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Data : données numériques et fin de la vie privée
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The Good Business

Data : données numériques et fin de la vie privée

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Leur volume atteint déjà aujourd’hui une quantité inimaginable. Et la moitié de la planète n’a pas encore accès à Internet ! Les data contribuent certes à améliorer notre quotidien, mais, outre leur vulnérabilité et la facilité avec laquelle on peut les manipuler, elles posent également un véritable défi écologique.

Je, tu, il, nous produisons des données. Et en quantités vertigineuses ! Tout ce que nous faisons, mais pas seulement, toutes nos actions, réelles et virtuelles, produisent des données, des quantités de plus en plus importantes de données. Fin 2017, nous produisions autant d’informations en deux jours que l’humanité en a généré depuis son origine jusqu’au début du XXIe siècle ! Ce volume croissant double tous les dix-huit mois et il continuera d’augmenter de façon exponentielle.

De quoi parle-t-on ? De la centaine de milliards de photos postées sur Facebook en un an, des dizaines de milliards d’e-mails envoyés chaque jour, des centaines d’heures de vidéo mises en ligne sur YouTube chaque minute, des millions d’images médicales produites chaque jour, des cours en ligne proposés dans le monde entier, des transactions bancaires, des données GPS, de la météo… Sans compter les 100 milliards d’objets connectés, montres, voitures, colis, robots, thermostats, drones, caméras, qu’on nous promet d’ici à 2025 et qui produiront, eux aussi, d’autres milliards d’octets chaque seconde.

Ces volumes de données sont fort utiles. Ils nourrissent les algorithmes, notamment ceux d’intelligence artificielle (IA), qui apprennent grâce à eux et nous aident à mieux comprendre et à trouver des solutions nouvelles. « Les données ont deux atouts majeurs. Elles permettent la personnalisation et, de fait, elles fluidifient notre quotidien », précise Antoine Denoix, cofondateur de l’agence Fifty-five, avant de rejoindre Axa France, en 2014, en tant que Chief Digital Officer (CDO, directeur de la stratégie numérique, en français).

Un data centre de Facebook.
Un data centre de Facebook. Bloomberg / Getty Images

Dans la santé, par exemple, un patient pourra bientôt recevoir un vaccin parfaitement adapté à son profil génétique, dont les données auront été associées à celles accumulées au fil des ans sur toute une population. De même, les informations sur ce que nous consommons (VTC, assurances, livraisons de courses ou de repas à domicile, réservation de billets de train ou de spectacles, etc.) facilitent ces services, car nous sommes reconnus et nous n’avons plus besoin de dire qui nous sommes, quel est le code d’entrée ou le numéro de notre carte de crédit.

Faire « parler » les données

Ce confort d’usage est appréciable, mais il est à double tranchant. « Le numérique a rendu le monde d’aujourd’hui plus pratique qu’il ne l’était il y a vingt ans. Internet, la communication en temps réel, les voitures plus intelligentes, sont autant de progrès mis au service de la société. Mais la question de la maîtrise des données reste posée. L’enjeu est de savoir à qui nos données seront vendues et comment elles seront utilisées », insiste Antoine Petit, président de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA).

A cette fin, les entreprises vendent et achètent les données que nous produisons, puis elles les croisent pour mieux analyser nos profils de consommateurs, de citoyens, d’internautes, de voyageurs, etc. Et, en retour, nous vendent encore plus de produits, adaptent les services qu’elles nous proposent ou nous détournent de leurs concurrents. « Les internautes abandonneront complètement leurs données aux plates-formes en échange d’un service rendu. S’il faut faire un effort pour protéger la confidentialité de ses données, l’utilisateur y renoncera. De plus, personne n’est prêt à payer pour utiliser un service Google, par exemple, même si l’on sait que nos données sont utilisées et monétisées ensuite… », anticipe Antoine ­Denoix.

Le data centre de Google en Georgie. Des milliers de serveurs qui ont besoin de kilomètres de canalisations pour les refroidir.
Le data centre de Google en Georgie. Des milliers de serveurs qui ont besoin de kilomètres de canalisations pour les refroidir. CONNIE ZHOU / GOOGLE

Cette croissance exponentielle pose plusieurs problèmes concrets qui vont s’accentuer dans les prochaines années. Les données sont traitées, stockées, archivées dans des data centers (les centres de données). Leur nombre, évalué à près de 4 200, répartis dans 119 pays, par le site Data Center Map, continue d’augmenter en même temps que leur taille grandit. Il s’agit de vastes hangars dans lesquels sont empilés des milliers de serveurs informatiques. Le problème, c’est que ces serveurs réclament beaucoup d’électricité – environ 3 % de la consommation mondiale – et ils chauffent, il faut donc les alimenter et les refroidir. C’est pourquoi leurs opérateurs les regroupent dans les régions qui répondent à des critères essentiels : un coût de l’électricité abordable et des températures extérieures pas trop élevées, mais tout de même à proximité des centres urbains, où sont concentrés les clients, les entreprises et les habitants.

