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Laboratoire mondial de l’automobile zéro émission, le pays scandinave atteint des chiffres de ventes exceptionnels : plus de la moitié des nouvelles immatriculations sont électriques. Un tournant sans doute irréversible.
En Norvège, près d’Oslo, dans un vaste showroom Volkswagen, le couple Iversen déambule entre les voitures. Par curiosité. Parce qu’entre eux il n’y a plus de débat. Ce sera une Golf. Surtout, avant même d’entrer, ils l’avaient décidé : ce serait une e-Golf. « Tout le monde autour de nous est passé à l’électrique », admettent-ils comme une fatalité.
Depuis le début de l’année, la Norvège, championne du monde des véhicules zéro émission, a passé un nouveau cap. En effet, plus de la moitié des voitures vendues sont électriques. La barre des 60 % a même été atteinte en mars.
A titre de comparaison, la France peine à dépasser le seuil de 1,5 %… Cette accélération rend réaliste l’interdiction des motorisations essence et Diesel programmée par le gouvernement norvégien pour 2025. Dans sa concession de Mollen Bil, un quartier résidentiel à l’ouest d’Oslo, le directeur, Fridtjof Mortensen, assure même que lui n’en vendra plus « sans doute dès 2022 ».
« Nous sommes déjà à 85 % de voitures électrifiées, hybrides compris, poursuit-il. Avec seulement deux modèles purement électriques, l’e-Golf et l’e-Up. Nous avons lancé la commercialisation de la future gamme ID, livrable fin 2020, et les réservations sont très bonnes. Les gens ont compris que le coût final d’une voiture électrique est plus favorable. »
En Norvège, c’est d’abord une question de prix
La Norvège, et plus particulièrement sa capitale, cumule les effets d’aubaine. Dans l’un des pays les plus riches d’Europe (avec la Suisse et le Luxembourg), où à peine 5 millions d’habitants vivent de la manne… pétrolière, la bonne conscience environnementale est trompeuse.
« Nos études montrent que le prix reste le principal argument d’achat, loin devant les préoccupations de pollution locale ou de changement climatique », assure Unni Berge, responsable de l’Association norvégienne pour la voiture électrique.
Depuis longtemps, le pays pénalise l’automobile par toute une série de taxes, en plus d’une TVA à 25 %. Sur les importations, sur les émissions de CO2 et de particules fines, sur le trafic (par le biais de péages urbains dissuasifs)…
C’est l’exemption intégrale de ces taxes, ainsi que la gratuité des parkings ou des facilités de circulation dans des lignes dédiées, qui a permis le développement du marché électrique. Ainsi, Renault peut proposer sa Zoé presque moins chère qu’une Clio. Et Volkswagen positionner son e-Golf au même tarif qu’une Golf thermique à équipements équivalents.
« Les règles fiscales sont claires jusqu’à fin 2020, explique Anita Svanes, responsable de la communication de Volkswagen Norvège. Mais certains commencent à les remettre en cause et estiment que le revenu des taxes serait utile à la construction d’écoles ou d’hôpitaux. Déjà, localement à Oslo, des exemptions de péages ont été supprimées. »
Les constructeurs investissent
Pour autant, le miracle norvégien n’est pourtant pas près de ralentir. « Si les avantages économiques perdurent, les immatriculations vont continuer d’augmenter, pronostique Stine Fratras, responsable marketing de Renault. Parce qu’en même temps l’offre de modèles se développe vite. D’autant que toutes les marques priorisent la Norvège en termes de quantité de véhicules et de délais de livraison. »
L’année 2019 marque un tournant dans la stratégie des constructeurs, sous pression des normes antipollution européennes. Les gammes électriques se multiplient, comme les capacités de production qui leur sont allouées. D’ici à la fin de l’année, Peugeot lancera son e-208 et Opel sa Corsa pour les citadines. Sans compter la nouvelle Zoé de Renault et l’arrivée de Honda sur le segment.
Aussi, dans le haut de gamme, très prisé des Norvégiens – ils ont fait un accueil triomphal à la Jaguar i-Pace –, Porsche débarque avec le Taycan. Ainsi qu’Aston Martin avec la Rapide E et Mercedes avec les EQA et EQC…
En Norvège, qui a donc réglé la question décisive du coût d’acquisition, demeurent les réticences sur l’autonomie de la batterie et son corollaire, le réseau de recharge. A l’Association norvégienne pour la voiture électrique, qui compte aujourd’hui 75 000 adhérents (contre 5 000 en 2013) et 30 salariés, on mesure chaque jour l’importance du sujet.
Les investissements massifs des constructeurs et de leurs sous-traitants portent sur les capacités d’autonomie. Poussé par la crise du diesel, Volkswagen, qui prévoit de lancer 70 nouveaux modèles d’ici à 2028, est ainsi le premier groupe européen à annoncer la construction de sa propre usine de batteries. Afin, également, de réduire sa dépendance à la quasi-exclusivité de la Chine et de la Corée du Sud. Tous ces efforts vont bientôt porter l’autonomie au seuil symbolique des 500 kilomètres.
La Norvège, un modèle difficile à exporter
Le modèle norvégien est-il pour autant reproductible ? Difficilement si l’on regarde les chiffres de ventes européens. En effet, l’électrique perce dans les pays dont le PIB par habitant est élevé, comme la Suède, la Finlande ou les Pays-Bas. Il demeure microscopique en Europe centrale et du Sud.
Marginal même en Allemagne : en dépit d’une augmentation de 40 % des volumes, seulement 36 000 voitures y ont été vendues en 2018. Afin que le déclin accéléré du diesel ne profite pas seulement à l’essence, la capacité de pouvoir d’achat est décisive.
« La plupart des pays ont pris des initiatives, mais aucune n’a l’ampleur et l’efficacité de celles de la Norvège, affirme Espen Hauge, le président – norvégien – de la World Electric Vehicle Association. Pourtant, avec la baisse rapide du coût des batteries, je suis persuadé que la part de marché de l’électrique atteindra partout les 50 % d’ici à 2025. »
Pour la France et le reste de l’Europe, la Norvège apparaît comme un laboratoire riche d’enseignements. Depuis son quartier d’Oslo, le couple Iversen a d’ailleurs noté un effet presque inattendu : « Il y a de moins en moins de bruit dans la ville ! Cela devient très agréable, et les agents immobiliers disent que ce n’est plus un problème d’avoir un appartement sur la rue… »
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