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The British Medical Journal, une référence planétaire
The British Medical Journal, une référence planétaire
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The Good Business

The British Medical Journal, une référence planétaire

The Good Business

Figurant dans le peloton de tête des publications médicales les plus lues dans le monde, le BMJ, fondé en 1840 sous le titre Provincial Medical and Surgical Journal, est détenu par la British Medical Association (BMA), le prestigieux syndicat des praticiens d’outre‑Manche. Journal anglophone lu sur tous les continents, il est également publié en espagnol, en grec, en roumain et en chinois.

Au-delà du plaisir de sa lecture, tout journal se doit d’abord d’être utile à ses lecteurs, mais aussi digne de leur confiance. Et si, au fil des ans, un titre peut leur devenir indispensable tant dans l’exercice de leur métier que dans leur vie personnelle, c’est le meilleur des gages de pérennité et de prospérité dont il puisse rêver – et ce, quelle que soit l’âpreté de la crise de mutation de la presse en cours. Affichant une santé insolente à près de 180 ans – plus de 100 millions de livres sterling de revenus annuels, dont 60 % sont générés en dehors du Royaume-Uni –, le British Medical Journal (BMJ) est l’un de ces heureux et rares élus.

Avec quelque 22 millions de visiteurs par an pour le seul « BMJ on line » et 50 millions d’utilisateurs pour l’ensemble de ses sites et publications dans plus de 150 pays, il est devenu une référence planétaire. Ses lecteurs sont principalement des praticiens et des chercheurs, qu’ils soient européens, américains, indiens ou australiens, ainsi que des patients, de plus en plus nombreux à vouloir s’impliquer dans leur traitement et s’informer sur les dernières avancées médicales…

Le BMJ, qui fête ses 180 ans en 2020, appartient à la prestigieuse British Medical Association (BMA). Le journal et le syndicat siègent tous deux dans un superbe immeuble édifié en 1911, situé au coeur de Londres, à Tavistock Square.
Le BMJ, qui fête ses 180 ans en 2020, appartient à la prestigieuse British Medical Association (BMA). Le journal et le syndicat siègent tous deux dans un superbe immeuble édifié en 1911, situé au coeur de Londres, à Tavistock Square. JIM WINSLET

Pour mener à bien sa mission, à savoir « contribuer à améliorer la santé de chacun », le BMJ s’est fixé une feuille de route ambitieuse : encourager la recherche médicale et la faire connaître, soutenir l’enseignement clinique et la pratique, favoriser un accès universel et équitable aux soins de qualité, veiller à la bonne santé des médecins eux-mêmes et enfin soutenir les conditions sociales et environnementales indispensables à notre santé.

A la différence de son concurrent The Lancet – détenu jusqu’en 1991 par Robert Maxwell et désormais dans le giron du groupe d’édition anglo-néerlandais Elsevier –, le BMJ appartient à la prestigieuse British Medical Association (BMA), le syndicat britannique des praticiens. Il est ainsi le seul journal à s’adresser à l’ensemble de la communauté médicale britannique, des junior hospital doctors aux hospital consultants et, évidemment, aux innombrables chercheurs de haute volée qui viennent y publier leurs travaux, ce qui génère globalement, dans le monde entier, 54 millions de pages vues chaque année !

Ayant noué des partenariats dans le monde entier, le groupe The BMJ édite au total quelque 70 publications.
Ayant noué des partenariats dans le monde entier, le groupe The BMJ édite au total quelque 70 publications. JIM WINSLET

Le lieu d’un terrible attentat

« 1851-1860 : Charles Dickens, romancier, a vécu ici, dans Tavistock House », peut-on lire sur la façade du superbe immeuble londonien construit en 1911 au même emplacement, siège de la BMA et du BMJ. Statues, colonnes, boiseries, jardin de plantes médicinales… Tout concourt à prendre, dès l’entrée du visiteur, la mesure du caractère statutaire de cette double institution. Mais que l’on ne s’y méprenne pas : cette magnificence ne traduit nullement un caractère empesé de l’institution ou de ses collaborateurs.

Une centaine de journalistes, travaillent devant leur écran dans les open spaces modernes du BMJ. Et c’est la réactivité dont ceux-ci, souvent médecins eux-mêmes, et d’autres praticiens présents dans les locaux ont fait preuve en une dramatique circonstance qui reste exemplaire et gravée dans les mémoires des Londoniens.

C’était le 7 juillet 2005 au matin, lorsqu’un engin piégé déclenché par un terroriste kamikaze déchiquetait, sous les fenêtres mêmes du BMJ, un bus à impériale rouge, tuant 14 personnes. « Tous les praticiens qui se trouvaient dans notre immeuble se sont rués dehors pour pratiquer les premiers soins d’urgence aux dizaines de blessés avant l’arrivée des pompiers et des ambulances », se souvient, encore avec émotion, Emma Dickinson, responsable des relations publiques du journal.

Une centaine de journalistes travaillent au BMJ. Leurs spécialisations témoignent du professionnalisme de la publication.
Une centaine de journalistes travaillent au BMJ. Leurs spécialisations témoignent du professionnalisme de la publication. JIM WINSLET

Aujourd’hui, à l’instar de la statue de Gandhi trônant sagement dans le square, juste en face de la « BMA House », la rédaction du BMJ a heureusement renoué avec la chronique quotidienne d’une médecine plus apaisée, ce qui n’exclut évidemment pas de spectaculaires avancées en matière de recherche.

