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Dépassée par l’accroissement vertigineux de sa population, la capitale indienne est en train de reprendre son destin en main. Caractérisée par ses armées de fonctionnaires et ses problèmes de pollution, elle joue désormais les locomotives d’une économie indienne convalescente.
Demandez à un habitant de Delhi de vous raconter sa ville et vous aurez droit presque immédiatement à une descente en règle de Bombay. La capitale administrative de l’Inde, siège du pouvoir politique d’une nation de près de 1,3 milliard d’habitants, entretient avec la capitale financière du pays une relation schizophrène empreinte d’envie et de dédain réciproques. Un peu comme Washington et New York, Brasilia et São Paulo, ou Milan et Rome.
Il faut dire que Delhi, avec ses dizaines de milliers de fonctionnaires, est en train de devenir la locomotive de l’économie nationale, au grand dam de Bombay, où siègent aussi bien la Bourse de l’Inde que toutes les grandes institutions bancaires. En dépit de l’esprit féodal qui lui colle toujours à la peau, la capitale a enregistré un bond de 12,8 % de son produit intérieur brut (PIB) sur l’année fiscale 2016-2017 achevée en mars dernier. Un exploit quand on sait qu’à l’échelle nationale, la croissance a marqué le pas, à environ 6 %, après le choc monétaire décidé en novembre 2016 par le gouvernement Modi pour combattre la corruption et l’argent sale : en trois heures, 87 % des billets de banque ont été retirés de la circulation, paralysant l’économie informelle.
Depuis, le pays est en convalescence et a dû s’adapter à une nouvelle donne en juillet 2017 : l’uniformisation des taux de TVA, qui fait dorénavant de l’Inde un marché unique. Delhi, où le revenu par habitant est trois fois supérieur à la moyenne nationale, entend bien en tirer profit. « C’est la ville des vieilles fortunes et de l’establishment. Ceux qui y vivent considèrent qu’il n’y a pas de meilleur endroit en Inde, explique l’acteur et réalisateur Rahul Vohra. En fait, l’idéal serait de vivre à Delhi et de travailler à Bombay », enchérit-il, à l’unisson avec sa femme, Mona Irani, née, comme lui, à Delhi. Pour ce couple en vue, Delhi se caractérise par « un savant mélange d’intellectuels, de responsables politiques, d’hommes d’affaires, d’artistes et d’expatriés » qui se régalent des innombrables parcs et jardins que l’agglomération a su préserver au il du temps.
Ce melting-pot s’est résigné, disent-ils, à la croissance démographique exponentielle qui a quadrillé la ville via une masse d’autoroutes urbaines, entre lesquelles se blottissent encore les « enclaves », des havres de paix fermés par des grilles et capables de fonctionner en autarcie, loin du bruit. « L’urbanisation a provoqué un éparpillement qui décourage n’importe quel marcheur. Pour se rendre à un rendez-vous, il faut obligatoirement être motorisé », note Tavleen Singh, célèbre éditorialiste à The Indian Express, qui regrette d’avoir vu disparaître bon nombre des « villas noyées dans la verdure » de son enfance. C’est dans ces « farm houses » que se réfugient désormais les riches familles gentrifiées de Delhi, ces anciennes fermes où, il y a encore une ou deux décennies, on élevait les vaches et on cultivait la terre. Le boom démographique a fait le reste !
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