The Good Business
A la tête de l’entreprise familiale, Riccardo Giraudi a transformé, en moins de 20 ans, une institution de l’import de viandes en empire de la restauration.
En 2001, à Monaco, le Giraudi Group, créé par Erminio Giraudi 40 ans plus tôt, est l’un des négociants en viande les plus importants du Vieux Continent. Cette année marque un tournant dans l’histoire de l’entreprise : Riccardo Giraudi, le fils du fondateur, prend les commandes. Pourtant fraîchement diplômé de l’EBS London, il ne se voit pas comme un businessman et préfère diversifier l’activité du groupe familial en créant des restaurants et laisser parler sa créativité (et, accessoirement, mettre en valeur les produits de la maison).
Ainsi, le premier Beefbar voit le jour en 2005. Succès immédiat. Quinze ans plus tard, Giraudi compte 23 restaurants dans son portfolio dans une dizaine de villes, du fast food à l’étoilé Michelin.
En 2017, il sauve le restaurant de spécialités sud-américaines Anahi, une institution de la rue Volta (Paris 3e), de l’abandon. Aidé par les architectes Humbert & Poyet et grâce au retour de Carmen, l’emblématique ancienne propriétaire, Giraudi ressuscite cet ancien fief des modeurs et modeuses de passage à Paris. Dernière adresse du groupe à rouvrir ses portes après la pandémie le 3 septembre dernier, The Good Life y était quelques heures avant le coup de feu et en a profité pour rencontrer le « metteur en scène » Riccardo Giraudi.
5 questions à Riccardo Giraudi, PDG du Giraudi Group :
The Good Life : Anahi rouvre enfin ses portes. C’est une adresse qui occupe une place spéciale dans votre cœur…
Riccardo Giraudi : C’est une de mes adresses préférées, le seul restaurant que je n’ai pas créé. J’étais client pendant longtemps, l’endroit était beau mais on y mangeait de la mauvaise viande. J’ai ramené ma touche à la cuisine et on a ouvert en 2017, deux ans après sa fermeture, en rappelant Carmen et les anciens clients habitués. Anahi est une institution, icône du Marais mystérieux, dangereux, sensuel, sexuel et secret des années 80. Le restaurant s’était essoufflé, le quartier a changé… il fallait lui donner un glamour moderne mais garder sa substance. On a refait la plomberie, les sanitaires, le sol et ajouté des touches déco subtiles pour le garder dans son jus. C’est le seul de mes restaurants que je ne vendrai jamais. Le seul dont je surveille les réservations tous les soirs. J’y retrouve l’énergie que j’aimais quand j’y venais comme client.
TGL : Comment définissez-vous votre rôle dans le groupe ?
R.G. : Je suis un directeur artistique, un chef d’orchestre. Je fais en sorte que le cuisinier, le chef, l’architecte et le DJ fonctionnent en harmonie. J’ai la responsabilité de l’expérience client, c’est ce qui fait la différence entre les chefs et les restaurateurs. Toutes mes adresses s’articulent autour d’un concept et d’un message très clair.
Giraudi Group continue son expansion
TGL : Quels changements avez-vous observé depuis votre arrivée sur le marché de la restauration ?
R.G. : Dans le monde dans lequel j’opère, j’ai réussi à imposer les viandes de luxe en Europe. Aujourd’hui tous les palaces achètent notre viande. Un jour je me suis fait insulter par un chef anglais qui me reprochait de vendre de la viande des « colonies » (les Etats-Unis et l’Australie, NDLR) et aujourd’hui il ne se fournit que chez nous… Je fais souvent le parallèle avec le vin : cela a pris du temps pour faire comprendre aux Français qu’il existe des bons vins italiens ou américains. Et, même si la tendance est aux circuits courts, la force de la viande d’importation, c’est la constance du produit.
TGL : Malgré la pandémie et le confinement, vous ne semblez pas vouloir freiner l’expansion du Giraudi Group…
R.G. : Nous allons ouvrir plein de Beefbars dans le monde, à Milan, au Qatar, à Sao Paulo et Miami, mais aussi des adresses plus abordables et un concept de pizzas en « dark kitchen » qui arrive bientôt… 12 nouvelles adresses sont prévues pour 2021. Et je souhaite aussi créer des concept-stores autour de nos produits, je veux ouvrir le Colette de la viande !
TGL : D’un point de vue plus personnel, qu’est-ce que la crise sanitaire a changé dans votre façon de penser et travailler ?
R.G. : D’abord, j’ai grossi ! (rires) Et j’ai passé mes journées avec les banquiers au téléphone du matin au soir… J’ai tendance à oublier que c’est aussi du business, c’est une bonne piqûre de rappel. Je suis devenu plus pragmatique. Concernant Anahi, on cartonnait en mars, avant le confinement, mais j’ai peur que la réouverture soit un désastre… Le restaurant sera fermé le lundi et le mardi, pour nous permettre de ne tourner qu’avec une seule équipe. On pense faire le même chiffre – ou presque – qu’une semaine complète, mais avec 30 % d’effectif en moins. Après la crise, je conserverai certainement cette nouvelle manière de fonctionner…
Anahi
49, rue Volta (Paris 3e)
Tél. +33 1 83 81 38 00
www.anahi-paris.com
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