Dans ce journal, on sait en effet séparer les choses du bruit qu’elles font, et les gros titres à sensation ne sont pas le genre de la maison. « Nous sommes évidemment au courant depuis des années de ce qu’annonce aujourd’hui comme un scoop The Times », confie, avec un sourire indulgent, Patrick Spencer. Le COO du BMJ commente alors pour The Good Life ce titre prometteur, à la une du célèbre quotidien londonien pourtant reconnu comme le plus fiable de toute la presse britannique : « Message of hope as experts say cancer battle is being won. » (« Message d’espoir, alors que les experts annoncent que la bataille contre le cancer est en train d’être gagnée. »)

Et Patrick Spencer d’ajouter: « C’est normal, The Times essaie ainsi d’attirer des lecteurs, mais, pour nous, la rigueur scientifique passe avant toute autre considération. » L’énoncé de quelques spécialisations de ses journalistes témoigne de ce professionnalisme : integrity and clinical editor, consulting clinical epidemiology editor, quality improvement editor, patient editor

Ayant noué des partenariats dans le monde entier, le groupe The BMJ édite au total quelque 70 publications.
Ayant noué des partenariats dans le monde entier, le groupe The BMJ édite au total quelque 70 publications. JIM WINSLET

Le business-modèle particulier du British Medical Journal

« Nous sommes d’autant moins touchés par la crise de la presse que nous avons la chance de disposer d’un business-modèle très particulier », explique le dirigeant de BMJ. Ce business-modèle si atypique dans l’univers des médias est une autre clé qui permet de comprendre les raisons de l’insolente bonne santé de ce titre presque bicentenaire.

Principalement on line aujourd’hui – avec ses sites web, ses podcasts, vidéos, tweets, apps, etc. –, une partie de ses articles sont repris dans trois éditions sur papier recyclé – deux hebdomadaires et une mensuelle – totalisant 120 000 exemplaires. Et le groupe BMJ publie pas moins de 70 titres thématiques tels que le Student BMJ, qui prodigue les conseils les plus variés aux futurs médecins (Comment choisir votre spécialité ? comment tirer le meilleur profit d’un stage en chirurgie ? comment diagnostiquer une perforation gastrique sur une radio ?) ou encore Vet Record, revue s’adressant aux vétérinaires qui est aussi l’organe de la British Veterinary Association.

Une centaine de journalistes travaillent au BMJ. Leurs spécialisations témoignent du professionnalisme de la publication.
Une centaine de journalistes travaillent au BMJ. Leurs spécialisations témoignent du professionnalisme de la publication. JIM WINSLET

Mais le groupe organise également des conférences et des séminaires partout dans le monde et décerne des trophées (BMJ Awards) dans différentes catégories. La lecture des publications numériques sur la recherche médicale est gratuite, mais celle des compte-rendus d’examens cliniques et des éditoriaux nécessite un abonnement payant.

Plus déterminant encore en matière de business-modèle, ce sont les auteurs des articles ou les organismes, fondations ou universités privées les parrainant qui assurent au BMJ l’essentiel de ses recettes : 95 % des 100 meilleures écoles de médecine du monde (QS World University Rankings) sont abonnées aux publications du BMJ.

« Notre sélection se veut extrêmement rigoureuse, car notre crédibilité est notre étendard et nous ne pouvons évidemment pas nous permettre de laisser passer de fake news ! » insiste Patrick Spencer. Environ 90 % des 7 000 à 8 000 manuscrits reçus chaque année par le BMJ sont ainsi refusés par son comité éditorial assisté d’une armada d’experts universitaires. Sur les 4 000 articles exclusivement consacrés à des travaux de recherche, seulement 4 % sont retenus.

Le magnifique siège londonien du journal médical comprend des open spaces modernes ainsi qu’une grande salle de conférences.
Le magnifique siège londonien du journal médical comprend des open spaces modernes ainsi qu’une grande salle de conférences. JIM WINSLET

Hors de question, on l’aura compris, que le British Medical Journal puisse proposer à ses millions de lecteurs du monde entier une seule contribution qui soit jugée non pertinente, déjà publiée ailleurs ou simplement redondante.

Le journal se veut aussi vigilant sur le bon exercice de la médecine et, à ce titre, pratique le journalisme d’investigation. Partant du principe qu’un médecin doit donner le bon exemple à ses patients et qu’il doit être lui-même en bonne santé pour bien les soigner, le groupe a fait campagne pour convaincre les praticiens fumeurs d’abandonner la cigarette !

Patrick Spencer, COO du BMJ.
Patrick Spencer, COO du BMJ. JIM WINSLET

Clin d’oeil à ce propos dans le bureau du dirigeant : dans un cadre, une vieille page publicitaire du début du siècle dernier vantant les mérites des Craven prétendue la cigarette idéale recommandée aux médecins. Une « réclame » qui, à l’époque, avait même reçu, selon l’argumentaire publicitaire, l’aval du journal médical concurrent du British Medical JournalThe Lancet !


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