.

Autre marque phare du Groupe Volkswagen, Porsche accélère la commercialisation de sa Taycan, une sportive 100 % électrique.
Autre marque phare du Groupe Volkswagen, Porsche accélère la commercialisation de sa Taycan, une sportive 100 % électrique. DR

Les investissements de Volkswagen sur le marché chinois

L’amortissement de tels investissements prendra du temps sur un marché en progression lente. En Europe, la part de marché de l’électrique, tous constructeurs confondus, est montée à 7 % au premier trimestre contre 2,5 % en 2019. Un bond lié en partie à des immatriculations tactiques dans le contexte des nouveaux quotas d’émissions à atteindre, fixés à 95 g/km en moyenne sous peine de régler des amendes très lourdes.

« Volkswagen avait misé sur le diesel pour atteindre les objectifs de CO2, mais le dieselgate a tout changé, témoigne Joseph Beretta, le président de l’Avere, l’association pour le développement de la mobilité électrique. Avec son nouveau plan stratégique, le groupe va transformer tout le paysage automobile. » Dans cette vaste offensive, le marché chinois suscite particulièrement l’appétit. Le géant asiatique a fait de la conversion électrique un nouveau défi à sa taille : Pékin s’est fixé un objectif de 25 % de véhicules à énergie nouvelle en 2025, en ligne avec les prévisions de Volkswagen qui réalise là-bas 40 % de ses ventes et y déploie des moyens considérables.

Il vient d’investir 2 milliards d’euros, notamment pour entrer au capital de Guoxuan, un fabricant de batteries dont les dix premiers spécialistes sont tous en Asie. « La Chine est le marché le plus avancé et nous y sommes forts depuis des années, souligne Guillaume Jolit, chez Audi. Son tissu industriel est très structuré sur l’électrique, notamment à travers les producteurs de batteries. Et les incitations à l’achat, comme l’exemption de taxes ou les facilités de circulation, ont été renouvelées. » Comme les Etats, le groupe Volkswagen est maintenant trop engagé dans sa révolution verte pour revenir en arrière. Reste à convaincre définitivement les clients…


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