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Fasciné par le légendaire 501 de Levi’s, le Japon a repensé l’icône américaine. Totalement à contre‑courant de la production de masse et de la fast fashion, les manufactures de l’Archipel hissent le jeans japonais au rang d’objet artisanal et de luxe. Zoom sur 6 marques incontournables, à Tokyo.
Big John, label historique
Créée en 1940, la marque originaire d’Okayama confectionnait à ses débuts des uniformes pour écoliers. Dès les années 60, elle se lance dans la production de ses premiers jeans japonais, d’abord faits de tissu importé des Etats‑Unis, puis avec de la toile qu’elle tissera elle‑même dans sa manufacture de Kojima : le premier jeans made in Japan voyait le jour. En référence à son histoire, la poche intérieure de chacune de ses pièces est estampillée d’un petit logo, le « craftman mark », qui représente deux artisans à l’œuvre. Son attachement à la tradition se lit aussi dans le bleu de son textile baptisé « rare » : la couleur a été méticuleusement choisie en collaboration avec un ransei, maître de l’indigo japonais.
Evisu, à l’origine de la vague nippone
Celle qui se nommait autrefois Evis, mais qui a finalement dû modifier son nom pour éviter toute poursuite de la part de Levi’s, est une pionnière du jeans japonais: elle est la première à exporter son jeans, inspiré du modèle américain, en clamant son identité japonaise. Aisément reconnaissable au motif stylisé de mouette qui paraphe ses poches arrière, Evisu, à ses débuts, entend mettre en avant le labeur des artisans japonais soucieux de redonner au Levi’s sa gloire d’antan. Elle déploie même un ambitieux plan marketing et « s’associe avec un homme d’affaires britannique pour que son jeans soit vu sur toutes les célébrités en vogue, britanniques et américaines », raconte W. David Marx. David Beckham et Jay‑Z feront partie de ses ambassadeurs. Son slogan ? « Before anyone did anything, Evisu did everything. »
Momotaro, une légende japonaise
Dans le sillage d’Evisu, Momotaro revendique ses racines japonaises, jusque dans le choix de son nom. Momotaro, qui signifie « l’homme à la pêche », n’est autre que ce petit homme trapu jaillissant d’un gros fruit joufflu, imprimé sur l’écusson de cuir des jeans de la marque. Et il est loin d’avoir été choisi au hasard : le personnage légendaire qui peuple l’univers des contes japonais serait né, à l’époque d’Edo, dans la préfecture d’Okayama, précisément là où l’entreprise s’installe en 2006. Son siège se trouve aujourd’hui dans « la rue du jeans » de Kojima, qui héberge une trentaine d’entreprises et attire un grand nombre de touristes.
Warehouse & Co., le vintage au détail
Fondée en 1995 par d’anciens employés d’Evisu et de Full Count, elle est la dernière marque entrée dans le groupe Osaka Five. Puriste, Warehouse & Co. multiplie dans ses collections les détails qui font référence au jeans vintage. Elle en revisite l’histoire et les différents styles, depuis le jeans de cow‑boy ajusté du début du XXe siècle au pantalon ample inspiré de ceux que portaient les ouvriers d’usine dans les années 30. La collection The Duck Digger serait même tirée de modèles retrouvés dans une ville fantôme de l’Ouest américain, aux dires de la maison.
Okura, l’art de l’indigo
A Tokyo, le magasin emblème de la marque Blue Blue Japan, annonce la couleur : la boutique est nichée dans un ancien entrepôt traditionnel, où on stockait des denrées de valeur. L’écrin parfait pour exposer la richesse de l’artisanat japonais. La marque privilégie le savoir‑faire traditionnel détenu par les teinturiers qui utilisent l’indigo naturel. A la différence du colorant synthétique, sa couleur, intense, sature le tissu puis se délave au cours du temps. Se dessine alors progressivement sur le jeans les marques du corps et de ses habitudes. Poétique.
UES, le jeans japonais souvenir
Fondée en 1994, la marque se prononce « ouess », en référence au mot anglais « waste », le déchet. Comme un tacle à la fast fashion qui fait l’éloge de l’hyperconsommation. UES, à contre‑courant de la tendance, invite à user et à abuser de ses jeans, jusqu’à ce qu’ils deviennent rebuts. Dans sa boutique tokyoïte, on immortalise chaque acquisition : la date d’achat est marquée au fer sur l’écusson. Un bon moyen de se souvenir quand passer son précieux achat à la machine : la marque recommande aux usagers qui portent leur jeans moins de deux fois par semaine d’attendre un an avant le premier lavage.