The Good Business
Haut les mains ! Depuis plus de trois ans, les patrons du Big Mamma Group, arrivés comme deux cheveux sur la soupe de la restauration parisienne, raflent tous les honneurs des gazettes. Ils viennent d’ouvrir, à Lille, leur premier restaurant hors de la capitale. Le huitième au total.
L’Italie est certainement, avec les Etats-Unis et l’Angleterre, le pays qui alimente le plus de fantasmes chez les Français. Pas un hasard, de croiser souvent dans chaque grande ville du pays un restaurant italien à chaque coin de rue, ou presque. Il faut être un peu fou pour décider de changer le paysage de la restauration transalpine parisien, quand le « marché » est déjà saturé. Il faut l’être encore plus quand on est Français et diplômé d’HEC.
Pourtant, Victor Lugger et Trigane Seydoux se sont lancé dans l’aventure Big Mamma et ouvraient en 2015 leur premier restaurant, East Mamma. Un peu plus de trois ans plus tard, ces anciens de My Major Company et LOV Group sont désormais à la tête de 8 établissements, dont le plus grand restaurant de France, La Felicità à la Station F, emploient 700 personnes et servent 10 000 clients par jour.
Début octobre, Big Mamma s’installait hors de la capitale pour la première fois, dans le Vieux Lille et ouvrait La Bellezza, un espace de 380 m2 répartis sur deux étages. Au centre, un amphithéâtre italien avec vue sur les cuisines ouvertes. Ce huitième restaurant n’échappe pas aux règles que le groupe a fixé dès le départ : du bon, un prix juste, un bel endroit, un service souriant, « cool », et majoritairement italien. Des ingrédients qui ont fait le succès instantané de Big Mamma.
The Good Life a rencontré Victor Lugger, l’un des deux fondateurs, à la table de la Pizzeria Popolare, célèbre pour sa Margherita à 5 euros, une bizarrerie à Paris. Dans un italien parfait, sourire aux lèvres, ce jeune trentenaire salue un à un les employés, à quelques minutes du coup d’envoi de midi.
The Good Life : Le succès rapide de votre premier restaurant, East Mamma, vous a-t-il surpris ?
Victor Lugger : Sans fausse modestie, oui. Pendant les 2 ans et demi de préparation à l’ouverture du premier restaurant Big Mamma, des dizaines d’experts nous ont conseillé d’être en sureffectif pour l’ouverture, de prévoir large, pour éviter de décevoir les clients. Nous avions embauché 20 personnes, pensant que c’était plus que le nécessaire. Dix jours après, on était 45 ! Si on avait vraiment imaginé un tel succès, on aurait embauché une cinquantaine de personnes dès le premier jour !
The Good Life : Comment expliquez-vous cet engouement instantané ?
Victor Lugger : Je vois quatre raisons. D’abord on proposait du bon, pas cher, dans un bel endroit avec un super service. Rien d’extraordinaire, mais plutôt rare à Paris, surtout dans un restaurant qui propose 100 places assises. Ensuite, on avait déjà parlé de notre projet à nos réseaux respectifs, c’est peu mais ce sont tout de même quelques personnes au courant de l’ouverture. Nous avons également fait un petit « buzz » avec notre campagne de communication, des photos des artisans partenaires avec leurs produits photographiés à la manière d’un shooting de mode que l’on affichait sur la devanture, qui a éveillé la curiosité des habitants du quartiers. Enfin, nous avons découvert la puissance du bouche à oreille. Les Parisiens, et les Français en général, parlent très souvent de là où ils déjeunent ou dînent, c’est culturel, l’effet boule de neige est incroyable. Et pas en trois semaines, en trois jours ! En plus de tous ces éléments, nous avons eu la chance d’accueillir, par hasard, une journaliste de My Little Paris dès l’ouverture, qui a parlé de nous dans sa newsletter !
TGL : Quel était le marché visé par Big Mamma ?
V.L. : Tout le monde veut manger bon et moins cher. Donc tout le monde ! La demande était là, on ne s’est pas posé la question de l’existence du marché.
TGL : Justement, comment est-ce que l’on arrive à faire du « bon pas cher » à Paris ?
V.L. : Nous achetons nos produits en direct. Ils sont 30 % meilleurs que la moyenne, et 30 % moins chers. On rogne également sur nos marges, en misant sur le volume pour que le client en ait pour son argent. Aussi, on fait le maximum de choses « maison », même la bière, la glace ou le café, et on en produit de plus en plus, parce que c’est plus économique.
TGL : Vos restaurants sont parmi les plus « instagramés » de France… L’image, c’est aussi important que l’assiette ?
V.L. : Rien n’est plus important que l’assiette. Le marketing, c’est le produit. La communication est entre les mains de deux personnes chez Big Mamma alors qu’elles sont 25 à dénicher les meilleurs ingrédients et les meilleurs artisans. Une fois que l’on a trouvé le bon produit, l’histoire s’écrit toute seule. Si on est aussi forts sur Instagram, c’est parce que le plat est tellement beau que même les moins bons photographes arrivent à faire de jolis clichés, et ont envie de les partager. Mais l’image aussi est importante, c’est vrai pour tout le monde et c’est vrai aussi pour le service, la climatisation, l’ambiance, la lumière, le design… Tout a son importance, mais la qualité de la nourriture est primordiale.
TGL : A propos de design, Martin Brudnizki, une pointure de la décoration, s’est occupé d’imaginer votre premier restaurant. Comment avez-vous réussi à le convaincre ?
V.L. : On nous demande souvent comment deux mecs qui sortent de HEC ont pu réussir dans la restauration italienne… Tout simplement parce qu’on est passionnés ! Forcément, il faut avoir bossé son projet, donner quelques garanties, mais la passion, quand elle se voit, aide à convaincre de sa détermination et du potentiel de réussite du concept. C’est le même discours pour tous les acteurs qu’il faut embarquer dans le projet, du banquier aux investisseurs en passant par le bailleur et le designer.
TGL : Les pâtes chez Mamma Primi, la viande chez Pink Mamma… Chacun de vos restaurants a sa propre carte et sa propre spécialité, pourquoi ?
V.L. : Le copier-coller, c’est ennuyant. Notre métier, c’est de créer des lieux, des atmosphères, c’est ce que l’on aime. Les gens ne nous croient pas quand je le dis, ils pensent que l’on ne réfléchit que par le prisme « business » mais si on s’était contenté de copier les manuels de management, on n’en serait pas là. On se sent légitimes en tant que restaurateurs, on met les mains dedans, on adore la gastronomie italienne, c’est de la sauce tomate qui coule dans mes veines !
TGL : Pourquoi avoir choisi Lille pour votre première expérience en dehors de Paris ?
V.L. : On voulait partir en Province, parce qu’on en vient tous les deux et qu’on trouvait logique de sortir de notre zone de confort. On adore cette ville généreuse, chaleureuse, populaire, gastronome… Lille est tout Big Mamma !
TGL : Et l’étranger, c’est prévu ?
V.L. : Pour le moment, on est vraiment concentrés sur l’ouverture lilloise. Mais oui, on réfléchit à s’exporter. Il faudra trouver des anciens de la maison qui veulent aussi faire le voyage, des gens de confiance. L’Italie, ce serait un beau défi.
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