Un chiffre aide à mesurer l’importance de l’approvisionnement en électricité : envoyer un e-mail avec une pièce jointe de 1 Mo, soit une photo de résolution moyenne, équivaut à la consommation d’une ampoule à LED de 20 W pendant une heure. Une valeur à multiplier par les milliards d’e‑mails envoyés chaque jour… De plus, ces centres émettent quantité de CO2. On estime que 2 % des émissions mondiales leur sont imputables­, soit presque autant que l’ensemble du secteur aérien. Et seule la moitié de la population mondiale est aujourd’hui connectée à Internet… Pour remédier à ces problèmes et éviter qu’en résulte des conséquences irréversibles demain, les principaux exploitants de ces data centers (Google, Amazon, Facebook, Apple ou Microsoft) innovent sur tous les plans : production d’électricité par du solaire, de l’éolien, des piles à combustible ou du biogaz ; agencement des serveurs dans des conteneurs hermétiques immergés dans les océans ou installés dans des carrières souterraines, récupération de la chaleur émise pour chauffer équipements publics et logements environnants…

Cybersécurité contre cybercrime

Puisqu’elles prennent de la valeur, témoignent de notre identité ou donnent accès à des services, comme la santé, nos données deviennent vulnérables et objet de convoitise. Des événements récents, comme la manipulation des données postées sur les réseaux sociaux au moment des campagnes électorales ou le vol des données d’identité de 57 millions d’utilisateurs et de chauffeurs d’Uber, préfigurent les nouveaux crimes auxquels nous allons être de plus en plus souvent confrontés.

Un problème de canalisations que Microsoft a essayé de contourner, avec son Project Natik en immergeant ses serveurs dans l’océan, au large des côtes californiennes.
Un problème de canalisations que Microsoft a essayé de contourner, avec son Project Natik en immergeant ses serveurs dans l’océan, au large des côtes californiennes. PROEJCT NATIK / MICROSOFT

Dans le « Dark Web », la place de marché du cybercrime, « le code inscrit au verso d’une carte de crédit ne vaut qu’une dizaine d’euros. Il est possible d’acheter également une adresse de livraison pour réceptionner des achats effectués avec une carte dont on a volé le code. On trouve aussi des faux papiers, des certificats de domiciliation, etc. », détaillait récemment Loïc Guézo, cyberstratège chez Trend Micro, un acteur de la cybersécurité. Sans vouloir les minimiser, ces crimes ne sont que la traduction numérique d’infractions commises dans le monde physique.

En revanche, les progrès technologiques font peser une nouvelle menace sur les données : leur falsification. Il est possible de publier de fausses informations sur les réseaux sociaux. La viralité fait le reste. Et il faut du temps pour que la fake news soit dénoncée. Pire, l’intelligence artificielle permettra, sous peu, de réaliser de fausses vidéos dans lesquelles de vraies personnes tiendront des propos qu’elles n’ont jamais prononcés. On imagine aisément les dégâts que pourrait occasionner cette technique dans le monde politique. Un dictateur en puissance pourrait, ainsi, prendre le pouvoir pour rétablir l’ordre menacé par une révolte – qui n’aurait jamais existé que dans des images et des témoignages créés de toutes pièces…

Dans les locaux de The Bunker, enterrés dans les sous-sols d’un ancien site du Ministère de la Défense britannique, dans le Kent, la sécurité est au cœur des préoccupations de ce data center. Ce cloud mise, en effet, sur les dernières techniques de cryptographie pour protéger les données de ses utilisateurs.
Dans les locaux de The Bunker, enterrés dans les sous-sols d’un ancien site du Ministère de la Défense britannique, dans le Kent, la sécurité est au cœur des préoccupations de ce data center. Ce cloud mise, en effet, sur les dernières techniques de cryptographie pour protéger les données de ses utilisateurs. DR

Certes, les données facilitent notre quotidien et ouvrent la porte à la personnalisation, mais elles nous lancent de sérieux défis pour les années à venir : des défis écologiques, économiques, philo­sophiques et politiques.


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