The Good Business
La nostalgie des audiophiles a propulsé le vinyle sur le devant de la scène, une deuxième fois. Vers le même destin pour les cassettes audio ? C’est le pari de la start-up française We Are Rewind. Entretien.
2014. Dans Les Gardiens de la Galaxie – blockbuster Marvel aux 2,4 millions d’entrées en France et 330 milliards de dollars de recettes aux Etats-Unis – le héros Peter Quill, interprété par Chris Pratt, va de planète en planète armé de son pistolet laser et… de son Walkman offert par sa mère. La bande originale du film, qui contribue à son succès, est distribué en cassettes audio pour l’occasion. Deux ans plus tard, Stranger Things, l’une des séries les plus streamées de Netflix, enfonce le clou avec son ambiance eighties. Il n’en faut pas plus à Romain Boudruche et Matthieu Mazières pour flairer le bon filon. Après le vinyle, ils misent sur le retour du baladeur cassette.
Ensemble au lycée, les deux amis deviennent ensuite respectivement concepteur-rédacteur dans la publicité et chef de projet dans l’industrie musicale. Quelques années plus tard, ils constatent, alors qu’ils souhaitent se lancer dans un projet autour de leur passion commune pour la musique, que, malgré l’augmentation des ventes de cassette audio depuis 2016, l’offre en baladeur compatible est, au choix, trop cheap ou trop collector pour être accessible.
Bingo ! Ils décident de faire revivre le Walkman et créent We Are Rewind. Leur première création, en aluminium et au design sobre, est un hommage au TPS-L2, le premier Walkman produit par Sony en 1979, et vendu à plus de 220 millions d’exemplaires. Modernisé, il troque le stylo Bic pour une fonction rembobinage, intègre une batterie rechargeable et un émetteur Bluetooth.
5 questions à Romain Boudruche, co-fondateur et CEO de We Are Rewind :
The Good Life : Comment expliquez-vous le retour de la cassette, encore discret en France ?
Romain Boudruche : Le regain d’intérêt pour les cassettes touche pour l’instant surtout le Royaume-Uni, avec la création, en 2013 du Cassette Store Day, les Etats-Unis et la Chine. On parle à l’heure actuelle d’un marché de niche mais, poussées par des séries à succès à l’ambiance 80’s comme Stranger Things, les ventes progressent chaque année depuis 2016. Un peu comme pour le vinyle, l’idée d’avoir un objet que l’on peut voir, que l’on peut toucher et tenir dans ses mains cela fait du bien à l’heure du digital. Le rapport à la musique a changé. Mais rien ne pourra remplacer le romantisme et le magnétisme d’une cassette audio.
The Good Life : Pensez-vous justement que ce retour soit aussi frappant que celui du vinyle ?
Romain Boudruche : Ce come-back ne sera pas aussi impressionnant que celui du vinyle. D’abord parce que la cassette jouit d’une mauvaise réputation en ce qui concerne la qualité sonore. Ensuite, parce que l’on s’adresse à une cible moins large. Le vinyle touche toutes les générations quand la cassette s’adresse plus aux initiés, à ceux qui savent quel lien indéfectible unit une cassette audio et un stylo bille… même si des générations plus jeunes qui n’ont pas connu la cassette vont trouver l’objet fun, je pense qu’ils seront moins nombreux à vouloir s’en procurer.
TGL : Quels sont les avantages d’une cassette ?
R.B. : Contrairement aux idées reçues, le son analogue n’est pas mauvais. Il est d’ailleurs plus « chaud » que celui du MP3, quand on l’écoute sur de bonnes enceintes. Puis, les cassettes audio présentent de nombreux avantages : elles coûtent moins cher que les vinyles, environ 8 € pour une cassette neuve, et elles sont plus pratiques à transporter. Imaginez, après un concert, transporter votre vinyle acheté au merchandising toute la soirée… Alors qu’une cassette audio, ça tient dans la poche arrière !
TGL : Comment est-ce que l’on fabrique un baladeur si longtemps après la « disparition » de cette technologie ?
R.B. : Ce n’est pas simple de trouver une entreprise qui fabrique encore des Walkman. Pour beaucoup, elles ont fermé leurs portes, à l’image de l’usine des Walkman Sony fermée en 2011, après l’arrivée écrasante du CD. Nous avons donc commencé par nous tourner vers un fabricant Français de matériel audio haut de gamme, AV Industry, qui a tout de suite compris ce que l’on cherchait à faire. Ce fabricant nous a informé que leur filiale en Chine avait trouvé une usine capable de produire des baladeurs de bonne qualité. On aurait préféré faire du Made in France mais l’on se contente d’un « Designed in France ». On a donc pu travailler avec eux sur un design à la fois sobre et élégant, entre vintage et moderne dans l’esprit de ce que faisait Braun dans les années 50/60.
TGL : Quels matériaux avez-vous choisi et pourquoi ?
R.B. : On souhaitait éviter le plastique à tout prix ! Pour nous, c’était le premier critère pour ne pas se retrouver dans la catégorie des lecteurs bas de gamme. Nous avons donc décidé de fabriquer le boîtier en aluminium pour un « toucher froid », des finitions impeccables et une vraie sensation de qualité.
Un objet délicieusement rétro disponible en pré-commande sur le site de We Are Rewind et sur Kickstarter, au prix de 89 € (126 € une fois la campagne terminée début juillet). Livraison prévue en septembre prochain. Le timing parfait pour flamber sur son vélo/dans le métro, avec son baladeur flambant neuf pour la rentrée…
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