The Good Business
Ils ne sont qu’une poignée. Et sont pourtant l’objet de toutes les attentions. A coups de prestations de plus en plus luxueuses, certaines compagnies aériennes s’arrachent ces passagers à très haute contribution. Question d’image, mais pas seulement. Quitte à frôler la surenchère...
Il fut un temps où voyager en avion était un luxe. Un vrai. Puis le voyage s’est démocratisé, jusqu’à devenir pour la majorité d’entre nous un service de base constitué d’une classe unique : l’économique. Pour les plus assidus, voyageurs pros pour la plupart, la vie en vol se passe au mieux en business. A tel point qu’aujourd’hui seule une petite douzaine de compagnies maintiennent une première classe dans certains de leurs avions. On pense évidemment aux compagnies du Golfe : Emirates, Etihad et Qatar Airways – la première née en 1985, la dernière en 2003 –, qui proposent toutes le service haut de gamme requis par leur clientèle locale. Mais elles n’ont pas inventé le luxe à bord. « C’est l’Asie qui a donné le ton, précise Franklin Auber, directeur marketing et communication France de Singapore Airlines. Les compagnies du Golfe se sont inspirées de ce que faisaient Singapore Airlines, Cathay Pacific, ANA… avec une qualité de service issue de la tradition hôtelière : Raffles, Mandarin Oriental, The Peninsula, Shangri-La… » Si les compagnies asiatiques ont réussi à maintenir une offre premium, ce fut plus difficile pour les européennes, en proie à des crises financières et sociales. Elles n’ont plus eu ni les moyens ni le temps d’investir dans le haut de gamme.
Si chez Air France l’offre gastronomique a toujours fait rêver, cela n’était plus le cas pour ses premières classes, distancées par des offres plus attirantes. La compagnie a redressé la situation en 2014 en investissant 50 millions d’euros dans l’aménagement de nouvelles cabines La Première à bord des Boeing 777-300. « Réduire les premières classes est une tendance qui, pour nous, appartient déjà au passé, confirme Anne Rigail, directrice générale adjointe client d’Air France. La Première, telle que nous l’avons conçue en 2014, reçoit un excellent retour des clients, et nous avons un bon coefficient de remplissage. Nous avons clairement l’ambition de poursuivre notre montée en gamme à la fois en première et en business. »
Prochaine étape : harmoniser l’offre à bord des A380, ce qui devrait être fait en 2020. Le choix des sièges est en cours, avec la collaboration de certains clients invités à tester les prototypes. Matières, couleurs, éclairage : tout doit être agréable, doux, harmonieux, et transformer comme par magie le confinement en intimité. Les sièges en cuir sont fabriqués par Poltrona Frau (Etihad et Singapore Airlines) ou puisent leur inspiration dans le luxe automobile, comme Emirates, qui a déclaré s’être inspirée de Mercedes.
La course à l’excellence des compagnies
Tout cela a un coût, mais aménager une super-first class est un calcul raisonné. « Si nous maintenons la first class dans 50 de nos avions – 44 % de notre flotte –, c’est qu’elle contribue à la rentabilité de la ligne », explique Franklin Auber (Singapore Airlines). Elle n’est pas remplie à 100 %, mais la marge de profit est bien plus importante que sur un produit business et a fortiori sur un produit éco. Nous considérons que par rapport à la place qu’elle occupe dans l’avion et la recette qu’elle génère, il y a équilibre. » Quels sont les voyageurs qui prennent place dans ces suites ? Il suffit de regarder les lignes sur lesquelles elles sont installées. Si certaines vont vers les Etats-Unis (New York et Los Angeles) et l’Australie, la plupart sont actives vers la Chine, l’Inde, l’Indonésie et le Japon. Ce sont des fortunes du top 500, des dirigeants d’entreprise, des hommes politiques, des people.
Chez Air France, 70 % d’entre eux sont étrangers. Reste un très grand nombre de voyageurs qui, n’étant pas éligibles à une première classe, désirent néanmoins profiter du confort d’une place en business. Certaines compagnies décident donc de miser sur cette classe en l’améliorant pour la rapprocher d’une première classique. C’est le cas de Qatar Airways, qui propose la Qsuite, une première en classe affaires avec des cabines qui permettent une disposition en carré et des sièges côte à côte qui forment un lit double. Singapore Airlines a également amélioré sa classe affaires en installant des sièges transformables en lit plat. United Airlines et American Airlines abandonnent la première au profit d’une business plus confortable. « Améliorer la classe affaires n’enlève rien à la première, estime Anne Rigail, parce que voyager en cabine La Première est une expérience à part entière. Nous avons une clientèle qui l’apprécie énormément, et il n’y a économiquement aucune raison de ne pas poursuivre ce modèle qui fonctionne plutôt bien. »
Alors, les super-first en proposent toujours plus en matière de services et de confort. Pour décrire leurs prestations, les compagnies empruntent leur vocabulaire à celui de l’hôtellerie : conciergerie, suite, room service, lit double, coin bureau, minibar… Une expérience qui commence bien avant le vol, avec une prise en charge depuis le point de départ : service de voiture avec chauffeur, bagagiste à l’aéroport, comptoir ou salon d’enregistrement privés, lounges exclusifs ressemblant plus à des resorts qu’à des salles d’attente. « Au-delà des installations, l’enjeu est d’accompagner le client de bout en bout, de lui donner le meilleur service possible, explique Anne Rigail. Certains ont besoin de proximité avec le personnel, d’autres de la plus grande intimité. Le personnel à leur service doit être en permanence à leur écoute, être capable d’échanger à un bon niveau. Nous complétons donc leur formation par des échanges avec les équipes de palaces parisiens pour leur donner tous les codes du luxe à la française. »
La concurrence est serrée, et même si le voyageur de luxe est fidèle, c’est dans les moindres détails que les compagnies doivent se démarquer pour le séduire.
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