The Good Business
La banque suisse UBS a dévoilé une étude qui prévoit la possibilité, sur les vols les plus longs, de remplacer les avions par des navettes spatiales.
Pour ses clients institutionnels UBS a réalisé « Who will win the billionaires’ space race ? ». C’est une étude qui passe en revue les opportunités que pourraient apporter la relative démocratisation du tourisme spatial, en se concentrant essentiellement sur le remplacement, à terme, des vols long-courriers. Utopique ?
La banque suisse commence son argumentaire par une prospective de croissance de l’économie spatiale qui pourrait engranger quelque 800 milliards de dollars en 2030, soit deux fois plus qu’aujourd’hui. Le tourisme spatial n’en est encore qu’à ses balbutiements, les chanceux se comptent sur les doigts de la main. Mais UBS estime que dans dix ans il pourrait rapporter, lui, 3 milliards de dollars par an. Beaucoup plus dans le cas d’une cannibalisation des long-courriers par des vols dans l’atmosphère.
Pour justifier tout cela, UBS prend l’exemple du développement récent de nombreux acteurs dans ce secteur. C’est le cas d’Orion Space, de Bigelow Aerospace, d’Axiom Space ou encore du plus célèbre d’entre eux, SpaceX, dont le premier prototype du Starhopper vient d’effectuer un premier test concluant.
Starhopper completed tethered hop. All systems green. https://t.co/0m5Bm5slD2
— Elon Musk (@elonmusk) April 4, 2019
La vitesse, argument N°1
L’étude prend aussi en compte les réponses des clients de la banque. Près de la moitié d’entre eux seraient prêts à acheter un billet pour un long-courrier effectué par une navette spatiale. 4 % pourraient même le faire fréquemment, plusieurs fois par an.
L’intérêt principal est de réduire considérablement le temps de vol. Un Londres – Sydney pourrait durer, par exemple, un peu plus d’une heure. Et vers New York, il ne faudrait que 45 minutes depuis la capitale britannique ! Ainsi, les clients interrogés placent la vitesse au premier rang des raisons pour lesquelles ils emprunteraient un tel vol.
Ainsi, UBS avance deux marchés pour ce nouveau tourisme. Les long-courriers de plus de 10 heures, et les long-courriers plus courts mais qui transitent vers les Etats-Unis, le pays le plus intéressé par ce service. Cela représente 800 liaisons et 150 millions de passagers par an. UBS affirme qu’en 2018, 527 0000 vols qui entrent dans ces catégories ont été effectués. Il suffirait que 5 % d’entre eux soient remplacés par des vols dans l’atmosphère supérieure, à 2 500 $ le billet pour engranger plus de 20 milliards de dollars par an ! Loin des 3 milliards prévus en cas d’évolution « normale » du marché…
Des bénéfices pour les acteurs du tourisme « traditionnel »
Puisque c’est son rôle, UBS informe ses clients, souvent des investisseurs, voire de grandes compagnies, des opportunités qu’offre ce marché encore embryonnaire. Si elle présente plusieurs jeunes acteurs en plein développement, la banque fournit également une liste détaillée des entreprises qui pourraient bénéficier directement du développement des long-courriers spatiaux. A condition qu’elles prennent le train en marche.
Parmi elles, des constructeurs, comme Boeing, Airbus ou Lockheed Martin. Mais aussi des assurances, des groupes hôteliers, des tour-opérateurs, des compagnies aériennes dont Air France – KLM et Lufthansa par exemple, et… des aéroports !
Tous n’ont pas la chance d’être identifiés par UBS comme potentiellement capables d’accueillir les infrastructures nécessaires. Bonne nouvelle, le groupe ADP figure dans la liste ! Sydney, Shenzen, Shangaï, Zurich et Francfort, entre autres, pourraient eux aussi profiter du développement du tourisme spatial, toujours selon UBS.
Est-ce qu’il faut y croire ?
Les arguments financiers, les promesses de quasi-téléportation d’un bout à l’autre du globe… Alors, où est-ce que ça coince ? D’abord, il faudra faire en sorte que ces voyages dans l’espace soient au moins aussi sûrs que l’avion. Puis, le service devra être proposé au même prix qu’un billet en classe affaires. Et ce ne sera pas pour tout de suite… Elon Musk, à la tête de SpaceX, estime qu’un billet vers mars pourrait coûter, au mieux, autour de 100 000 $. Si cela reste incomparable avec un Paris – Tokyo, il est possible de se faire une idée, et on semble à des années lumières d’atteindre la barre des 5000 $ aller-retour.
Ensuite, il faudra aussi présenter l’idée au consommateur et le convaincre. Parmi tous les clients interrogés par UBS, ils sont 60 % à affirmer catégoriquement qu’ils ne voyageront jamais dans un « avion spatial ». Et les 40 % restants ont des raisons qui ne rassurent pas forcément sur la viabilité, sur la durée, d’un tel service. Outre la vitesse, ils ne sont qu’entre 5 et 8 % à trouver cela utile pour les voyages d’affaires – la cible principale – contre 29 à 40 % à trouver cela « cool » de tester une telle nouveauté et entre 5 et 10 % à vouloir y participer pour s’en « vanter ». Pas très encourageant si l’on veut faire des vols dans l’atmosphère supérieure une vraie alternative plutôt qu’un effet de mode.
UBS a également sondé les principaux acteurs du marché…
Il s’agit de ceux qui rentrent dans la liste de bénéficiaires potentiels de l’explosion du tourisme spatial, et les résultats sont peu concluants. Aucun d’entre eux n’a encore misé sur l’espace, ni pense pas le faire dans un avenir proche. Les compagnies aériennes, par exemple, préfèrent miser sur le supersonique.
Car l’autre problème des vols spatiaux d’UBS, ce sont les concurrents. Les descendants du Concorde, donc, qui, même s’ils seront un peu plus lents (3h30 pour un Londres – New York) sont plus réalistes, devraient arriver sur le marché dans peu de temps et font tout autant « rêver » les clients. Mais aussi les futurs appareils électriques. S’ils sont encore en développement et seront utilisés dans un premier temps pour les moyen-courriers, ils sont plus propres. Tout le contraire des navettes spatiales gourmandes en carburant et polluantes, à contre-sens des enjeux actuels. Un argument qui compte de plus en plus pour les entreprises et les investisseurs.
En bref, il y a un marché à conquérir mais c’est une niche qui passera certainement au second plan lorsque les compagnies aériennes, tour-opérateurs et groupes hôteliers s’intéresseront au tourisme spatial. Malgré les prévisions optimistes d’UBS à 2030, le développement à grande échelle d’une aviation civile spatiale de la Terre à la Terre semble encore très lointain. La conquête de Mars et les voyages organisés vers la Lune arriveront certainement avant… question de priorité !