The Good Business
Le leader des quotidiens néerlandais n’est pas épargné par la crise de mutation qui secoue la presse mondiale, mais reste le grand mass media du pays. Aussi les investisseurs se sont-ils battus pour en prendre le contrôle avec l’espoir de le rendre, bientôt, de nouveau bénéficiaire.
« Si tu peux rester digne en étant populaire / Si tu peux rester peuple en conseillant les rois… » Comment ne pas songer au poème de Rudyard Kipling en écoutant le directeur de la rédaction du De Telegraaf évoquer, pour The Good Life, sa ligne éditoriale pour le moins complexe, mais qui a fait jusqu’ici la réputation de son journal et apparaît le meilleur garant de sa survie ?
L’objectif du dynamique Paul Jansen, 50 ans, est d’apporter le maximum de réflexion et de mise en perspective sur l’actualité, nationale et internationale, tout en essayant de séduire le plus grand nombre possible de lecteurs. Gageure ? « Non, assure-t-il. Certes, servir tout le monde qualitativement constitue un défi, mais nous disposons pour le relever d’un certain savoir-faire. »
De Telegraaf : des recettes efficaces
Ce savoir-faire peut s’illustrer notamment par la façon, pour le moins originale, dont De Telegraaf amène ses lecteurs les plus indifférents à la politique étrangère, à s’intéresser aux provocations du régime de Pyongyang qui montre ses muscles à coups d’essais nucléaires. Ainsi, à la une du grand quotidien d’Amsterdam, s’étale une immense photo insolite d’un vieil homme moustachu, béret vissé sur la tête et la poitrine couverte de médailles. Il s’agit d’un vétéran néerlandais de la guerre de Corée… Bravache, le nonagénaire lance cet héroïque cri du cœur: « S’il le faut, je suis prêt à repartir là-bas, baïonnette au canon ! » Au pied de la légende figure la mention : « Voir pages intérieures ».
Plus loin, deux pages analysent les conséquences des tensions entre Pyongyang et Washington, et le correspondant permanent du journal néerlandais aux Etats-Unis y commente les mises en garde adressées par le président Donald Trump à l’irréductible dictateur Kim Jong-un. De telles recettes journalistiques, si astucieuses soient-elles, ne sauraient évidemment suffire à l’heure de la révolution numérique. C’est pourquoi la rédaction en chef a tenu – et a réussi – à faire embaucher une vingtaine de jeunes journalistes bimédia en 2015, au moment même où le groupe propriétaire, Telegraaf Media Groep, supprimait 350 emplois dans le cadre d’un nouveau plan d’économies, après que les revenus publicitaires avaient chuté de 6 % en l’espace d’un semestre.
Telle Esmee Otter, 24 ans, pianotant avec allégresse dans l’immense open space où les breaking news défilent sur les écrans, ces nouvelles recrues écrivent successivement pour le web et le print, mais enregistrent aussi des interviews vidéo à l’aide d’une caméra ou de leur iPhone. « Nous avons même fait notre premier reportage vidéo en direct à l’occasion de l’attentat terroriste de Barcelone en août 2017», précise fièrement Paul Jansen qui a pris les rênes de la rédaction voilà deux ans.
En chiffres
• 1893 : naissance du quotidien.
• Format : tabloïd, 28 pages (publicités incluses).
• Prix au numéro : 2,50 €.
• Edition dominicale imprimée remplacée, en 2014, par une version numérique.
• Diffusion quotidienne moyenne édition papier (2017 source NPM) : 415 306 exemplaires (521 778 en 2012).
• Audience quotidienne moyenne édition papier (2017 source NPM) : 1,258 M exemplaires.
• Audience quotidienne édition numérique (août 2017 source NOBO) : 1,324 M visiteurs, dont plus de la moitié sur smartphone.
• Nombre de journalistes : 215 (350 en 2007).
• Suppléments hebdomadaires : Vrij (généraliste) et Vrouw (féminin).
• Chiffre d’affaires du groupe TMG 1er semestre 2017 : 155 997 M€.
• Résultat net TMG 1er semestre 2017 : -11293 M€ (+3,134 M€ au 1er semestre 2016).
• Capital de TMG (Telegraaf Media Groep) : Mediahuis, 64,66 % (il détient également le quotidien flamand De Standaard); Talpa, 29,16%; Cantor, 3,35 % et divers actionnaires minoritaires (moins de 3 %).