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Après un premier album prometteur, les très chic Still Corners se sont enferrés dans une pop noisy et synthétique loin de leurs racines… Heureusement, le duo renoue avec celles-ci sur le très brillant Slow Air.
Shoegaze. Apparu à l’orée des années 90, le terme désigne un courant musical dont les membres sont trop concentrés sur leur instrument pour lever la tête. En concert comme en studio, leur regard est systématiquement vissé sur le sol – d’où le nom shoegaze, littéralement « qui fixe ses chaussures ». Côté musical, cette timidité maladive se traduit chez des groupes comme My Bloody Valentine ou The Jesus and Mary Chain par une musique aux mélodies intenses et vaporeuses, où les guitares jouent les premiers rôles. Mine de rien, ce style musical est resté populaire au fil des ans. Le groupe Still Corners s’en est largement inspiré pour aujourd’hui mieux le transcender.
En 2007, Greg Hughes, un musicien texan qui s’est installé à Londres pour y faire carrière, croise par hasard Tessa Murray. La rencontre se fait sur le quai d’une gare de banlieue après un problème de métro. Cette dernière est chanteuse et les deux rescapés du « Tube » décident rapidement de composer ensemble. Dès juin 2008, le duo sort son premier EP, baptisé Remember Pepper?. Sur ses six titres, on retrouve tous les ingrédients qu’ils ne cesseront d’utiliser par la suite : une voix suave noyée dans la réverbération, des nappes d’orgue entêtantes, une rythmique discrète mais punchy et des riffs de guitare au son clair, inspirés des Shadows.
Rêve d’évasion
En studio, Greg Hughes joue de tous les instruments et laisse Tessa surligner le tout de sa voix délicate. Repéré par Sub Pop, Still Corners signe chez ce label américain légendaire – celui de Nirvana… – et sort son premier album, Creatures of an Hour, en 2011. On y retrouve les influences de Greg : Vangelis, Ennio Morricone et… les Shadows, bien sûr ! Le son est dense, noyé sous les couches de réverb et confine au psychédélisme pop.
Suivront deux autres albums, artistiquement en demi-teinte : Strange Pleasures (2013), qui entérine le divorce avec Sub Pop, et Dead Blue (2016), qui embrasse l’électro-pop à grands renforts de synthétiseurs et de boîtes à rythmes, quelque part entre M83 et Metronomy. Mais sans convaincre : le duo tire sur des ficelles qui ne lui ressemblent pas, et cela se voit.
Un road-trip loin des habitudes
Pour Slow Air (2018), Still Corners a sorti la tête de l’eau et retrouvé ses racines. Le couple à la ville comme à la scène a décidé de s’extraire du morose contexte londonien et de voyager dans les terres natales de Greg. Entre Texas, Arizona et Californie, sur ces plateaux et ces déserts écrasés de soleil, à la nature majestueuse. Durant ce road-trip éloigné de leurs habitudes, le duo a composé un album plus clair, plus abouti.
Greg ne se cache plus derrière les effets et laisse son sens de la mélodie éclater au grand jour. Enregistrées à Austin et à New York, ses atmosphères demeurent soignées, mais penchent plus désormais vers le meilleur de The Cure. Celui des mélodies imparables de Robert Smith sur les premiers albums, voire des tubes de Chris Isaak, où les six-cordes enrobées de réverb soulignent les voix.
Les guitares sèches se mêlent aux électriques sans basculer dans la distorsion. Un vrai batteur remplace les boîtes à rythmes des opus précédents, les synthés se font plus discrets… Le son est plus tranchant, plus clair, plus évident. « Nous voulions faire ressortir un côté surnaturel, quelque chose d’indéfinissable, dans nos compositions aux vibrations classiques », avance Greg. « Nous essayons toujours d’obtenir en studio le son que nous entendons dans nos têtes. Le nom de cet album, Slow Air, évoque bien son esprit à la fois étrange, beau et solide », renchérit Tessa. Au sens propre, le slow air est un terme texan qui désigne le vent brûlant qui ralentit toute activité humaine…
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