Culture
Des oeuvres de Ravel, de Stravinski, de Schubert… sont ici magnifiées par des musiciens époustouflants, le tout complété de splendides lieder de Liszt non moins magistralement interprétés.
Leçon d’humilité. C’est peut-être le disque pour piano seul le plus bouleversant depuis le… dernier disque d’Arcadi Volodos lui-même, paru il y a trois ans, alors consacré à Brahms. Peu de musiciens donnent aujourd’hui l’impression, comme ce pianiste, de creuser sans fin le texte musical et de ne pouvoir vivre sans tenter de s’approprier certaines œuvres. Le son du piano, s’il est ici somptueux, n’est pas une fin en soi. Volodos est d’une totale humilité à l’égard de l’avant-dernière sonate de Schubert, oeuvre douloureuse, mais ici également lumineuse. La maîtrise du clavier par le pianiste ne le mène jamais vers l’égocentrisme. Plutôt que de coupler cette sonate composée peu de temps avant la mort du compositeur avec une oeuvre de même nature, Arcadi Volodos la confronte à trois menuets, morceaux souvent mésestimés, qu’il nous révèle ici. Un album essentiel à toute playlist classique.
Hits
Pour fêter son 75e anniversaire, l’un des plus grands pianistes de notre époque, Nelson Freire, a choisi une trentaine de bis qui l’ont accompagné tout au long de sa carrière. Autant de perles qui procurent plaisir, émotion et émerveillement. Le disque s’ouvre par une mélodie de Gluck, extraite d’Orphée et Eurydice, air sublime transcrit par Sgambati, que Nelson Freire aime tant faire partager en concert. Le voyage, qui passe par des compositeurs aussi divers que Scarlatti, Scriabine ou Rachmaninov, s’achève par des chefs-d’oeuvre de Mompou, Granados et Albéniz.
Regards
Beatrice Rana, l’une des grandes révélations récentes de la scène pianistique, met en regard Ravel et Stravinski. Du premier, les Miroirs – cinq pièces majeures pour le piano, dont la frémissante Barque sur l’océan, les si poétiques Oiseaux tristes et l’ébouriffante Alborada del gracioso – et La Valse, un monde qui s’engloutit dans la Première Guerre mondiale. Du second, deux transcriptions des ballets Petrouchka et L’Oiseau de feu. Lorsqu’une pianiste italienne interprète l’un des grands génies français de cette manière, il faut se précipiter !
Cyrille Dubois et Tristan Raës
Le ténor Cyrille Dubois et le pianiste Tristan Raës, qui forment un duo particulièrement soudé, proposent le répertoire rare d’un compositeur célèbre : Franz Liszt. Leur disque, intitulé O Lieb !, tiré du titre de l’un des lieder ici interprétés, chemine entre des lieder allemands et des mélodies françaises et italiennes. Victor Hugo y côtoie Heinrich Heine ou Pétrarque dans une interprétation irréprochable.
The Good Life : Comment en êtes-vous venus à interpréter ce répertoire ?
Cyrille Dubois : Nous avons interprété beaucoup de mélodies françaises. Nous voulions aborder un autre type de répertoire. Techniquement, cette musique est très difficile, particulièrement celle des Trois sonnets de Pétrarque, mais l’un de ses intérêts est que le chanteur et le pianiste sont sur un pied d’égalité. Liszt est en outre peu connu comme compositeur de lieder.
Tristan Raës : De plus, ses lieder donnent l’impression d’échapper à la filiation des compositeurs les plus célèbres dans ce genre : Schubert, Schumann, Brahms ou Hugo Wolf. En tant que pianiste, je suis bien sûr amené à jouer beaucoup de ses œuvres. Liszt a été l’inventeur d’une technique pianistique particulière. On peut parler chez lui de singularité technique. Et puis, certaines œuvres – tels le Rêve d’amour ou les Trois sonnets de Pétrarque – existent également pour piano seul. Les différences entre les partitions sont particulièrement intéressantes, une autre des raisons qui m’a amené à interpréter ce répertoire.
TGL : Ce disque est interprété en allemand, en français et en italien. Cela induit-il une différence dans la composition de chacune des oeuvres qui composent ce récital ?
C. D. : Franz Liszt a été l’un des premiers grands Européens. La langue chantée, quelle qu’elle soit, influe sur la manière dont les mélodies sont écrites. Il y a une musique propre à chaque langue.Et Liszt a réussi, avec une acuité formidable, à faire ressortir la musicalité de chacune de ces langues.
T. R. : Et la voix n’est pas identique selon la langue chantée. L’italien, par exemple, favorise un certain lyrisme. Dans les mélodies italiennes de Liszt, la vocalité est plus ample que dans les autres œuvres. Dans les mélodies françaises, le chant est plus proche de la parole, alors que dans certains lieder, ou mélodies italiennes, il y a de grandes envolées.
TGL : Comment avez-vous composé le programme ?
C. D. : Il y a trois parties, une par langue. A l’intérieur de chacun des groupes de lieder ou mélodies, nous avons essayé de trouver une cohérence, en faisant se succéder des tonalités qui évitent au maximum les ruptures, et en alternant le plus possible œuvres vives et œuvres lentes.
O Lieb !, Cyrille Dubois et Tristan Raës, Aparté.
La playlist « Grand Piano » de The Good Life :
Suivez The Good Life sur Spotify pour retrouver cette playlist, et les autres : @thegoodlifemagazine
Ecouter aussi
The Good Playlist : nos sons du moment, en attendant le printemps